Le Mali, au bord de l'eau (I)

WEEK-END A LA CAMPAGNE

Nous voulions voir ce qu’il y avait de l’autre côté, rien ne pouvait nous arrêter dans notre motivation, même pas le fait de devoir gueuler et insulter des mecs pour pouvoir payer le prix africain de la traversée en pirogue au lieu de celui des toubabs qui est approximativement 10 fois plus cher ! Merde on n’est pas des foutus touristes qui partent avec un guide voir le village des potiers spécialement conçu pour eux dans une pirogue spécialement aménagée pour leur petit confort merdique!

Enfin bon, nous passâmes au prix normal pour arriver dans un petit village de terre et de bois où les gens sont d’une gentillesse presque flippante! Un peu plus loin, on apercevait une masse d’arbres touffus, comme une porte d’entrée de la jungle… un endroit dont on ne peut s’empêcher de s’approcher pour voir derrière avec un petit esprit de Tarzan dans la tête!

Pas de chance, ce n’était qu’un très joli verger de manguiers!

Nous arpentâmes ensuite les ruelles à la recherche d’un poulet à préparer le soir. Sacrée mission. Après avoir un peu galéré avec l’aide d’un boutiquier, nous nous enfilâmes une salade et renouâmes la discussion avec le piroguier, la poule sera pour demain, la salade suffit pour ce soir! La nuit était tombée, nous longeâmes le Niger, fallait bien trouver où dormir. C’est finalement sous trois manguiers disposés en triangle que nous installâmes le camp, tout était si calme, si beau, comme ces couchers de soleil que nous regardions quelques jours avant sur le Niger en rêvant d’être sur une pirogue de pêcheurs, dans la simplicité.

Le lendemain… (Extrait du carnet de voyage…)

Il était tôt, le soleil sortait avec pudeur au-dessus du fleuve, nos yeux d’enfants s’émerveillaient, contemplatifs devant cette beauté immense.

Les racines du manguier nous avaient servi de lit pour la nuit. Aux aurores, quelques hommes vinrent s’assoir et regarder le paysage tout en surveillant leurs tas de bois destinés à être vendus, à un moment ou à un autre!

Leurs yeux portaient une étincelle de joie que les rides ne faisaient qu’aviver, comme si rien ne changeait, année après année, ce plaisir immortel, chaque matin, de rester là, face aux aléas du fleuve, sans cesser de s’en émerveiller.

La poule m’avait fait chier une bonne partie de la nuit et je décidai donc qu’à midi… elle mourrait !!! TA TA TAAAM!!!

Je m’emballais , tout était si beau… la paix du fleuve, celle des habitants, cette lumière qui vous réchauffe l’âme au plus profond, ces femmes marchant au bord de l’eau, leurs plats sur la tête ou encore ces gosses qui vous attrapent le cœur à une main et vous demandent de leur en laisser un peu quand on les quitte… enfin, s’ils ne réclament pas comme trop souvent des cadeaux ou de l’argent au toubab, alors là, seule solution pour qu’ils vous lâchent la grappe, répondre inlassablement la même chose;: Non, toi Malien, donne moi-cadeau » ! ».

Toute la matinée nous bûmes le thé avec le piroguier Sekou, qui nous arrangea le coup avec un gosse pour partir en pirogue sur une île non loin de là. On en apercevait quelques arbres au bord de l’eau (le deal étant : on emmène le piroguier, il mange avec nous, on se baigne et tout et tout… et on se casse en lui donnant l’argent pour un paquet de clopes).

Après la balade en pirogue, nous posâmes le pied sur cette île où seuls vivent quelques Peuls (une ethnie de berger nomades).

Nous nous installâmes dans une petite crique de sable entre les racines de plusieurs manguiers penchés et de la glaise. Après avoir préparé le feu pour cuire le poulet et des patates, j’égorge la bête et tout le blabla puis lui enfourche la broche de bois dans le derrière : il est prêt à tourner lentement pour rôtir sur les braises ardentes.

Le repas fut miraculeux et la baignade qui s’en suivit d’autant plus. Les Peuls ne parlaient pas français, pourtant, je passai la journée à m’éclater et à discuter avec eux! Je décidai donc avec Marine que nous resterions ici pour la nuit, la pirogue pouvait bien aller, nous trouverions un moyen de rentrer !

Au lieu de donner le prix d’un paquet de clopes comme convenu avec notre intermédiaire, Marine donna 500 Francs par gentillesse, le piroguier était tellement cool. Par malchance, cela le mit en rogne, il voulait plus. Après une longue discussion avec l’aide d’un visiteur malien qui parlait français pour la traduction, je finis par lui dire qu’il n’avait qu’à rentrer, il s’expliquerait avec Sekou qui lui avait demandé de nous emmener, nous réglerions le problème demain. Il s’éloigna en faisant la gueule !

