Information générale

Jacques Perrin et Jacques CluzaudVous reprendrez bien un peu d’environnement ? C’est vrai qu’en lisant ce résumé officiel diffusé dans la presse, on se dit qu’on va encore nous présenter des paysages certes merveilleux, sortis d’un paradis originel, avec tout plein de couleurs, de belles images, une bande son à tomber et des bons sentiments. Comme tout ce qu’on nous sert dès qu’il s’agit de s’intéresser un peu plus à la nature et un peu moins aux blockbusters. Et puis on se dit aussi « ça peut pas faire de mal de toute façon ». Donc on regarde l’affiche d’ Ωcéans avec une espèce de tolérance désabusée. Une affiche d’ailleurs très belle, avec ce bleu envahissant où se détache une baleine qui paraît bien seule, bien petite dans cette immensité et aux côtés d’autres géants des écrans.

poisson-luneMais derrière ce projet, il y a quand même deux costauds du film naturaliste nouvelle génération, les parents des réjouissants Microcosmos et Peuple
Migrateur
. Et il y a de la magie là dedans, quelque chose qui opère dès que Jacques Perrin et Jacques Cluzaud se lancent et nous entraînent. Quelque chose qui fait que bien des écueils sont évités. Peut-être parce que réalisateurs et producteurs se sont posé les bonnes questions ? Comment contourner la naïveté et le consensuel dès lors qu’on s’attache à parler du monde naturel, des animaux et des générations futures ? Comment se faire une place parmi les nombreux projets qui se sont voulu les héritiers du Monde du Silence depuis 50 ans? Et tout cela en répondant à une question simple : c’est quoi l’océan ?

baleine à bosseDerrière la magie, il y a la technique. Les prises de vues sont sublimes, elles le sont d’autant plus que le mouvement est le maître-mot de l’approche filmique. Les cameras sont installées de manière à capter toute la vitalité des scènes et à donner corps au vivant. Et c’est très réussi. Oubliant ses a priori, le spectateur est de toute façon happé par l’image et le son. Guidé par une voix-off très ponctuelle, il frôle une nageoire de requin, glisse sur un dauphin, perçoit le bruissement d’une patte de langouste sur le sable, le souffle d’une tortue ou le chant d’une baleine.

Les animaux débordent d’énergie, et que dire de la mer qui devient personnage principal, comme un géant à la force parfois démesurée quand la tempête fait rage. On est loin du cliché du gros plan sur un aquarium ou des méduses sur une musique d’ascenseur pour symboliser une situation ennuyeuse ou interminable.
baleines franchesLà il n’y a aucun répit. La scène de chasse en est le parfait exemple, lorsque maquereaux et sardines sont attaqués de toutes parts par les dauphins, les requins, les raies et les oiseaux qui torpillent les bancs sans relâche. Le tout crée une impression de champ de bataille apocalyptique avec caméra embarquée et musique de conquête qui se clôture en apothéose avec l’arrivée tonitruante des baleines à bosse qui fendent la surface et engloutissent des tonnes de poissons. Puis le calme se fait. Avant que le tourbillon ne reprenne dans une autre scène.

Le parti-pris est clairement celui de la description et de l’esthétique soignée pour créer une émotion. On n’analyse pas, on ne cherche pas à prouver par A+B, mais on laisse l’image agir. La philosophie du film ? Emerveiller pour éveiller les consciences. poissonLe cœur palpite au rythme effréné des courses de dauphins, on rit avec le Bernard l’Hermite aux mimiques de cartoon, on tremble avec la petite tortue qui s’élance vers la mer, on s’attendrit en observant cette femelle morse qui enlace son petit. Les animaux deviennent presque humains, dans des décors à couper le souffle. Ici, pas de leçon de morale ni de misérabilisme : les océans ne sont pas tant représentés comme les victimes d’un homme vorace que comme une immensité riche qui reste encore à sonder et qu’il convient de partager raisonnablement. L’homme n’est pas uniquement l’exterminateur, il est aussi l’être curieux et respectueux qui va à la rencontre des espaces et des espèces pour les comprendre (les images de plongeurs-chercheurs en harmonie avec certains animaux sont saisissantes). Le film n’a pas la prétention d’apporter des solutions aux problèmes de pollution, de surpêche et de destruction des habitats naturels. femelle morse et son petitIl donne à voir et à ressentir. Chacun devant l’écran devient ce petit garçon (Lancelot, petit-fils de Jacques Perrin) à qui l’on explique ce que sont les océans par l’observation du littoral, d’une galerie des espèces disparues, d’un aquarium géant et enfin de la terre. Le spectateur, lui, a un film tout entier à observer pour se figurer ses propres océans, réels et imaginaires, en suivant cette aventure pendant plus d’1h40 sans se sentir infantilisé ni lassé. Et c’est un bonheur de suivre cet « opéra sauvage », comme le décrit Perrin. Pour plus d'informations sur le film, résumé, images et bandes-annonces, visitez le site officiel : www.oceans-lefilm.com

  Audrey Bonnet Publié le 21/01/2010

Crédits photos: © Roberto Rinaldi / François Sarano / Mathieu Simonet / Koji Nakamura / Galatée Films / Richard Hermann / Pascal Kobeh