Interview de Florence Blanchet

Florence Blanchet publie son nouveau livre "La Face Cachée des Cocotiers" dans lequel elle relate une année passée dans une ONG en Sierra Léone.

(Juin 2008)

Entretien avec Florence BlanchetFlorence Blanchet, responsable des ressources financières et humaines pour une ONG, a vécu un an en Sierra Leone, avec son mari, coordinateur logistique travaillant dans la même ONG, et ses deux enfants. Elle nous dit tout sur cette mission humanitaire en famille dans son livre : La Face Cachée des Cocotiers.

La face cachée des cocotiers, c'est les problèmes de vol, l'hypocrisie de certains expatriés, les gaspillages...Florence, vous êtes partie en Sierra Leone avec mari et enfants. Pourquoi en avoir fait un livre ?

Pour témoigner : on nous interroge souvent sur notre choix de vie. Pour ne pas oublier. Mais aussi parce que, de tous temps, écrire a été un plaisir.

Vous dîtes que de partir en mission humanitaire en famille a été une drôle d’idée. Pourquoi ? Ce n’est pas moi qui le dit. Ce sont les autres ! Le fait que nous partions en famille étonne souvent, dérange parfois. « Quelle drôle d’idée ! », c’est quelque chose que nous avons entendu plus d’une fois. Pour beaucoup de gens, l’humanitaire est une expérience temporaire, une aventure de jeunesse, pas quelque chose qui se vit sur le long terme. Donc incompatible avec le fait de fonder une famille. Ce livre veut montrer qu’au contraire, l’humanitaire peut être un choix de vie assumé, compatible avec la vie de famille. Il explique aussi comment la présence des enfants, loin de représenter un handicap, apporte sérénité et recul, tellement nécessaires dans ce genre de contexte !

Vous avez vécu à Freetown, la capitale de Sierra Leone, pendant un an. Pouvez-vous nous parler de cette ville ? Ses habitants, ses quartiers, ses monuments. Freetown est une ville de plus d’un million d’habitants (soit environ 20 % de la population La Face Cachée des Cocotierssierra leonaise), située en bord de mer, à l’extrémité de la péninsule éponyme, qui monte à l’assaut des collines de l’intérieur. Il y a peu d’immeubles hormis le Youyi Building (qui abrite la plupart des ministères) et quelques autres dans le centre ville (banques, administrations). Peu de bâtiments anciens également : le Tribunal, la Central Police Station… Le point de repère le plus important est… un arbre ! Le célèbre Cotton Tree du centre ville. Freetown est une ville très animée. Il y a plusieurs marchés, sans compter les vendeurs installés un peu partout dans les rues. Les gens y sont toujours souriants, affables, surtout si vous connaissez quelques mots de krio, le créole anglais utilisé par la population. La ville est très étendue. Les quartiers chics (ambassades, résidences de ministres) se trouvent plutôt sur les hauteurs, vers l’intérieur de la péninsule, alors que le quartier populaire de Kissy s’étale le long de l’estuaire de la Sierra Leone River. Les transports y sont anarchiques, comme dans beaucoup de grandes villes africaines, et il n’est pas rare de passer des heures dans les embouteillages.

Quel a été votre plus grand moment là-bas ? Notre fête de départ avec tout le personnel sierra leonais !

Au contraire, quelle a été votre pire expérience ? Sachant que vous parlez de « tempêtes », de « problèmes administratifs », de « détournements de fonds et de matériels. » Est-ce ça « la face cachée des cocotiers » ? Où est-ce autre chose ? Expliquez-nous. Il y a eu beaucoup de problèmes de vol sur cette mission. Les Sierra Leonais sont extrêmement sympathiques, mais en même temps très roublards et d’une ingéniosité hallucinante. Et le moment le plus pénible aura sans doute été celui où l’une des rares personnes en lesquelles j’avais une confiance absolue a disparu avec la caisse ! La face cachée des cocotiers, c’est un ensemble. Les conditions de vie (ou plutôt de survie) du peuple sierra leonais, les problèmes de vol (qui ne sont que la conséquence directe de ces difficultés), les mesquineries et l’hypocrisie de certains expatriés, les gaspillages en tous genres, les doutes, les questions qui se posent forcément, tôt ou tard, quant au réel impact du travail humanitaire… Bref, la face cachée des cocotiers, c’est l’envers du décor. Tous ces problèmes que l’on ne voit pas… alors que les belles plages ourlées de cocotiers (qui ont fait le succès touristique de la Sierra Leone il n’y a pas si longtemps, avant la guerre civile) sont visibles dès le premier coup d’œil.

Etes-vous allée dans la campagne sierra léonaise ? Si oui, que pouvez-vous nous en dire ? Oui, lors de visites terrain, je suis allée dans des villages. Pour moi, qui ne suis pas une citadine, cela a toujours été un grand plaisir. Tout le sud du pays est couvert de forêt. Au nord, la végétation est plus clairsemée. Plus sèche aussi. L’habitat est traditionnel : murs de terre, toits de palmes. Pas d’électricité (même en ville, elle est rare). Les gens sont pauvres, mais la culture de leur lopin de terre leur apporte de quoi se nourrir : manioc et patates douces pour l’essentiel. Dans les villages, la communication n’est pas toujours facile car peu de personnes parlent anglais. Dans le Nord, peuplé majoritairement de Temne, c’est cette langue que l’on parle et le mot « opoto » (homme blanc) résonne régulièrement à votre passage. Dans le Sud, c’est « mumuy », l’équivalent en Mende. Mais il y a de nombreuses autres ethnies minoritaires.

Pour conclure, une petite phrase pour les voyageurs qui souhaitent découvrir la Sierra Léone. La guerre civile a détruit beaucoup de choses. Les infrastructures touristiques se recréent doucement. Il ne faut donc pas s'attendre à du tout confort. Mais la Sierra Leone réserve néanmoins de jolies surprises !

Pour en savoir plus, consultez son site :http://familleautourdumonde.free.fr