Erzurum - Osvank - Ani

Erzurum - Osvank

Nous reprenons la route pour ERZURUM. Nous franchissons les montagnes qui arrêtent les nuages et les bloquent sur la côte. Le col le plus élevé du trajet (2360m) porte témoignage des combats des armées turques lors de leur guerre d'indépendance. Nous retrouvons aussi le soleil. Mais nous ne redescendrons pas tout ce que nous avons monté. Nous sommes maintenant sur les hauts plateaux d'Anatolie orientale, et nous allons passer une quinzaine de jours entre 1500 et 2000 m. A hauteur d'ERZURUM (située à 1950 m d'altitude), que nous contournons grâce à une rocade, nous obliquons plein nord en direction de TORTUM. Notre but, aller à la découverte des trésors architecturaux que sont les vieilles églises disséminées dans les villages complètement isolés des vallées géorgiennes. La plupart sont difficiles d'accès en camping-car. Les routes (chemins carrossables) qui y conduisent sont étroites, les manouvres délicates. Quelques kilomètres plus au nord, toujours dans un village perdu à l'extrémité d'une route étroite et sinueuse, mais traversant des paysages sublimes, se dresse une majestueuse cathédrale du 10ème siècle. Nous sommes à OSKVANK. L'aspect impressionnant du bâtiment est quand même très vite gâché par l'évidente absence de maintenance : la végétation s'accroche à toutes les aspérités. La suite de la visite est déconcertante. Si vous portez un intérêt personnel à ce type d'architecture ancienne, dépêchez-vous, ce qui reste debout ne résistera pas bien longtemps aux atteintes du temps. Comme de plus nous sommes hors circuit touristique, le faible nombre de visiteurs n'encourage pas aux frais de maintien en état.

Eglise d'oskvank

Eglise d'oskvankEglise d'oskvankEglise d'oskvank

Nous avions programmé la visite de huit églises, nous arrêtons à la deuxième. - D'une part, les petites routes menant aux villages où se situent les églises sont difficilement praticables avec notre gros véhicule, la circulation et les manouvres dans les villages eux-mêmes s'avèrent délicates, enfin le stationnement est hypothétique. - Nous ne passons évidemment pas inaperçus avec un tel véhicule, très atypique dans ces régions, où la majorité des gens se déplacent à pied ou en charrette à traction animale. Si les adultes nous observent d'un oil curieux tout en nous adressant des signes de convivialité, les enfants se montrent vite envahissants, voire pressants, répétant frénétiquement et sans arrêt « money, money » en tendant la main. On se croirait au Maroc ! Une solution : effectuer les visites pendant les heures de classe. Une autre, plus délicate mais très efficace, testée lors d'un siège du camion par un groupe d'une dizaine d'enfants qui ne cessaient de taper sur la carrosserie: saisir ostensiblement son téléphone portable, faire mine de composer un numéro, puis prononcer à haute voix le mot « police ». C'est magique !

Les chantiers routiers de la Turquie de l'est

IC’est sur le trajet d’ERZURUM à TORTUM que nous allons faire connaissance avec la méthode de réfection des routes à la manière turque.  Que le réseau routier nécessite une reprise en compte, aucun doute là-dessus, surtout dans ces régions reculées. Il est d’ailleurs recommandé de ne surtout pas rouler de nuit, l’état des chaussées  nécessitant une attention soutenue du conducteur. Il faut en permanence slalomer entre trous et marmites, ou passer dans un pour éviter l’autre.  La densité de circulation étant très faible, on peut manœuvrer. La moyenne s’en ressent, mais on n’est pas pressé. Là où ça se gâte, c’est quand la DDE locale décide l’amélioration du réseau. L’intervention peut porter sur des tronçons de plus de cinquante kilomètres d’affilé.

1/ on décaisse la route.

2/on élargit à 4 voies (compte tenu de la densité de circulation, ça s’appelle « prévoir ») avec banquette centrale et séparation sous forme de fossé ou de muret, plus bandes d’arrêts d’urgence.

3/on étale une bonne couche de pierres concassées.

4/ on passe à un autre tronçon.

