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L'express Version Electronique
Nage avec les dauphins
Vaine interdiction
Jonathan Bouic
Un projet de loi visant à rendre illégale la nage avec les dauphins est à l’étude. Une telle interdiction ne protégera toutefois en rien les mammiféres marins tant que les bateaux à moteur pourront s’en approcher.
«Le projet de loi, s’il est accepté, ne changera rien », clame Ja c q u e l i• e Sauzier, directrice de la Mauritius Marine Conservation Society (MMCS). Selon elle, le probléme ne se situerait pas au niveau de la nage aux côtés des animaux en elle-même. Il faudrait plutôt chercher du côté de l’immense fl ottille spécialisée dans cette activité. Le dolphin watching s’est popularisé au cours des dix derniéres années. Justine Legay, qui fut la premiére à exercer cette pratique afi• de fi nancer ses études sur les cétacés, n’en croirait sans doute pas ses yeux. Depuis sa disparition en mer, en 2001, le nombre de bateaux à moteur qui proposent aux touristes d’approcher et de nager avec les dauphins n’a cessé d’augmenter. Aujourd’hui, il y aurait prés d’une centaine d’embarcations qui pourchassent le (trop) sympathique animal, dans le but de procurer le grand frisson aux touristes.
Des animaux désorientés
Il y a là un marché juteux. De quoi allécher bon nombre d’opérateurs touristiques. Diffi cile d’estimer avec exactitude les gains générés par cette activité. Mais la MMCS estime le chiffre d’affaires à 150 millions de roupies par an. Avec environ 70 000 touristes qui pratiquent cette activité annuellement, à environ mille roupies par adulte pour deux heures d’excursion, déjeuner non-compris, le calcul est fait. A ce prix-là, il faut en donner aux touristes pour leur argent… Quitte à harceler le mammifére. Ainsi, tous les jours, dés 8 heures du matin, une véritable armada de bateaux se met à la poursuite des dauphins à long bec et des dauphins souffl eurs qui peuplent nos eaux. « Les dauphins subissent un stress permanent à cause des allées et venues de tous ces bateaux. Certains skippers ne respectent pas la consigne qui les oblige à éteindre leur moteur à moins de 50 métres d’un banc de dauphins. Ils vont parfois même jusqu’à poursuivre les animaux qui se déplacent », déplore Jacqueline Sauzier. Des scientifi ques sont sur le point de prouver que la pollution sonore subie par les cétacés, qui utilisent essentiellement leur sonar pour se déplacer, pourrait les désorienter. Cette pollution sonore est le plus souvent causée par les moteurs des bateaux. Pour certains de ces spécialistes, ce serait même la cause des « suicides collectifs », ces échouages massifs inexpliqués de mammiféres marins. A Maurice, une étude visant à démontrer l’impact du Dolphin Watching sur le comportement des dauphins a d’ailleurs été menée entre 2007 et 2010. Selon les conclusions de cette étude, « le Dolphin Watching tel qu’il est pratiqué actuellement à Maurice n’est pas une activité durable. Trop de bateaux, pas de réglementation, risquent d’avoir des impacts négatifs sur les populations de dauphins des eaux côtiéres mauriciennes ». Pour la présidente du MMCS, il est grand temps que le gouvernement se penche vraiment sur la question. En 2008, le ministére du Tourisme avait commencé à s’intéresser au sort des dauphins en sortant un guideline édictant quelques régles simples, comme l’interdiction d’approcher à moins de 50 métres des dauphins. Malheureusement, l’absence absolue de contrôle de la part des autorités n’a certainement pas poussé les skippers à agir autrement. La simple interdiction de nager ne résoudra donc pas grand-chose, puisqu’il y aura toujours autant de bateaux… Cela fait quelque temps déjà que des solutions effi caces ont été proposées. Encore faudrait-il que les opérateurs, les associations protectrices de l’environnement et le gouvernement soient sur la même longueur d’onde.
