Le Mali, au bord de l'eau(II)

A DEUX DOIGTS D'Y RESTER !

Le lever du soleil nous tire du sommeil. C’est reparti, direction tout droit, perpendiculairement au fleuve, on devrait tomber sur le goudron, enfin, inch’Allah…une nouvelle petite jungle, encore une blague, encore un verger de manguiers, suivi d’un petit marigot vaseux. La suite, elle, est plus ou moins hasardeuse : derrière le coin de verdure se cachait un nouveau petit paradis ! Au loin, une belle mosquée de terre et de pierre, une chose très rare ici (d’habitude elles sont seulement en terre, ce sont les mosquées traditionnelles du Mali). Mais pas de bol, nous étions séparés d’elle par un bout de passage où l’eau disparue avait ramolli le sol, la rendant boueuse et mouvante. Nous étions en fait sur une grande île, que la baisse du niveau de l’eau rendait accessible. A pas prudents et indécis, nous tâtons le sol, en espérant ne pas s’enfoncer jusqu’aux genoux. Et ça passe ! « Al Hamdulilahi ».

Après avoir franchi le reste du fleuve asséché, où traînent quelques pirogues échouées, nous cherchons un truc à nous mettre dans le ventre avant de repartir vers la brousse. Tandis que nous approchons sans se presser, de loin, une femme repère les baroudeurs qui sortent de nulle part et se pointent tout naturellement dans ce patelin reculé. Une odeur nous attire, c’est une femme qui fabrique les petites galettes de riz dont nous raffolons. Nous lui en prenons une bonne douzaine et l’on nous tend des chaises. Calmement, les enfants puis les villageois nous encerclent, sûrement aucun toubab n’avait mis les pieds ici auparavant, c’est une attraction exceptionnelle. Des rires et des pleurs d’enfants se confondent, les vieux nous observent sagement et quelques femmes parlent de nous dans leur dialecte. Ils sont calmes, ne nous demandent pas de cadeaux, ils regardent. Quel repos en comparaison de toutes ces villes où les gens vous oppressent par leurs demandes incessantes ! 

Nous remercions chacun et les quittons lentement, l’esprit serein. Un dernier regard en arrière à ces visages d’enfants inoubliables, souriant la main dans le vent pour nous dire, « nous non plus, on ne vous oubliera pas, malgré que vous n’ayez duré ici, au milieu de nos vies. » Les pèlerins repartent avec dans leur sac un peu d’humilité, de magie et d’espoir ! 

Nous reprenons notre périple, toujours tout droit, suivant quelques sentiers qui s’entremêlent en tous sens, le soleil à notre droite, espérant croiser le goudron dans peu de temps ! On y croit, nous, on est des gens de la brousse !

La chaleur se met à cogner sur nos crânes, de plus en plus fort. Marine supporte mieux que le chat et moi. A deux reprises nous coupons une piste utilisée par les charrettes, malheureusement, à chaque fois parallèle au fleuve : malheureusement, celles-là ne nous mèneront pas au goudron. Parfois les traces se perdent et nous improvisons jusqu’à en retrouver de nouvelles !

Les maux de tête m’épuisent, notre réserve d’eau se résume à un demi-litre, il fait entre 40 et 45°C et rien dans le garde-manger. Cette fois, c’est moi qui m’inquiète secrètement, Marine, elle, est plutôt optimiste (après la galère dans la brousse vécue il y a six mois au Burkina, j’avais des raisons de flipper !). Et encore une nouvelle piste, toujours dans le même sens. Cette fois-ci, nous la prenons, direction la droite (l’inspiration du moment). Nous avançons un peu, puis, fatigués, faisons une première pause clope sous un arbre, le temps de boire un coup de flotte et d’en donner un peu au chat qui s’épuise. Là, un homme en turban et grand boubou bleu passe sur son vélo, (ça rassure de trouver un humain dans ce désert), je l’arrête et demande avec les moyens du bord la direction du goudron, il m’explique par quelques gestes simples que nous partons vers un bled très très très lointain et que le bitume est de l’autre coté, manque de bol !

Retour sur nos pas, cap sur l’ouest, je commence à en avoir plein le dos !

