Du Plateau de l'Aubrac à Saint-Côme-d'Olt - Saint-Jacques-de-Compostelle

Après le plateau de la Margeride, ses vallons, ses forêts de pins, ses gentianes et ses myrtilles, on déboule sans transition sur le plateau de l’Aubrac. C’est saisissant, lunaire : une étendue de pâturages jaunes et sans fin, piquetés de gros rochers aux formes arrondies. Pas un seul arbre. Cette longue étape s’achève à Nasbinals.

Après six jours de marche une évolution s’est faite à notre insu. Les préoccupations de la vie courante, les chagrins, les soucis perdent de leur emprise ; on s’installe dans le présent, dans l’immédiat. Seules comptent les préoccupations essentielles : survivre à la chaleur, à la soif, aux courbatures… On est plus attentif à soi-même, plus ouvert aux rencontres, sans attente ni compétition. Souvent même je voudrais ralentir mon pas, savourer l’horizon changeant… J’oublie mon but et j’avance pour le plaisir de marcher sur ce plateau lunaire!

Puy-en-Velay

Demain tous s’en retournent chez eux, je continuerai seule la route. Je les plains. La marche à peine entamée, il faudrait déjà l’interrompre? Nous buvons une dernière tisane avant de nous séparer puis je quitte Nasbinals sans avoir visité l’église romane qui jouxte l’hôtel. Au fil des kilomètres on devient décidément paresseux.

A regret je quitte Yves, compagnon de marche dont j’ignorais le prénom, mais quelle importance ? Sur le chemin les étiquettes n’ont plus cours. Triste je pars sans me retourner ; si souvent dans la vie on s’imagine dire au revoir alors qu’il s’agit d’un adieu.

A l’étape du soir je retrouve une rescapée du groupe de randonneurs. En dépit des interdictions de son mari, elle a tenu à poursuivre le chemin, seule. Nous lâchons quelques confidences et je songe à la morne existence de certaines épouses résignées.