La journée se poursuivit, toujours aussi belle, au bord de l’eau, je faisais le fou avec les gosses des trois cases en paille un peu plus loin quand nous vîmes la pirogue revenir avec nos deux compères. Nouvelles négociations, nous ajoutâmes 500 balles. Alors Sekou nous mit la pression pour qu’on vienne chez lui, il prétendait nous avoir acheté de la salade et avoir préparé la maison en notre honneur… merde ! L’hospitalité africaine est parfois tellement envahissante !!! Finalement je rentrai avec Marine, dégoûté pour ma part de ne pas avoir pu rester la nuit boire le lait de vache des Peuls et prendre mon bain de minuit.

Arrivés chez Sekou, Marine prépara une énorme salade et nous passâmes la soirée à discuter puis à boire le thé au bord du fleuve avant de nous endormir.

Le lendemain, nous rentrons organiser nos bricoles et étudier les possibilités : suivre Mamoutou dans sa famille en pays Dogon, vers Mopti, ou naviguer jusqu’à cette ville avec les pirogues des villageois venus à Segou pour le grand marché du lundi (demain).

Marché

UNE SEMAINE CHEZ LES BOZOS

Dimanche 30 mars 2008

Pour Mamoutou, rien de neuf, toujours les mêmes impossibilités, trop de travail, pas de temps à passer en vacances dans la famille dogon, nous décidons donc de prendre une pirogue en direction de Mopti, en laissant un gros sac plein de matos chez notre joyeux compère.

Durant le grand marché, une folle agitation s'est emparée de la ville, comme si chaque recoin des rues tranquilles était devenu une foire de bordel et de bric-à-brac à vendre, un moment magique. Comme j'y avais pensé un peu plus tôt, nous partons acheter deux pigeons à l'occasion de notre départ. encore deux qui allaient finir par se faire enfourcher sur le feu ! Un kilo de karité dans le sac, on va bien s'occuper de nous.

Après une petite enquête, nous finissons par trouver une pirogue en direction de Mopti qui s'arrête bien avant bien sûr, seulement à 40 kilomètres de Segou.

Comme Mamoutou l'avait prévu, les guides nous embrouillent et font tout leur possible pour obtenir le prix toubab.

Après avoir gueulé dans tout le petit port de pirogues et avoir traité de tous les noms les guides, nous finissons par monter dans la vaste barque, encore pour beaucoup trop cher mais bien moins que le prix annoncé.

Souvenir de la tite fille qui courut nous acheter des sachets de bissap avant qu'on lève l'ancre, et de cette femme, le bébé accroché au sein, vêtue et décorée de tous ses beaux habits, des toutes ces belles couleurs, de tous ces colliers aux lumières de l'Afrique.

Petit dodo à l'avant de la grande pirogue du marché. Il fait nuit et nous nous arrêtons à chaque bled du bord du Niger, les gens de la rive lancent des appels lumineux avec leurs vieilles lampes torches en fer pour dire. c'est ici, on vous attend. Les lumières s'allument et s'éteignent dans le calme de la nuit, tout est féérique !

Arrivés au barrage de Markala, nous nous arrêtons, les derniers dans la pirogue avec bien sur les piroguiers.

C'est déjà la ville et nous cherchons un endroit où dormir, où les ordures ne sont pas trop présentes. pas facile, demain la nuit sera plus agréable !

Ce soir-là, mon ventre me joue des tours, je prends la dose de médocs. Je le sens, demain je serai malade. ça n'a pas raté !!!

Le lendemain, nous cherchons un moyen d'avancer, il n'y a pas d'eau après le barrage à cause d'une vanne qui a pété, nous trouvons un minibus, 1500 Francs et arrivons à Macina, un petit bled encore grand. Priorité : la bouffe, un peu de riz. Là-bas nous rencontrons un homme au turban, qui nous indique le nom des villages qui suivent sur le fleuve, histoire d'avoir un truc à dire quand on nous demande, « Vous allez où ? ».

Encore une fois, il faut gueuler pour le prix, je commence à avoir l'habitude.de 15 000 Francs jusqu'à 1500 il yen a des insultes, la paix et l'amour quand il s'agit de pognon, c'est pas toujours simple !

Nous embarquons dans une pirogue, mais là on voit que l'on ne nous avait pas tout dit : nous ne faisons que traverser le fleuve, le gosse qui nous emmène ne parle pas un mot de français et nos questions restent sans réponse, une charrette et deux ânes nous attendent ! Changement de programme ! Un bon bout de chemin est sur le sable et les bêtes n'en peuvent plus, il faut descendre pousser la « bagnole » (c'est pas une 200 chevaux celle-là !).

