De Ségos à Saint Palais - Saint-Jacques-de-Compostelle

Journée caniculaire en vue, le Sud-Ouest est classé zone orange, les mises en garde permanentes à la télévision. Notre entrain à la marche, déjà largement entamé, s’effondre lorsque nous réalisons que l’étape comporte vingt-huit kilomètres.

Nous avançons lentement, sous le soleil vertical, sur le bitume en feu, avec en tête l’image de la piscine qui nous attend à l’hôtel. « Ah, qu’elle est dure, la vie de pèlerin ! » dirait mon Zurichois. Ces perspectives rendent la marche d’autant plus pénible que de nombreux pèlerins nous dépassent ; il nous semble faire du surplace. Les haltes s’enchaînent : à la bastide de Pimbo pour une canette de coca et une autre de thé froid, vendues par une experte en histoire locale qui dispense un cours ex cathedra sur la présence anglaise en Aquitaine. Arzacq : épuisés par la marche et la chaleur. Chez les Chausson, qui mettent à disposition sur leur terrasse des sirops, du café, des gâteaux, les Chausson auxquels j’accorde encore aujourd’hui une pensée émue et reconnaissante. Puis l’abbaye de Sauvelade, le fromage de chèvre à l’épicerie de Pomps…

Saint Palais

Fournaise et vent brûlant, vingt kilomètres encore à couvrir: nous décidons de faire du stop. Trois voitures plus tard, nous voilà à l’hôtel, n’ayant rien vu du pays, vautrés sur un lit moelleux, loin de toute idée de pèlerinage ardu et rédempteur. Nous avons de multiples excuses mais, calviniste comme je le suis, je ne ferai pas tamponner ma créanciale ce soir. Mon sens de l’honneur est ainsi sauf. Mais demain, c’est certain, pas d’auto-stop !

Au réveil nous voilà ravis, il a plu ! Après une jolie promenade dans les champs de maïs et les pâturages, dans un paysage verdoyant d’herbe grasse, je découvre enfin les Pyrénées. Elles sont magnifiques, bleues et bien découpées, mais qu’elles paraissent encore loin ! Dire que nous serons bientôt à Saint-Jean-Pied-de-Port !

Egarés à la première intersection, nous réalisons notre erreur après deux kilomètres et regagnons en stop le point litigieux. Mais Navarrenx est toujours hors de portée, l’après-midi déjà avancée, nous cheminons sans répit : je craque ! Lever de pouce ! La première voiture s’arrête, et nous voici à Navarrenx où nous attendait Mireille, impatiente de gagner Saint-Palais. Seul recours pour couvrir d’un seul jet trente-six kilomètres : l’auto-stop !

Nous forçons l’allure jusqu’à la route nationale, face à une accueillante auberge pour pèlerins. Qu’à cela ne tienne, c’est ici que nous lèverons le pouce, sous leurs yeux réprobateurs. Mireille titube de chaleur et d’angoisse : c’est sa première expérience en matière d’auto-stop. Ses filles ont toujours eu l’interdiction formelle de s’y essayer. J’entends lui prouver à quel point c’est facile et sans danger, mais vingt minutes plus tard je commence à m’inquiéter. Sans raison ! Un véhicule s’arrête et pour Mireille, c’est magique !

Nous sommes arrivés en pays basque et tout ici me surprend : la toponymie, l’architecture, les paysages, la végétation… On se croirait dans des collines jurassiennes démenties par des pins méditerranéens. A Saint-Palais, jolie petite ville blanche aux volets rouges, un détour au musée de Basse-Navarre s’impose. Mireille enthousiaste mène la marche. Je piétine avec peine et m’affale à chaque banc. Les pieds douloureux je me tortille sur mon siège en compagnie d’un couple au comportement identique. Encore des pèlerins ! En soirée, sur la place du marché, des petites filles allègres et sautillantes donnent un spectacle de danses folkloriques.