Des Causses du Quercy à Saint Antoine - Saint-Jacques-de-Compostelle

Elle est bien agréable, cette promenade vers Cahors. Depuis l’Aubrac je n’avais pas éprouvé un plaisir aussi vif à marcher. Après les premiers kilomètres d’infini bitume, on se retrouve au milieu des forêts de chênes verts, sur des sentiers ou des chemins pierreux. De très nombreuses cabanes de bergers, certaines fort anciennes, émaillent le paysage. J’imaginais le causse du Quercy comme une étendue désertique, un enfer de cailloux. Or on voit moutonner les collines vertes jusqu’à l’horizon, on chemine sous l’ombre chiche de petits chênes rabougris. Malgré la canicule la température reste supportable.

Cabane de berger

Je croise un couple dont l’endurance force l’admiration. Chargés d’une douzaine de kilos chacun, ils couvrent quarante kilomètres par jour à un rythme soutenu. Elle est dans un état pitoyable : les pieds monstrueusement enflés, couverts de coups de soleil et d’une forme d’éruption allergique. Nous nous découvrons des points communs et parlons à cœur ouvert avant de nous quitter, deux jours plus tard. Alors elle dira, me serrant dans ses bras : « Au fait, je m’appelle Bernadette. »

Lorsque j’aperçois les toits de Cahors, j’exulte ! J’y retrouve Mireille, membre du groupe de randonneurs perdus de vue à Nasbinals. Nous visitons la ville au pas de course, comme si je n’avais pas déjà plus de trois cents kilomètres dans les jambes. Voilà les ravissants jardins, les maisons à colombages. Nous planifions nos retrouvailles plus loin sur le chemin, dans quelques jours. Elle paraît en pleine forme; pourvu que je le sois encore en fin de parcours.

Après une nuit passée dans l’excellent gîte de Lascabanes, le chemin serpente entre champs de blé ou de tournesols en fleurs, voire même un champ de melons que je contemple fascinée. Ainsi les melons poussent comme des courgettes ? Sentiers et petites routes de campagne alternent, plateaux ou forêts, par un temps couvert, une fraîcheur agréable.

Lascabanes

A Saint-Antoine une pèlerine fortement allergique exhibe ses bras enflés et constellés de piqûres. Elle a dormi à Moissac, au gîte du Carmel envahi par les punaises de matelas. Les mises en garde, elles aussi, pullulent. Des vues de punaises immensément grossies sont placardées aux murs, ainsi que les consignes à observer en cas de contamination. Elle a vu arriver une autre randonneuse au sac débordant de punaises. Je la regarde, horrifiée, m’attendant presque à voir ses puces ne faire qu’un saut d’elle à moi. Je me crois revenue au moyen âge, dans la crasse et la promiscuité des auberges. Et dire que nous dormirons au même endroit cette nuit. Pourvu qu’elle bénéficie d’une chambre de couple, c’est son mari qui héritera des punaises !

Ce soir a lieu la finale du mondial : Italie-France. Nous sommes quelques-uns à regarder la première mi-temps, mais nos paupières tombent toutes seules. En boitant nous regagnons les chambres, convaincus que la victoire sera italienne et trop absorbés par nos douleurs variées.

Et les étapes se succèdent : camping à Lauzerte, hôtel à Moissac, gîte à Saint-Antoine, auberge à Larressingle, surnommée la Carcassonne du Gers … Cinq granules d’arnica, emplâtre anti-inflammatoire sur l’épaule droite, pansements aux pieds…. Village médiéval, église romane, et du bitume, encore du bitume qui scie les jambes… Au loin des vergers, du blé, des tournesols, des melons, des tournesols, du maïs, des tournesols…