Nous marchons, marchons et marchons encore avant de faire une nouvelle pause. Un homme en cagoule et anorak passe devant nous, pressé, puis une charrette débordant de bois : nous essayons de la rattraper, mais pas moyen de s’incruster… Il ne nous faut pas longtemps pour nous étaler de nouveau sous un arbre. Cette fois je n’en peux plus, il faut qu’on stoppe jusqu'à la fin de journée, quand il fera plus frais ! Marine me répond que nous ne sommes sûrement plus très loin tandis que je m’allonge avec un mal de crâne insoutenable. Là, la plus improbable des choses arrive, un bruit de moteur… Un camion explosé dont la carcasse tient par miracle sur ses quatre roues passe à toute vitesse un peu plus loin, sur le chemin de latérite. Je me saute sur mes pieds, je crie et fais des grands signes, il fait demi-tour pour venir nous voir ! La chance du voyageur, un miracle, la conspiration du ciel qui fait que l’homme, s’il avance dans ses rêves, trouve toujours, au moment d’abandonner, la petite étincelle, l’étoile qui lui apprend le véritable sens du mot BONHEUR et qui l’encourage à persévérer sur le sentier de sa vie. « MERCI A MA BONNE ETOILE », qui comme toujours s’est trouvée présente dans les pires moments. Car ce n’est qu’après être montés dans le véhicule que nous avons pu calculer la véritable galère qui nous attendait. Nous avons échappé à encore beaucoup beaucoup plus de kilomètres et de chemins s’entrecroisant que nous l’imaginions et bien sûr, toujours sans eau et sans bouffe !

« Barka usco », merci la vie…

« Le mixeur roulant » nous décompose dans la poussière jusqu'à Macina, à l’opposé de Mopti : retour involontaire sur nos pas vers Segou… Quelle merde, si on avait su… Pour aller là-bas il nous aurait suffi de reprendre la charrette !

s bricoles et étudier les possibilités : suivre Mamoutou dans sa famille en pays Dogon, vers Mopti, ou naviguer jusqu’à cette ville avec les pirogues des villageois venus à Segou pour le grand marché du lundi (demain).

RETOUR A SEGOU

A la perspective des futures complications décrites par les gens de la ville pour aller à Mopti en bus, face à l'impossibilité de continuer à notre allure, en pirogue, comme prévu ; nous décidons de laisser ce projet pour retourner à Segou (un camion brousse s'apprête à partir), prendre notre énorme sac laissé chez Mamoutou et tracer la route jusqu'à Ouagadougou au Burkina pour ensuite aller voir ce que devient mon DROMADAIRE. A Segou, épuisés par cette journée d'épreuves sans raison d'être, petit coup de folie, nous nous payons une énorme pizza qui coûte la peau du c. dans un resto pour riches africains et toubabs non acclimatés aux saveurs de l'Afrique. Le plat arrive et des odeurs que j'avais oubliées depuis 5 mois m'enivrent et me font baver : la récompense, le trophée ! Une pizza comme jamais en France je n'en ai dégustée, (le gérant du resto est italien, pas possible de manger une pizza merdique ici), la panse est pleine ! Bois, un mec aux jambes déformées mais à la langue bien pendue, et d'une gentillesse extraordinaire vient nous trouver, une discussion en amène une autre, il nous propose de nous montrer la maison d'un toubab qui accueille les gens pour un prix raisonnable (a priori). Là-bas, coup de cour, un tit coin harmonieux... pur produit de l'Afrique fantasmagorique. Sur le portail une pub pour « LE CHE COLA » - dont je vous parlerai plus tard. Dans la cour, une petite table sous les arbres et les guirlandes lumineuses. Le toit plat de la maison a été aménagé avec des murs de paille, un salon plein de coussins, des tables en vannerie, de vrais lits, l'électricité. Et en bas, une vraie douche et un vrai chiotte sur lequel on peu s'asseoir et lire pendant que le reste sort de notre tête et d'ailleurs... Pour couronner le tout, des hôtes adorables, Christian et Sylvie, ainsi que les deux petites, Marie et Fanny, sans oublier Draman, le gardien, homme à tout faire, pote et confident. Nous comptions rester une nuit et c'en furent finalement trois à refaire le monde et à philosopher sur la vie avec Chris et Sylvie, puis leur associé Philippe, un des créateurs du « Che Cola », vieux révolutionnaire dans l'âme tentant de renverser la firme de Coca-Cola pour « dire au monde toute la vérité » ! Nous rassemblons notre bordel, et après avoir attendu le chat 24 heures de plus en fabriquant des grigris avec de la peau de croco achetée au marché sur stand de féticheur (un centimètre carré : 250 Francs CFA), fini le Mali, bonjour le Burkina ! Un merdier pas possible pour trouver un bus, évidemment !

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Afrique mon Afrique, comme je t'aime !

Site Internet de l'auteur : http://afrikaroots.uniterre.com

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