Lunettes et jouets

Made in Franche-Comté

Des lunettes pour les bigleux

C’est à Morez que vous aurez toutes les chances de trouver les lunettes du futur. La ville est la « capitale de la lunette » depuis 200 ans et rien ne saurait la détrôner.

Musée de la lunette, Morez Pour preuve, le musée de la lunette résolument moderne et tendance qui s’est installé en 2003 sur la place de l’hôtel de ville et qui s’immisce parfaitement au creux d’une vallée verdoyante du Haut-jura. Sous et dans son toit en forme de carapace arrondie, derrière ses agréables verrières, le musée retrace 700 ans d’histoire et révèle comment un simple clou s’est métamorphosé en lunettes, avant de devenir aujourd’hui des prothèses aérodynamiques pour les projets les plus ambitieux.

Si les hommes ont conçu le principe des verres correcteurs depuis longtemps, ce n’est qu’en 1796 que la première monture en métal apparaît. Fini les anciennes bésicles à l’équilibre bancal et les faces-à-main qui monopolisaient quelques doigts. Cette année-là, Pierre Hyacinthe Caseaux frappe fort en fabriquant aux Arcets, non loin de Morez, un morceau de métal pouvant être maintenu sur le nez des myopes et des astigmates, grâce à deux branches tutoyant les tempes. Une lunetterie ouvre alors à Morez en 1803. Seulement 13 ouvriers y travaillent. Peu à peu, les machines se développent et encouragent la production à s’accélérer. Les laminoirs, les dévidoirs, les machines à corder, à fabriquer les embouts et les rivets, les meules et les tournettes permettent dans la première moitié du XXe siècle de passer au rythme industriel (12 000 000 de montures fabriquées à Morez en 1880, 10 millions aujourd’hui). Les ouvriers supplantent l’artisan penché sur ses minuscules pièces qu’il maniait délicatement de ses mains habiles. Résultat : fin du XXe siècle, 2 400 salariés sont employés dans la lunetterie et assurent 50% de la production française de lunettes. L’affaire est donc devenue rentable (chiffre d’affaire des lunetteries moreziennes en 2004 : 180 millions d’euros) et confère à la petite ville jurassienne un destin qui la sort de l’anonymat. C’est cette histoire passionnante de la métamorphose d’une ville que vous découvrirez en pénétrant dans le musée et en parcourant ses collections. Celles-ci d’ailleurs diversifient les angles d’approche et ne se contentent pas d’évoquer simplement l’histoire de la lunette. Les 800 m² du musée sont en effet utilisés pour exposer également les anciennes machines, mais aussi, sur une mezzanine encombrée de vitrines, une magnifique collection de lunettes et d’instruments d’optiques permettant de suivre les progrès du design. 450 pièces de la collection Essilor-Pierre Marly ont été retenues parmi les 2 500 que le musée détient.

La science n’est pas en reste puisque des modules interactifs décryptent le phénomène de la vision et expliquent les caprices que l’œil peut faire (en voyant flou, en percevant mal les couleurs, en entachant les images perçus…). Même les illusions d’optiques sont évoquées via des jeux ludiques.   
Le contenu de la visite est donc dense et encore plus si l’on s’attarde en prolongeant par l’exposition temporaire ou par la collection de peinture François-Honoré Jourdain, gracieusement léguée au musée à la fin du XIXe siècle. Ne tardez pas trop, il faut arriver à l’opticien du coin avant la fermeture ! Morez ne s’est en effet pas résolu à abandonner son ancienne passion. Aujourd’hui encore, même face à l’assaut des chinois qui envahissent tous les marchés et des italiens, pro de la mode, les moreziens réagissent. Ils organisent des concours internationaux pour stimuler la création et anticiper ce que seront les lunettes du futur. Pour concurrencer l’américain Ray ban, il compte sur l’innovation et sur une production de qualité. N’hésitez donc pas à vous offrir une paire unique et originale, venant de la capitale même de la lunette. Prestige au rendez-vous… 

À Morez, vous trouverez aussi de l’industrie fine qui travaille pour de grandes marques de prestige. Ces dernières n’hésitent pas à délocaliser une partie de leur production et à confier les tâches les plus minutieuses aux Francs-Comtois. Elles savent que le pays est un vivier d’artisans inégalables qui pourront répondre à leurs exigences les plus strictes. L’entreprise Mancy Créations, par exemple, est devenue la productrice exclusive de Davidoff, société suisse créatrice d’accessoires luxueux à destination des fumeurs de cigares (coupe-cigares, étuis à cigares, briquets…). Dans le même site, un autre artisan travaille et s’affaire sur ses couteaux.