Le revêtement bitumé ?  Plus tard sans doute ! Certains tronçons doivent attendre depuis quelques temps, car la végétation reprend ses droits à travers la couche de pierres concassées. Gel et dégel sont passés par là, ornières et marmites de géants vous balancent dans tous les sens. Par endroits, le cailloutage est peigné perpendiculairement au sens de la route, du fait sans doute du passage des gros engins chenillés. Cela provoque de violentes vibrations dans tout le véhicule. Même en roulant très lentement, j’avais la délicieuse impression que tout le mobilier de la cellule allait se décrocher.
Le fin du fin, c’est qu’il y a 4 voies, mais bus et camions (on ne croise pratiquement que ça) choisissent celle qui leur semble la plus roulante, même s’ils roulent en sens inverse et se retrouvent dans vos couloirs de circulation. Et vous vous retrouvez en face à face ! Bof ! Serrez à droite ! J’ai oublié d’évoquer la poussière. Un camion vous double ? (car eux, ça ne les fait pas ralentir). Dans l’immédiat, vous craignez pour votre pare-brise, puis vous mettez plusieurs kilomètres avant de retrouver une visibilité supérieure à cinquante mètres. J’exagère à peine. Et cette poussière s’insinue partout. Si en plus la pluie s’en mêle !

Nous avons effectué plusieurs centaines de kilomètres dans ces conditions. La seule vue d’un panneau annonçant des travaux nous faisait frissonner. Mais il nous restait encore des choses à découvrir dans le domaine des chantiers routiers. Ce sera pour plus tard.
Reste la question que nous nous posons encore, et pour laquelle nous n’avons pas d’élément de réponse : qu’est-ce qui peut justifier des travaux d’une telle ampleur, compte-tenu de la très faible densité de circulation (une route à 2 voies suffirait amplement), d’une très faible densité de population (minuscules agglomérations très éloignées les unes des autres) et d’un niveau de vie qui ne laisse pas présager d’un suréquipement automobile dans un avenir proche. Par contre, les accès aux villages situés à l’écart de la grande route sont à l’évidence totalement exclus des programmes d’amélioration du réseau. C’est une des raisons qui nous a fait renoncer à la visite des vieilles églises des vallées géorgiennes.

Splendeurs géographiques

Les routes étaient peut-être cauchemardesques, mais les paysages qu’elles nous faisaient traverser étaient enchanteurs. Plus d’un barbouilleur de toile aurait trouvé là de quoi alimenter son inspiration.

PaysagePaysage

PaysagePaysage

En route pour Ani

Ayant renoncé aux visites des églises et des autres vallées géorgiennes, nous prenons l'itinéraire le plus direct pour rejoindre KARS (la route 060), notre prochain objectif étant ANI, l'ancienne capitale du royaume Arménien des années 1000. Très rapide changement de décor et d'environnement. Pendant plus d'une centaine de kilomètres, nous allons avoir l'impression de nous retrouver sur les hauts plateaux de Mongolie. Large moutonnement du relief, une prairie à l'herbe rase et peu fournie à l'infini, aucun arbre ni buisson aussi loin que porte le regard, sinon dans les rares petits villages rencontrés de loin en loin. De grands troupeaux de bovins, et quelques yourtes (grandes tentes circulaires de toile blanche) cassent un peu la monotonie de ces régions désolées. C'est accompagné d'un vent soufflant en tempête que nous arrivons à KARS. Des vols de poches plastic noires traversant la route en rangs serrés nous font penser à des colonies de corbeaux fuyant devant la tourmente. L'orage se déchaîne sur les proches sommets enneigés. Nous sommes, nous, à 1800m d'altitude. La température est tombée à 7°. A l'entrée de la ville, au niveau de la bifurcation que nous devons emprunter pour nous rendre à ANI, un petit poste de police. C'est là que nous apprendrons qu'il n'est plus nécessaire d'obtenir une autorisation préalable des autorités administratives et militaires pour pouvoir visiter le site, et que les billets sont délivrés directement sur place. Une bonne surprise, et des tracasseries en moins.

