Cuzco et la vallée sacrée

Samedi 14/07 : Forteresses et Ruines

Nous avons pu passer cette belle matinée ensoleillée du quatorze juillet à flâner librement dans la ville de Cuzco. Pour commencer, je visite avec mes deux compagnes de chambre (pour couper court à votre imagination, sachez que les deux avaient autour de cinquante ans) le magnifique hôtel Monasterio. Celui-ci est établi à l'intérieur d'une ancienne maison coloniale et s'articule autour d'un ravissant patio central verdoyant et bien entretenu. Il appartient à la chaîne nord-américaine Orient-Express Hotels. Le site construit en 1592 a été converti en hôtel quatre siècles plus tard, en 1995. L'hôtel possède même sa propre chapelle, décorée dans un style baroque des plus clinquants. Nous discutons avec un garçon d'étage qui nous a permis d'entrer dans la chambre qu'il nettoyait. La pièce n'est pas grande mais tout de même assez luxueuse pour justifier les cent vingt dollars pour une nuit. Le groom, comme beaucoup d'autres Péruviens, occupe une seconde profession, la nuit il travaille dans un restaurant du centre-ville. Il nous donne les coordonnées de celui-ci et nous indique où on peut le trouver.

Murs incas

Les robustes murs incas servent de fondations aux constructions espagnoles : Symbole d'un double héritage parfois mal vécu et mal compris

Après cette halte, nous nous dirigeons vers la Plaza Mayor de Cuzco, la place centrale, dans l'intention de visiter la Cathédrale. J'ai toujours été plus impressionné par l'extérieur des églises, par leur côté imposant et leur architecture qu'elle soit gothique ou romane, que par le décor intérieur. Vue de la Plaza de Armas, la Cathédrale de Cuzco est réellement impressionnante. L'intérieur est beau et en bon état, mais le baroque surchargé de dorures, de statues de saints, de christs sanguinolents me laissera toujours perplexe.


Ville de Cuzco

Il est sept heures, Cuzco s'éveille...

Dans un autre genre, nous visitons le Museo Inka, pas très loin de la Plaza Mayor. Le bâtiment espagnol est érigé sur des fondations incas. Le musée de taille relativement grande est un passage obligé, spécialement si on s'intéresse à la civilisation des Incas, qui occupait au XVème siècle, à l'arrivée des Conquistadors, une bonne partie des Andes. On y trouve des collections de bijoux, de poteries, de textiles, des momies également. Dans le patio central de cette ancienne demeure seigneuriale, des artisans habillés en costumes traditionnels tissent, filent et exposent leurs travaux.

Dans le musée, mes deux amies et moi rencontrons trois autres membres du groupe et décidons de nous rendre en taxi au quartier de San Blas, situé un peu plus haut sur le flanc de la montagne. Comme il n'est pas facile de s'asseoir à cinq sur la banquette arrière d'une voiture, je monte avec une amie dans le coffre du taxi. C'est une vue intéressante, comme dans un train, quand on est assis à contre-sens, mais un peu moins confortable. Le quartier de San Blas, très touristique, offre une perspective intéressante sur la ville de Cuzco et nous permet une fois encore d'admirer ses toits de tuiles rouges bombées, un peu à la manière des maisons provençales. C'est également l'occasion de visiter la très belle église -baroque- de San Blas.


La Plaza Mayor de Cuzco

La Plaza Mayor de Cuzco

L'après-midi est réservée à la découverte de quatre sites archéologiques incas dans les proches alentours de Cuzco : Tambo Machay, Puca Pucara, Qenko et Sacsayhuamán. Un bus nous dépose d'abord à Tambo Machay et nous effectuons la promenade à pied pour nous rendre aux autres sites et revenir enfin sur Cuzco en soirée.


Le Pérou, c'est le « Ryaume de la Patate » !