C’est Christophe Blot. Là encore le talent est présent et a permis de confectionner un couteau original : le « morézien ». L’originalité ? Un système judicieux, le « Sécurisoux » qui verrouille la lame aussi bien ouverte que fermée et le tout sans aucun effort. Avis à ceux qui auraient envie de s’approprier l’invention : le système est déjà breveté et déjà reconnu, puisqu’il a gagné le Grand Prix « made in Jura » en 2009. Après avoir admirer le savoir-faire morézien, aussi bien au niveau lunetterie qu’au niveau industrie de précision, et une fois les paires de lunettes achetées en gros, pourquoi ne pas penser à votre enfant qui vous suit sagement et qui aurait bien envie de s’amuser avec un jouet « made in Franche-Comté » ?

Un jouet pour les enfants

La Franche-Comté pense aussi aux plus jeunes. Si les adultes trouvent leur compte avec les horloges, les montres, les couteaux, les lunettes et les bijoux, les enfants trouveront quant à eux de quoi casser leurs tirelires en déambulant dans les magasins de jouets. Ici, et plus spécifiquement dans le Haut-Jura, rien à voir avec la production à la chaîne des usines nippones genre Smoby ou Mattel. Ce n’est pas une poupée barbie mais un article finement sculpté dans le bois de l’épicéa voisin que vous quémandera votre fils ou votre fille. La région montagnarde est en effet experte dans la persécution du sapin ! Dès le XVIe siècle, les habitants scient, débardent et traitent le bois pour confectionner des objets précieux et utiles. À Bois d’Amont, c’est la boîte à fromage qui occupe les boisseliers. Peut-être connaissez-vous le Mont-d’or, fromage local qui, une fois cuit au four, s’infiltre entre les quartiers de pommes de terre et les tranches de charcuterie de votre assiette. Et bien ce fromage coulant est préservé de la moisissure grâce à une belle petite boîte ronde, façonnée par les mains de l’artisan de Bois d’Amont. Pour ceux que ça intéresse, sachez que la petite localité jurassienne a profité de sa spécialité pour héberger le musée de la boissellerie, lequel retrace plus globalement l’histoire du travail du bois qui continue encore d’occuper la région. Car plein d’autres objets que la boîte à fromage sortent des boisselleries franches-comtoise : cabinets d’horloges, skis et… jouets.

Pour trouver les plus beaux jouets en bois, ne quittez pas le Jura et rendez-vous à Moirans-en-Montagne. Peut-être serez-vous alors tenté, pour commencer, d’aller découvrir les dessous de cette activité en allant visiter le musée du jouet qui s’y trouve (fermeture pour rénovation à partir de septembre 2010 et jusqu’à 2012). Les 16 000 jeux et jouets présentés vous rendront votre âme d’enfant. Ces quilles, ces toupies, ces trompettes et ces « jouets à cent-sous » en surnombre feront alors scintiller de convoitise les yeux des plus jeunes. Du coup, en ressortant, cela risque d’être difficile de ne pas faire un petit extra en allant acheter un jouet. On vous aura prévenu. Et si, pendant qu’on y est, on faisait un gros, un énorme extra : une voiture !

Sophie Graffin
Publié le 15/07/10
Crédits photos : ©musée de la lunette Morez/Studio Vision ; ©musée de la lunette, coll. Essilor - Pierre Marly/Studio Vision ; ©Concours de design « Jeunes créateurs, à vous de voir ! », Lunetiers du Jura ; © CRT Franche-Comté ; © CRT, J. ABECASSIS