Bivouacs en Turquie

Nous demandons également au policier à quel endroit nous pouvons bivouaquer sans problème. Il nous indique la station service située un peu plus loin. En Turquie, en dehors des régions hautement touristiques  (côte méditerranéenne, Cappadoce, sites archéologiques de renom) il n’existe pas de structures d’accueil. Les campings sont inexistants, il faut donc bivouaquer. En Turquie de l’ouest, où la population est habituée au tourisme sous toutes ses formes, aucun problème. Nous n’avons jamais été importunés, si ce n’est par des militaires ou des policiers qui venaient nous demander si tout allait bien et nous assurer qu’ils étaient là pour veiller à notre sécurité. Dans les régions de l’est, la curiosité, bien compréhensible, mais à la longue agaçante, des enfants, nous a amenés à rechercher la tranquillité dans les stations services, qui ont fréquemment un grand parking destiné à accueillir les poids lourds qui font halte pour la nuit (eux aussi évitent de rouler dans l’obscurité). On ne nous a jamais refusé l’hospitalité. Nous avons même eu d’excellentes relations avec les employés de ces stations, qui ne savaient quoi faire pour nous faire plaisir. Nous en étions chaque fois d’une visite du camion ! Le lit suspendu de cabine et le coin toilette à douche séparée et WC pivotant en ont épaté plus d’un ! Cela facilitait également la cérémonie des  vides, qu’il nous est, il faut bien le reconnaître, arrivé de pratiquer  dans la nature. Le ravitaillement en eau propre, par contre, ne nous a jamais posé aucun problème. En dehors des pleins en stations effectués à l’occasion de ravitaillement en carburant, on trouve fréquemment des fontaines publiques le long des routes, surtout dans les régions montagneuses. Pour la boisson et la cuisine, n’utiliser que l’eau vendue en bonbonnes capsulées de 5 litres, votre organisme vous en sera reconnaissant. La meilleur marché fait l’affaire (prix moyen : 1,5 YTL la bonbonne).

ANI, l'ex capitale arménienne

Il faut compter une cinquantaine de kilomètres entre KARS et ANI.  La superbe 4 voies laisse évidemment place au bout de 5 km a l’inévitable chantier routier que nous ne quitterons plus jusqu’à l’arrivée sur site. Heureusement que le beau temps est de retour. Pour une fois, malgré le chantier, ça reste « roulable ». Mais l’intensité de la circulation justifie amplement les travaux ! Nous ne croisons sur le trajet que les camions participant au chantier. Nous arrivons enfin devant le reste des fortifications qui entouraient une ville qui comptait alors plus de 100 000 habitants. La lecture des guides nous laissait présager une visite d’au moins 3 heures. Il fallait bien ça compte tenu de l’étendue du site. Le soleil était là, le vent un peu frais aussi, bref, des conditions idéales pour un marathon matinal. Une fois franchi les murailles, on se trouve devant une immense étendue d’herbes folles et de monticules de pierres.

AniAni

Assez éloignées de l'entrée, se dressent les silhouettes fantomatiques et décharnées de grands bâtiments, qui constituent les seuls témoignages, avec ce qui reste des fortifications, d'une agglomération dont eurent raison les vicissitudes de l'histoire et les caprices de la nature.

Mosquée à minaret octogonalBâtiments destinés à des pratiques religieuses ont résisté au temps (constructions remontant aux années 1000)Bâtiments destinés à des pratiques religieuses ont résisté au temps (constructions remontant aux années 1000)Eglise transformée en caravansérailEglise transformée en caravansérailCanyon au fond duquel coule la rivière faisant office de frontière avec l’ARMENIEE

On peut cependant regretter qu'aucune mesure conservatoire ne soit prise pour préserver au moins les vestiges restants. Leur dégradation semble assez rapide. Il est vrai que nous sommes sur un site situé exactement à la frontière avec l'ARMENIE, que les relations entre les deux pays ne sont pas très chaleureuses, et qu'il y a encore fort peu de temps, les militaires contrôlaient étroitement le secteur. L'accès au site était conditionné à une autorisation des autorités militaires que l'on devait retirer à KARS. Lors de notre visite, un petit détachement de soldats en armes était installé dans un des édifices religieux qui leur servait d'abri. Nous n'avons pas compris les raisons de leur présence. A noter qu'aucune notice explicative n'est jamais délivrée à l'entrée des sites en Turquie. Faire suivre ses propres documents.