A trois mille sept cent mètres, Tambo Machay, est constitué de petites ruines et notamment d'un "superbe bain cérémonial en pierre ouvragé, baptisé El Baño del Inca. On aperçoit le site voisin de Puca Pucara depuis une petite tour qui se dresse en face." (Lonely Planet). Puca Pucara est un ancien fort dont il ne reste que peu de pierres, et selon la lumière, ses rochers peuvent prendre une couleur rougeâtre, ainsi son nom signifie "Fort Rouge". Quelques kilomètres plus loin, le site de Qenko représente un "énorme rocher de calcaire recouvert de symboles gravés, dont les formes de zigzag lui valent son nom [quenko = zigzag]. On pense qu'il servait à des sacrifices rituels de chicha [bière de maïs fermenté, alcool local rural très populaire] ou peut-être de sang. Des tunnels sont creusés sous les rochers et il existe une mystérieuse grotte dotée d'autels sculptés dans la roche." Nous avons la chance de rencontrer la petite Margot, quatorze ans, dans son survêtement rose, pour en savoir plus sur cette grotte. Car Margot est en effet guide, et très douée d'ailleurs, elle peut tout vous expliquer sur la fonction qu'occupait cette grotte à l'époque inca. Je dois avouer que j'ai complètement oublié ce qu'elle a dit, mais la grotte devait avoir une fonction rituelle importante. J'ai plus été absorbé par la vue de cette jeune fille qui m'a paru si cultivée et si à l'aise dans son métier.


Enchanté !

Nous terminons par le site le plus important, Sacsayhuamán, que certains retiennent mieux dans sa "traduction" anglophone, Sexywoman. "Aujourd'hui, le visiteur ne distingue plus que vingt pour-cent de la structure d'origine. Peu après la conquête, les Espagnols détruisirent une grande partie des murs de Sacsayhuamán pour construire leurs maisons à Cuzco. Ils laissèrent les blocs de pierre les plus lourds, dont l'un pèse plus de trois cent tonnes. La plupart forment les principaux remparts. Les Incas avaient donné à Cuzco la forme d'un puma, Sacsayhuamán en représentant la tête. Le site se compose de trois parties différentes, la plus évidente étant formée par les murs en zigzag des principaux remparts. Les vingt-deux zigzags constituant les dents du puma permettaient une défense très efficace, car les attaquants devaient exposer leur flanc pour lancer le moindre assaut (...) il est difficile de déterminer avec précision la fonction que remplissait Sacsayhuamán. La plupart des scientifiques pensent néanmoins que le site jouait un rôle important sur les plans religieux et militaire" (LP).


Forteresse inca de Sacsayhuamán

Surplombant Cuzco, la forteresse inca de Sacsayhuamán

Même si Sacsayhuamán n'est plus que le vestige d'un glorieux passé, une ruine archéologique, chaque vingt-quatre juin, il reprend vie lors de la fête indienne de l'Inti Raymi ou Fête du Soleil. Cette reconstitution de la fête inca du solstice d'hiver attire des touristes du monde entier. La ville de Cuzco descend dans la rue, et en une longue procession se rend à pied dans les hauteurs à Sacsayhuamán. Il m'aurait plus d'assister à cette fête folklorique et colorée, reflet de traditions vieilles de plusieurs siècles. Ce sera pour la prochaine fois peut-être.

La nuit commence à tomber, nous retournons dans la vallée de Cuzco pour y passer notre troisième nuit.

Dimanche 15/07 : Des Marchés Colorés

Au programme de cette journée, visite des marchés de Chinchero et Pisac, deux petits villages situés dans la Vallée Sacrée, au nord de Cuzco.

En chemin, nous nous arrêtons dans un petit village pour prendre avec nous dans le bus un jeune joueur de charango, la petite guitare locale. Il agrémente notre trajet avec ses chants monocordes et sa musique lancinante. Il dispose bien-sûr d'un répertoire de chansons variées, mais il les chante toutes sur le même ton et il semble ne connaître qu'un seul air de musique. Mais son costume folklorique et sa bonne bouille lui donnent un air sympathique.

Dans la partie basse du village de Chinchero s'étale un marché populaire destiné à la fois aux paysans locaux et aux touristes. Ces derniers préfèrent acheter des produits d'artisanat, tissus, vêtements et autres babioles, tandis que les natifs se dirigent plutôt vers les denrées alimentaires et peuvent pratiquer le troc pour se les procurer. Je voulais essayer la chicha, la fameuse bière de maïs, je me dirige donc au fond de la place là où je crois en apercevoir, dans un grand bidon en plastique. Mais sa couleur rose fluorescent et sa mousse me dissuadent de l'essayer ici. Je la prendrai ailleurs.


Marché du village Chinchero

Le coloré marché du village de Chinchero

En montant plus haut dans le village, nous découvrons un autre petit marché sur la Plaza de Armas de Chinchero. C'est là qu'avait lieu il y a encore un ou deux ans le traditionnel marché qui se trouve maintenant au bas de Chinchero. Maintenant il ne reste plus que quelques étals pour les touristes qui montent visiter l'église. Nous avons d'ailleurs perdu au change, car la situation de la Plaza Mayor à plus de 3700 mètres d'altitude, à flanc de montagne, offre un très beau panorama sur les Andes.


