Sites grandioses de Rapa Nui

Seconde journée

Grasse matinée exceptionnelle jusqu'à 8H : car il a plu bruyamment toute la nuit. Jusque dans ma chambre d'ailleurs, et le flash de mon reflex a explosé. J'ai fait des rêves merveilleux cette nuit : j'étais sur l'Ile de Pâques, et j'allais prendre mon petit déjeuner. Mes enzymes à papaye sont en rang. Mon poignet et mes chevilles s'échauffent en même temps que le quad. Mes vêtements secs profitent de l'être. Eh oui il est humide le grain de beauté d'un océan. Vroum, flack et splotch.

siete tournés vers la mer

Aujourd'hui quatre étapes mystiques (du grec signifiant "être silencieux", car ces sites grandioses nous coupent la parole) :
- le volcan qui servait de carrière pour fabriquer les chapeaux en tuf rouge des moaïs,
- les siete moais, les seuls tournés vers la mer,
- la plage d'Anakena, tout au nord de l'île,
- le volcan Rano Raraku, carrière des moaïs, rencontre ultime avec l'origine du Monde.

volcan

Cette fois, c'est indescriptible.
Ce n'est rien d'autre qu'un darshan.
A partir de la découverte du Rano Raraku, mes jours sur l'île seront passés dans un genre de lévitation. Le volcan est un immense mamelon régnant sur la plaine dévastée par les pascuans. Les arbres ont été remplacés par des statues de pierre venues de nulle part. Un petit lac remplit le cratère : les quatre éléments sont là.

Parcourir l'Ile de Pâques, c'est se déplacer dans un tableau de Dali en écoutant du Bach.

Jours suivants

Ce matin, je me goinfre. La maîtresse de maison me prête une boussole, et je m'en vais faire mon paquetage avec l'essentiel, dans l'ordre : eau (10L), nourriture (pas de soufflés aux fromage), appareil photo, poncho (ses restes, car il a fait le GR20 pendant la tempête), carte, lunettes, passeport, vêtements de rechange, sac à viande et couverture. La météo est bonne, et je pars donc pour 3 jours de randonnée à pied. 50 km à parcourir, soit 60 km en comptant les raccourcis.

Le premier jour je longe la côte et traverse quelques volcans, rencontre quelques moaïs et ahus, puis finis ma course sur le Terevaka. Je décide de dormir sous les seuls vrais arbres de l'Ile que j'ai vu : un petit bois d'eucalyptus. C'est à l'abri du vent, le sol est sec, et surtout, surtout, je n'ai pas le choix.

Le deuxième jour je me perds dans ces petits volcans qui sont tous les mêmes et dans la brume presque palpable qui les couvre sans cesse. J'ai quitté le chemin depuis longtemps et décide de faire un azimut vers la plage d'Anakena. J'ai bien mérité une baignade tout nu! Voilà pourquoi les statues tournent le dos...

Ce mystère résolu, je repars vers une ascension du Rano Raraku comme si je rentrais à la maison. Je laisse seul le Poïke dans son nuage, ce sera pour la prochaine fois. Rano Raraku donc. Je remonte, je découvre certains détails qui m'avaient échappés, et m'aventure tout en haut, m'engouffre dans une faille qui s'ouvre sur le vide en offrant une vue imprenable sur Tongariki. Je respire profondément, intègre en moi des molécules qui sont nées ici, et redescends parce que ça caille. Dormir dans la matrice ne m'enchante pas plus que ça : j'ai choisi de bivouaquer plus bas et plus à l'abri, à Maunga Toa Toa, au pied d'une immense statue.

Ce qui ne m'empêchera pas de retourner dans ce lieu grandiose au petit matin.
Pendant toute la journée je marche tranquillement en longeant la côte est, en épluchant chaque site rencontré. Si bien que je rentre tard, et la nuit me recouvre quand je mange une empeñada face à l'océan.

Quelle balade au bout de soi-même...
Mon sac est scellé, le passeport et le billet d'avion palpitent, c'est déjà ma dernière nuit.
J'ai bien dû verser une larme en montant dans l'avion. Mais je sais que je reviendrais.