Mer Noire

Jeudi 3 Mai

Aire de la Bascule, après l’embranchement de Sinop Samsun, près de Gerse.
Nous avons bien dormi après l’épisode du brouillard en montagne. Un camion est venu stationner près de nous dans la nuit. Pluie incessante et vent fou qui a fait claquer les petits drapeaux de la station juste derrière nous. Bien qu’on soit dans la boue, ce matin le soleil nous fait une fête, histoire de nous encourager. Ce départ de Gerse pour Bafra est une merveille de courte durée. La route longe la mer et l’on peut stationner assez facilement. A  côté, la plage de galets et le soleil par dessus inciteraient à faire une halte, alors à Uniye , on décide un arrêt photo de ce coin de Mer Noire. Le soleil éclatant par dessus la mer bleue, un ou deux bateaux se balançant dessus et  la plage de galets blancs, nous semblent faire une si belle image !. Tout le long, une allée de palmiers digne de la croisette font  un tableau exotique,  même si les palmiers sont synthétiques…Rien d’autre sur cette route, que quelques images de vallons et collines à la végétation d’un vert tendre. Les villes bâties en hauteur sont très colorées et les mosquées flambant neuves  à la coiffure d’argent sont  édifiées jusqu’au ras de la routeforteresse byzantine de Tirebolu. On roule des centaines de kilomètres sans jamais pouvoir atteindre la moindre plage pour s’y reposer un peu ni même le moindre accotement. A midi on peut quand même accéder à un parking…. plein d’eau et de boue, des ornières géantes qu’on a pu laisser de côté en slalomant.

Zut ! on traverse Ordu sans voir la petite église Arménienne pourtant située au bord de notre route. Déception. ! Il est v rai que ce village est devenu une énorme ville où l’on ne peut voir que des immeubles géants, alors vous pensez, la petite église !….Mais on va voir la forteresse  byzantine de Tirebolu, malgré le froid qui sévit en fin de journée. L’heure n’est pas favorable, le soleil éclaire un seul côté de la forteresse et ce n’est pas le bon, complètement à contre jour. On filme malgré tout les remparts et les tours qui ont encore fière allure.

La fin de la journée est toujours un problème insoluble dans cette région sans camping, sans aire de quelque sorte, sans possibilité aucune, ce souci là nous gâche une partie de la journée et la nuit ne se déroule pas sans inquiétude. On découvre une aire de service sur la route de Trabzon où quelques camions sont déjà installés, on va grossir les rangs. On ignore l’environnement fangeux pour ne voir que le coucher de soleil sur la mer. Le disque orange descend vite et lorsqu’il se noie, la nuit est arrivée.

la mer noire

Vendredi 4 Mai

Aire de service sur la Mer Noire vers Trabzon.
Lever à 5 heures du mat, Car il y a eu du bruit toute la nuit. Des gens arrivent par  bus entiers et piaillent pendant qu’un mégaphone les harangue à tue tête. A plusieurs reprises le muezzin s’est mis de la partie et a récité de longs extraits du Coran . Les deux chiens de la station nous ont fait ami ami, je n’en dirais  pas autant du gérant de la station qui est venu nous enjoindre de quitter les lieux sous le prétexte que l’on gêne. Où partir dans la nuit ? On rejoint donc un peu plus loin les 2 camions rouillés, le tas d’ordures et les mares noires qui couvrent le sol. Bel endroit en vérité ! Seule, la mer où se perd le regard peut nous réconcilier avec cette région hostile. On en trouvera quelques unes au cours de ce voyage, nous les oublions pour ne nous souvenir que des braves gens, ils sont nombreux, c’est grâce à eux que l’on aime tant la Turquie. Aujourd’hui donc départ matutinal, sans achat,  ni plein de gazole choses que nous faisons habituellement et qui sont appréciées par les gérants, puisqu’ils nous octroient souvent un souvenir de notre passage chez eux. Chiffons pour pare brise, désodorisants à suspendre, mouchoirs en papier etc.…Rien de tout cela ici, on sera mal vus jusqu’au bout .Ce voyage ne commence pas si bien que ça !

église Aya Sofia Routes dégagées ce matin à cause de l’heure hâtive. Les nuages blancs sont descendus dans les villages et font des images irréelles que je photographie en roulant, tout comme les belles mosquées coiffées de papier chocolat parfois. Enluminées de couleurs pétard. A Trabzon comme à Ordu on a bien failli ne pas retrouver l’église Arménienne, tant la ville s’est développée.  Heureusement les gens nous indiquent le chemin avec empressement... Voilà donc devant nous Aya Sofia…un enchantement. Le jardin a été soigné, des fleurs plantées, mais le croissant sur le dôme a remplacé la croix.. Aya Sofia, Sainte Sophie est devenue  un musée payant. Elle est très ancienne Sainte Sophie, construite probablement vers 1200, Les peintures qui la décorent du sol au plafond datent aussi du XIIIe siècle. Plein de scènes de la bible sont représentées et les détailler nous absorbe un long moment .Beaucoup de fresques ont hélas subi l’épreuve du temps et l’incurie des hommes, presque aucun visage n’est intact, mais les scènes sont explicites et terriblement émouvantes.  La traversée du jardin parsemé de chapiteaux et de marbres décorés, nous permet de contempler la mer à l’infini.

