Observation de la faune au Cap Horn

Faune locale, Cap Horn

Dimanche 18.
Grande balade sous la neige qui tombe. Je grimpe comme une chèvre, entre les moraines et la neige, tantôt je m'enfonce, tantôt je glisse... Paysage superbe en haut avec, pour récompense, un vin à la cannelle et un biscuit chocolaté ! En redescendant (parfois sur les fesses), nous croisons des pingouins qui se laissent glisser sur le ventre...

Mardi 20.
Arrivée à Faraday, actuellement occupée par des scientifiques ukrainiens. Escalade d'une petite colline. Paysage splendide : panorama de montagnes. Le soir, visite de la base. Agréablement surpris par la propreté des lieux. Exposé en anglais de Vladimir, le "chef", sur l'historique des bâtiments puis sur leurs travaux. Le sérieux, l'organisation nous impressionnent tout comme la modernité du matériel. Nous prenons un verre au "pub" dans le plus pur style anglais (les Anglais occupaient auparavant cette île).

Colonies de manchots dans l'AntarctiqueManchot avec ses petits

Mercredi 21.
Quelle belle surprise! Deux baleines à bosses nous éblouissent de leurs prouesses pendant une heure. Elles suivent de très près le bateau et nous pouvons voir leurs ailerons blancs se dresser au dessus des vagues, leur tête dentée sortir de l'eau, leur corps tacheté de parasites plonger dans l'océan. Elles nous aspergent d'eau et nous sentont leur odeur peu engageante. Quel spectacle !

Samedi 24.
Arrivée la veille à l'île d'Anvers, où nous visitons la station américaine de Palmer. 50 personnes (dont 12 femmes) vivent ici avec tout le confort possible (salle de gym ...). Grande station, très moderne. Une jeune femme charmante nous accueille et nous montre quelques aquariums où nagent des étoiles de mer, des araignées de mer... car ici, on étudie la faune marine.

Plus loin, sur la plage, nous attend une colonie d'éléphants de mer : bêtes énormes, au pelage qui varie entre le gris et le marron, une gueule effrayante avec deux dents devant et un museau orné de deux narines qui s'ouvrent et se ferment sans cesse. Le mâle, plus gros, trône au milieu des femelles. Ils puent et poussent des "beuglements" de temps en temps. Etendus paresseusement, il leur arrive de se bousculer sans ménagement (certains saignent un peu), de se gratter avec leurs petites pattes de devant (qui sont munies de doigts !). C'est impressionnant ! Ils se déplacent lentement en rampant sur le sol et en secouant leur queue palmée.

Manchot femelle nourrissant sa couvéeManchots sur l'Antarctique

Jeudi 29.
A 9 heures, nous apercevons, dans le lointain, le légendaire Cap Horn et, à 11 heures, nous débarquons sur l'Ile Maudite. Un escalier de bois nous mène à la maison du gardien du phare. A côté, une très belle église toute en bois, petite chapelle de la terre de feu, plantée sur ce rocher où pousse une végétation composée d'arbustes odorants, parfois de paquerettes. Au détour d'un chemin, nous voilà à la croisée des deux océans, le Pacifique à droite et l'Atlantique à gauche. Nous grimpons jusqu'au monument érigé à la mémoire des marins disparus dans la furie des vagues du bout du monde. L'île est déserte, escarpée par endroit. Il y a même une petite, toute petite piste pour hélicoptère. Nous regagnons le voilier avec le zodiac qui a du mal à se frayer une voie entre les algues tentaculaires et les gros cailloux qui bordent la plage.

Philosophie marine

Pour terminer, une note plus personnelle qui pourrait s'intituler "réflexions philosophiques d'une poignée de mécréants en Antarctique" !

1) Respecter les autres et se faire respecter. C'est la devise de tous les marins et ce devrait être, il nous semble, celle de tout un chacun. Nous sommes 13 à bord (pas superstitieux !), d'âge, de nationalité, de profession, de milieu très différents. Nous n'avons pas les mêmes opinions, la même culture, la même éducation et, pourtant, nous ne pouvons que nous entendre !(pas question de passer l'un d'entre nous par dessus bord avec cette température...). Et pour cela, "je ne te gêne pas, tu ne me gênes pas", chacun fait au mieux pour tout le monde. Il n'y a pas d'autres issues. Et ça marche ! Disons qu'à bord, le général, la raison et le bon sens l'emportent toujours sur le particulier car, du fait de l'exigüité et du manque de confort des lieux, il nous faut apprécier, savourer chaque minute de bien-être. La recherche journalière d'un épicurisme de base, telle pourrait être la devise de l'équipage... Bonne humeur et souvent franche rigolade sont de mise.

2) Les amoureux des déserts blancs sont souvent des philosophes en herbe. Epoustouflés par la beauté des paysages et par la grandeur qui s'en dégage. Vous avez dit "livres sacrés". Certes, mais les marins disent aussi "nature sacrée", Dieu des icebergs... D'ailleurs, les navigateurs ont le temps de lire, lors des grandes traversées... tous les livres qui leur parlent de l'humanité et de ses inquiétudes... "l'Illiade" d'Homère, "le jour avant le lendemain" de John Riel. Ils rêvent à tous ces récits des civilisations disparues qu'ils ne connaitront jamais parce qu'elles sont enfouies dans les sables, les neiges... Ils songent au disque du dieu Ré, à l'hostie qui est ronde comme lui, aux mythes symboliques et aux mythes supports qui se rejoignent tous et se confondent dans la recherche spirituelle des hommes qui, elle, est unique.