Petite bergère posant devant un mur inca

Petite bergère posant devant un mur inca

Je suis revenu seul à notre autobus et j'ai discuté avec un groupe de plusieurs enfants. Je me suis assis et comme s'ils avaient repéré une proie, ils se sont dirigés vers moi. Ils étaient cinq, et chacun voulait me vendre quelque-chose, une poupée, des gants, un bonnet. Je leur ai expliqué, amusé, que j'étais étudiant et que les dollars ne coulaient pas à flots pour moi. Ils semblaient comprendre, mais cela ne les empêchait pas de continuer à me présenter tout leur matériel, à me proposer de petites ristournes pour essayer de me convaincre. Une sorte de relation duale s'est installée, très ambiguë : une facette commerciale "piège à touristes" assez décontenançante et un côté beaucoup plus humain, plus simple et chaleureux : "Tienes una novia ?" (tu as une copine ?) Pour faire le malin, je répond "si !" "Cómo se llama ?" (comment s'appelle-t-elle ?)... "Tu mama está contigo ?" (ta maman est avec toi ?). Ils peuvent être très durs en affaire, et c'est normal, c'est une façon de survivre et de se protéger. Mais ils n'en restent pas moins des gamins, et comme tous les gosses du monde ils posent les mêmes questions, naïves et drôles.

Mon groupe ne venant pas, j'ai pu passer vingt minutes à discuter avec ces bambins et j'en ai appris un peu sur chacun d'eux. La plus âgée n'était plus vraiment una niña (une enfant) puisqu'elle avait en effet vingt-trois ans et déjà trois muchachos dont le plus âgé, huit ans. Ils ont fini par abandonner leur idée de me vendre quelque-chose lorsque je leur ai promis que j'allais leur donner des crayons de couleur une fois que l'autocar allait ouvrir. Chacun en a finalement reçus plus d'un car il ne fallait pas oublier les frères et soeurs. J'étais content de mon geste en les voyant me faire des grands "coucou" de l'extérieur, une fois assis sur mon siège, mais en même temps un peu triste pour eux. Ce n'est pas un crayon de couleur qui va résoudre les problèmes qu'ils connaissent, ceux que connaissent tous les enfants d'ici qui vivent "à la campagne".

Nous avons ensuite fait route vers Pisac, petit village colonial non loin de Cuzco, où comme à Chinchero un marché a lieu chaque dimanche, qui attire les habitants du coin dans leurs costumes traditionnels, et les touristes, pas du coin, eux aussi très vite reconnaissables. Le village de Pisac est assez grand et le marché s'étale sur la Plaza de Armas et dans plusieurs rues. Il est beaucoup plus touristique, et donc bien moins authentique et charmant que celui de Chinchero. Les stands en bois remplacent les étals à même le sol. La boulangerie du village prépare dans son four à pain un délicieux déjeuner : des petits pains plats typiques de la région, avec à l'intérieur des oignons, des tomates et du fromage. Le tout pour un nuevo sol (environ deux francs)et cuit bien entendu.


La forteresse inca de Pisac : La chorale

Première étape à franchir avant d'atteindre la forteresse inca de Pisac : La chorale !

Le plus intéressant à Pisac, c'est de visiter les ruines qui surplombent le village. Sur le flanc d'une montagne s'étalent des cultures en terrasses, telles de grandes courbes gracieuses. Des escaliers en pierre au bord du vide nous permettent d'accéder au sommet de la montagne, là où se trouve la forteresse de Pisac, qui encore aujourd'hui comprend plusieurs salles de belle architecture en bon état. La visite dure plusieurs heures et elle en vaut vraiment la peine car la vue à partir du sommet surplombe l'ensemble de la vallée. Mais je déconseille cette étape aux personnes sujettes au vertige.


Forteresse de Pisac

Le sommet de la forteresse de Pisac

Le soir à Cuzco, nous sommes allés à la Casa de la cultura (la Maison de la culture) pour assister à un spectacle de danses folkloriques de la région. Un orchestre d'une bonne dizaine de musiciens entonne des rythmes colorés aux accents locaux. Il accompagne les danses de jeunes Péruviennes et Péruviens. La salle est froide et l'on a vite tendance à s'engourdir. Mais la chaleur de la musique et le fait de frapper dans nos mains tous ensemble nous réchauffe très vite.