Balade dans Hanga Roa

Première journée

Lever tôt. La maîtresse de maison tend la main vers le ciel en me voyant arriver. Elle y décroche deux papayes mûres pour mon petit-déjeuner. Balade dans l'unique localité de l'île, Hanga Roa, pour imprimer en moi son atmosphère. Repérages.

Vue sur l'océancratère de Rapa Nui

J'avais vu mon premier Moaï pendant la nuit. C'était plus fort que moi : comme d'aller vérifier que les cadeaux étaient bien au pied du sapin. Ce matin il était toujours là, gardien du petit port de pêche. Le village est vraiment verdoyant, les rues sont des chemins de terre, les maisons sont légères, les immeubles sont restés à Santiago. J'achète de quoi faire un pic-nic dans une épicerie. Un employé est émerveillé du fait que je vienne de Paris. Nous sommes ainsi chacun émerveillés par l'autre... Le musée est excellent pour nous aider à comprendre certaines choses et nous donner envie de parcourir l'île jusque dans ses moindres retranchements. En fait il nous met dans un état d'esprit d'explorateur artiste scientifique.

Je commence une petite randonnée dans le sud-ouest de Hanga Roa. 6H de marche. La côte volcanique est merveilleuse, cisaillée, acérée, violente même. Ce sont des vagues de lave figées qui déferlent sur la plage de la mer, et c'est la guerre déclarée à l'Océan Pacifique.

Dans le cratère du volcan, le Rano Kao, il y a de l'eau : un disque parfait comme la pleine lune, qui approvisionnait les anciens et où flotte la même totora que sur le Lac Titicaca. Un peu plus haut, à travers des nappes de brume on entre dans l'ancien village d'Orongo comme si c'était le Royaume des Morts. Il n'y a aucun son. Les pas sont humides le vent est sourd : on est dans un nuage. On aperçoit au loin les petits îlots -satellites de la planète Rapa Nui- étapes essentielles du Culte de l'Homme- Oiseau.

Rapa Nui

Chaque année, les clans de l'île s'affrontaient pour désigner celui qui gouvernerait l'île. Lors de ces élections tribales un champion était désigné pour rapporter un oeuf provenant d'un de ces motu. Il s'agissait de partir d'Orongo, de dévaler la falaise, de prêter sa vie à l'Océan, de cueillir un oeuf sur un de ces îlots, de revenir discrètement entre les requins avec l'oeuf protégé dans un bandeau spécial, de reprendre sa vie, de remonter la falaise et de revenir à la case départ sans omelette.

La nuit et moi rejoignons doucement Hanga Roa par un autre chemin. De l'autre côté du volcan, dans une petite crique, se trouve un ouvrage qui transforme l'énergie des vagues en électricité.

De retour au village je négocie un quad pour 24H, vais faire le plein, trouve une carte approximative, puis vais manger une assiette de thon cru. Tiens, des touristes. Je m'évade sous la nuit et dans la pluie tenir compagnie à quelques moaïs. Enfin le quad se gare devant ma chambre, une douche m'accueille mais cette fois avec du savon, et mon corps se glisse dans le lit comme un marque-page sous la couverture d'un gros livre.