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Nage avec les dauphins
Vaine interdiction
Jonathan Bouic
Un projet de loi visant à rendre illégale la nage avec les dauphins est à l’étude. Une telle interdiction ne protégera toutefois en rien les mammiféres marins tant que les bateaux à moteur pourront s’en approcher.
«Le projet de loi, s’il est accepté, ne changera rien », clame Ja c q u e l i• e Sauzier, directrice de la Mauritius Marine Conservation Society (MMCS). Selon elle, le probléme ne se situerait pas au niveau de la nage aux côtés des animaux en elle-même. Il faudrait plutôt chercher du côté de l’immense fl ottille spécialisée dans cette activité. Le dolphin watching s’est popularisé au cours des dix derniéres années. Justine Legay, qui fut la premiére à exercer cette pratique afi• de fi nancer ses études sur les cétacés, n’en croirait sans doute pas ses yeux. Depuis sa disparition en mer, en 2001, le nombre de bateaux à moteur qui proposent aux touristes d’approcher et de nager avec les dauphins n’a cessé d’augmenter. Aujourd’hui, il y aurait prés d’une centaine d’embarcations qui pourchassent le (trop) sympathique animal, dans le but de procurer le grand frisson aux touristes.
Des animaux désorientés
Il y a là un marché juteux. De quoi allécher bon nombre d’opérateurs touristiques. Diffi cile d’estimer avec exactitude les gains générés par cette activité. Mais la MMCS estime le chiffre d’affaires à 150 millions de roupies par an. Avec environ 70 000 touristes qui pratiquent cette activité annuellement, à environ mille roupies par adulte pour deux heures d’excursion, déjeuner non-compris, le calcul est fait. A ce prix-là, il faut en donner aux touristes pour leur argent… Quitte à harceler le mammifére. Ainsi, tous les jours, dés 8 heures du matin, une véritable armada de bateaux se met à la poursuite des dauphins à long bec et des dauphins souffl eurs qui peuplent nos eaux. « Les dauphins subissent un stress permanent à cause des allées et venues de tous ces bateaux. Certains skippers ne respectent pas la consigne qui les oblige à éteindre leur moteur à moins de 50 métres d’un banc de dauphins. Ils vont parfois même jusqu’à poursuivre les animaux qui se déplacent », déplore Jacqueline Sauzier. Des scientifi ques sont sur le point de prouver que la pollution sonore subie par les cétacés, qui utilisent essentiellement leur sonar pour se déplacer, pourrait les désorienter. Cette pollution sonore est le plus souvent causée par les moteurs des bateaux. Pour certains de ces spécialistes, ce serait même la cause des « suicides collectifs », ces échouages massifs inexpliqués de mammiféres marins. A Maurice, une étude visant à démontrer l’impact du Dolphin Watching sur le comportement des dauphins a d’ailleurs été menée entre 2007 et 2010. Selon les conclusions de cette étude, « le Dolphin Watching tel qu’il est pratiqué actuellement à Maurice n’est pas une activité durable. Trop de bateaux, pas de réglementation, risquent d’avoir des impacts négatifs sur les populations de dauphins des eaux côtiéres mauriciennes ». Pour la présidente du MMCS, il est grand temps que le gouvernement se penche vraiment sur la question. En 2008, le ministére du Tourisme avait commencé à s’intéresser au sort des dauphins en sortant un guideline édictant quelques régles simples, comme l’interdiction d’approcher à moins de 50 métres des dauphins. Malheureusement, l’absence absolue de contrôle de la part des autorités n’a certainement pas poussé les skippers à agir autrement. La simple interdiction de nager ne résoudra donc pas grand-chose, puisqu’il y aura toujours autant de bateaux… Cela fait quelque temps déjà que des solutions effi caces ont été proposées. Encore faudrait-il que les opérateurs, les associations protectrices de l’environnement et le gouvernement soient sur la même longueur d’onde.
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