TrabzonNous reprenons le camion et le chemin qui mène au monastère de Sumela situé à 47 kilomètres de Trabzon. Nous prenons place au pied du site près du bureau postal de Meryemana qui est devenu le nom du monastère. Autrement dit Monastère de la Mère Marie. On aperçoit  le  monument depuis ici grâce aux arbres dépourvus de feuilles et l’on entreprend la montée .Un sentier grossièrement pavé grimpe à pic dans les rochers où s’insèrent des milliers de plantes fleuries. Peu de monde dans cette ascension assez éprouvante, mais les gens qui descendent sont si heureux qu’ils nous cèdent leur canne faite d’une branche d’arbre trouvé en chemin. Efficacité garantie pour l’aide que ce bâton apporte, j’apprécie !   On aperçoit en levant la tête, le monastère, serti dans la montagne, durant tout le trajet sous un angle différent. On abuse de la photo, en s’extasiant sur la beauté de l’ouvrage et les difficultés qui ont dû surgir à sa construction. En cours de route histoire de se reposer un peu je relis mon guide qui annonce 40 minutes de montée. Je le trouve bien modeste, il me semble qu’un temps plus long  nous a été nécessaire.

Et voilà devant nous le monastère, plaqué contre la paroi vertigineuse, aperçue depuis en bas. A cela  s’ajoute l’extraordinaire beauté de la montagne de la Chaîne Pontique qui nous entoure et le rugissement de la Rivière d’Or, ce formidable torrent qui roule ses eaux au pied du site, jusque dans la vallée.

monastère de Sumela

L ’intérieur des bâtiments est orné  de nombreuses peintures rupestres illustrant des scènes de la Génèse, des épisodes du jugement dernier ou de la vie de la Vierge et quantité de fragments très abîmés, têtes et yeux grattés comme l’exige la loi coranique n’admettant pas de représentation humaine. Quelques images ont échappé au massacre, celles qui son hors de portée, les voûtes par exemple. C’est ainsi qu’on peut voir un étonnant Pantocrator qui nous regarde de ses yeux noirs, cheveux crépus, oriental comme on ne pouvait l’imaginer auparavant. Au milieu de tous ces chefs d’œuvres byzantins, nous rencontrons le collège de fillettes Saint Joseph venant d’Istanbul section Français et très fières, de leur étude. Nous ne manquons pas de les féliciter pour leur choix. . Elles viennent disputer un match de danse rythmique et sont dégourdies comme tout. Quelle belle rencontre ! Merci Anaïs et Zula ainsi qu’aux autres dont je ne connais pas l le nom et à leur gentille maîtresse. 

peinture rupestre Après ce charmant épisode, la descente est dure, cruelle, malgré les cannes cédées par les voyageurs précédents. . On est très fatigués et on s’écroule à l ‘arrivée. On se fait un grand café et  l’on part sans savoir où. En chemin un garçon nous arrête pour nous inviter à camper chez lui. Et voilà ! C’est chose faite. On accepte le repas proposé : pommes de terre  pirzolas avec de la Maden Suyu. . Il est 18 heures à peine, le temps est frisquet, la nuit tombe déjà, que faire d’autre, on va se coucher pour récupérer.

On est prêts à dormir, un coup de fil de Fanou nous réveille. Je la rappellerai demain

Samedi 5 Mai

Champ sur la route de Sumela
Belle matinée ensoleillée, un pic neigeux d’un côté, de l’autre les vallons verts piquetés de maisons blanches, à côté de nous la jolie maison jaune du propriétaire du kamp, avec les fenêtres ouvragées  de pierres grises, de l’autre côté nos voisins du cimetière….On va photographier le ruisseau, dire au revoir et partir vers  Erzurum « Güle güle » ils nous ont dit et en cherchant dans notre mémoire on a pu répondre  « Allaha ismarladick » ce qui veut dire « bon voyage » pour eux «  au revoir » pour nous.
A Gümûshane  on prend du gazole qu’on appelle motorin ici. Impossible d’avoir de l’eau. Nous nous approvisionnons à la fontaine aux ablutions de la !mosquée où ils nous font une place parmi les pieds lavés. L’eau est good nous disent ils, mais on va éviter d’en boire en mettant une étiquette bleue sur le bidon, pour la différencier...

station Opet Très belle route, tracée dans la montagne ocre qui cerne de  petits villages dominés par le crayon blanc des minarets. Il y a quelques arbres fleuris de blanc, des amandiers sans doute.. Il est difficile de s’arrêter car les cailloux dévalent  au dessus de nous et…en parlant de caillou, on en a pris un dans le pare brise, lancé par un camion roulant dans l’autre sens. Deux petites étoiles dans notre fenêtre avant, ne gênant pas pour l’instant si elles ne grandissent pas.

On continue vers Erzurum, avec pause repas en chemin, car il nous reste une centaine de kilomètres à peu près

A 16 heures on est à 2007 mètres d’altitude, il y a du blanc autour de nous. Très belle route  de bout en bout, depuis Macka après Sumela jusque Askale. Neige sur les sommets lointains et jusqu’au ras de la route où le soleil réchauffe l’air malgré tout.. Paysages magnifiques de vallées piquetées de maisons avec des vaches qui broutent, maigres comme tout .On traverse d’abord, des villes importantes où dominent les buildings colorés :Baynurt, Gumushane et bien d’autres de moindre importance.  Ce soir on ne veut pas atteindre Erzurum où il serait sans doute difficile de se garer pour la nuit on s’arrête donc à la sortie de Askale dans une grande et  belle station Opet .Du  côté de notre stationnement on aperçoit une colline où apparaît le croissant islamique tracé avec des galets blancs et des mots de  nous incompris. J’ai remarqué que le mont « Vatan » apparaît souvent, il veut dire sans doute « Patrie ». C’est calme comme tout, mais je ne peux fermer l’œil victime de l’altitude, migraine et énervement m’accompagnent jusqu’au matin.