Pyramide rouge

Mon choix se porte sur la pyramide rouge pour plusieurs raisons. Bien qu'elle n'ai de rouge que le nom, cette pyramide est la plus ancienne du monde, la deuxième par la taille, une des mieux conservées mais aussi et surtout suffisamment excentrée pour être boudée par les circuits touristiques. Me voici donc un pied de ce joyau quadruplement millénaire, la bouche un peu bée quand même, je vous jure il y a de quoi.

Si j’etais allé a Gizeh il m'en aurait coûté 35 euros pour rentrer à l'intérieur de la pyramide, certainement noyée au milieu de japonais et d'américains en short. Ici c'est 3 euros l'entrée et le truc dingue que je n aurais jamais osé imaginer, c'est que je suis seul. Une pyramide pour moi tout seul, c'est énorme!!!.
Presque accroupi, je descend dans un long couloir incliné long d'une soixantaine de mètres. Cette position de marche est très inconfortable : gros, grands, vieux s'abstenir.

J'arrive dans une première antichambre, me faufile dans la seconde et grâce à un escalier en bois (début 20e siècle) j'atteint la chambre funéraire. Ces 3 pièces sont dotées chacune d'un plafond à encorbellement d'une quinzaine de mètres de haut. Dans cette dernière pièce la chaleur et l'odeur sont insupportables, il n'y a quasiment pas d'air, je suffoque et tente de happer de rares bouffées d'oxygène. Incommodé, je reviens sur mes pas jusqu'a la 1e antichambre où l'air est salvateur et je reste là les yeux fermés, les paumes ouvertes, les jambes souples et légèrement écartées et j'écoute le silence de ce tombeau royal. Je me gave d'énergie, me goinfre de vibrations, me vautre dans ces fréquences bien loin d'être anodines en tournant sur moi-même.

Rechargé à bloc, je me met soudainement à siffler en improvisant une mélodie quelconque. L'acoustique est dantesque et mon sifflement est renvoyé à l'infini par ces fameux plafonds (comme 2 escaliers à l'envers qui finissent par se rejoindre au sommet) Combien sommes-nous dans cet orchestre en sifflement mineur?

Je ne voudrais pas que le gardien s'inquiète alors je rejoins la sortie pour venir vous écrire ces quelques lignes et je termine avec une remarque personnelle que nul ne peut plus nier "l'homme est le cancer de la terre"

Oui je sais, c'est pas drôle mais c'est comme ça.

20 janvier , impressions personnelles

Je pourrais en écrire des pages sur cette capitale beaucoup plus envoûtante que d’autres comme Melbourne, Quito, Ventiane ou Ouagadougou. Le Caire est une ville telle que l’on n’ose l’imaginer, une ville d’une horrible splendeur, une cité d’une magnifique laideur. Tel Paris, Londres ou New York qui sont des planètes à elles seules, Le Caire est un univers entier où chaque être humain est une petite étoile. Il y a autant de décadence que d’espoir, autant d’optimisme que de dégénérescence. Autant de vie que de mort. Combien de personnes trépassent chaque jour dans une ville de dix huit millions d’habitants ?

Je vous parlais de la misère inexistante, bien entendu c’est faux, mais chacun essaye de se débrouiller, vendeur de mouchoirs en papier pour cette vieille femme, cireur de chaussure pour ce jeune homme, faux guide touristique pour celui ci, livreur de pain pour cet autre. Tout le monde essaye de préserver sa dignité en évitant la mendicité. Et les plus pauvres devinez où ils sont ? Ils sont au cimetière, dans la cité des morts comme on l’appelle ici. Ils squattent les tombeaux tout en entretenant les stèles de leurs ancêtres et pour rien au monde ils n’abandonneraient leurs résidence mortuaire

(Pas de loyer, une surface habitable très acceptable, peu de circulation) mais je vous en dirais plus en fin de voyage après notre petite visite dans ce lieu hors du commun.
La misère est aussi et surtout animale, je n’accepte pas le spectacle d’un âne battu, affaibli, écorché, enchaîné, surchargé, assoiffé et que dire des chats, jadis déifiés par les pharaons ? Chaque dépôt d’ordure est gouverné par une meute de chats, les plus faibles se laissent mourir sous les étals des marchands de rue, les plus forts ont bien souvent un œil crevé ou une joue arrachée.

chats

Et que dire de la démocratie dans cet état surpolicé ? Il y avait l’autre soir, une manifestation dans la rue, je me suis approché, attiré par les hurlements des portes voix. Les manifestants, qui réclamaient le jugement d’une personnalité politique qui avait sans doute abusé de ses pouvoirs, étaient bien moins nombreux que le triple cordon de police qui les ceinturaient en les acculant ( du verbe acculer, on est bien d’accord !) contre un mur, chronomètre en main « OK, vous pouvez manifester mais pas plus de dix minutes »

Et puis en cet instant j’ai une petite pensée pour Toutankhamon qui se retournerai dans ses deux sarcophages et ses quatre tombeaux si il voyait comme la récupération de son image est abusive et exagérée.