Après la période sable sous l'ardent soleil d'Afrique (40°C au moins), nous nous engageons sur les petits chemins de brousse, ya peut-être une couille, on part à l'opposé. Marine s'inquiète un peu, le chat étouffe de chaleur tandis que je lâche prise et je ne m'occupe plus de l'itinéraire, on arrivera où on arrivera.

Au bout de deux heures, le petit charretier nous dit « c'est ici » - mais où est l'eau ? En fait elle se cachait derrière le talus. A sa vue, on fonce dedans à la suite du garçon : enfin arrivés. Un peu trempés mais rafraîchis, nous nous cherchons un coin paisible où dormir. Marine avait repéré dès l'arrivée quelques palmiers au loin, bamos.

C'était le jardin de Baba Marabout, un vieil homme qui fabrique des chaises en palmier, nous lui filons d'ailleurs un coup de main pour monter un tas de palmes depuis le rivage. Des amitiés se nouent et nous poussent à nous installer au pied d'un arbre, entre le jardin et la plage aux reflets d'or. Le vieux nous prête des sièges et je m'attaque aux pigeons (voyageurs ! trimballés sous le cagnard depuis hier) avec Ali, notre deuxième ami. Après un bain, Marine décolle à la recherche de quelques victuailles pour agrémenter nos volailles. Elle revient les bras chargés de salades, escortée de quelques anges gardiens rencontrés en route : un thé s'impose, un peu exceptionnel celui-là : fort comme nos vies, doux comme le fleuve et léger comme un coucher de soleil.

La salade est propre, comme c'est bon d'avoir l'eau courante ! Quelques tomates, des oignons, des morceaux de mangues vertes et les pigeons rissolés, un festin de tous les diables !

La nuit ne passe pas vite, le vent froid du Niger nous gèle les c., va falloir améliorer le campement. A mon réveil, Marine avait déjà apporté le petit-déjeuner, des petits pains de riz. et le mec de la charrette, venu s'incruster pour voir notre aménagement. Comme j'aime ouvrir les yeux dévisagé par un pseudo inconnu ! Je le vire d'un geste du bras, mais d'autres lui succèdent. Pour les éjecter dans les règles de l'art, je leur propose un premier thé, Marine se recouche jusqu'à leur départ. Une amélioration de notre confort s'impose : nous jetons quelques seaux de sable autour de l'arbre, je creuse un four et un frigo, plus tard Ali nous prête un matelas et je rapporte quelques ustensiles : un mortier en guise de table et deux vieux canaris (pots en terre).

Très vite nous prenons notre rythme et nous nous organisons, comme si nous allions rester toujours. D'ailleurs la semaine fut bien courte entre le lait frais avec lequel les belles Peules (nomades éleveurs) nous réveillaient, la viande de Baba, le poisson livré chaque jour à domicile par les pêcheurs puis grillé, bouilli, poêlé, les salades qui faisaient mal au bide, les baignades du matin au soir, les négociations pour acheter une pirogue bien trop chère, le feu, le thé, les amis. les excursions dans le village aux mille petites ruelles, là où on trouve les trésors des Bozos, l'ethnie des pêcheurs, là où on trouve aussi des hommes qui réparent les grigris, des vieux en grands boubous assis sous un arbre à palabres, d'antiques pirogues plantées enter les maisons, arrivéeOceans là on ne sait comment, des enfants flippés par le toubab et d'autres qui ne le sont pas. Là où on ne trouve pas de riz, pas d'huile à l'approche du jour du marché, pas de monnaie et pas de patates.

Le moment était venu de mettre un terme à ce merveilleux séjour. Notre balade en pirogue jusqu'à Mopti était compromise, d'après les villageois : trop peu d'eau pour naviguer, à cause du barrage « gâté ». Nous levons le camp un soir, après une bonne bouffe, une dernière, et un adieu nocturne au labyrinthe du village, éclairés par la pleine lune sous la voûte étoilée. Direction : la brousse. Enfin, on va dormir, avant. Mais où ? Il faut aller de l'avant, au moins un peu, pour se motiver. Alors on bouge nos derrières à la recherche d'un endroit où atteindre l'autre rive à pied. Il y a un banc de sable, ça devrait passer là-bas. Devant l'eau aux profondeurs incertaines, on se regarde : et si on dormait là enfin de compte ? Retour vers le milieu du banc de sable, là où c'est sec, on pose les sacs, puis une sale idée nous vient en tête : et s'ils ouvraient le barrage cette nuit ? Bon, on va tenter la traversée. On y va. Doucement, doucement. Et ça passe. Demi-tour, on va récupérer les sacs et le chat (ben ouais, on n'allait pas prendre le risque, avec le courant, tout ça, tout ça). Et les Shadocks pompaient, pompaient, pompaient. Et on étale le bogolan au bout de la plage, très loin de l'eau, sous un acacia. Dodo.

Site Internet de l'auteur : http://afrikaroots.uniterre.com