Petit tour à Notre-Dame du haut

Chapelle Notre-Dame du haut - Ronchamp

Ca y est, vous y êtes. Le GPS se tait après vous avoir annoncé « vous êtes arrivé ». Vous descendez de la voiture avec femmes et enfants ou seul, selon votre situation. Une fois les billets pris, vous pénétrez alors dans l’enceinte. Un petit chemin en terre ponctué par des panneaux informatifs vous incite à monter vers les hauteurs. Vous l’empruntez donc, non sans avoir lu auparavant les quelques indications inscrites sur les panneaux. Le rythme de votre cœur s’accélère et vos muscles se contractent de plus en plus, étant donné la pente que vous gravissez.

Vous levez les yeux pour tenter de percevoir la merveille tant attendue mais une grossière bâtisse en forme de parallélépipède vous accueille et vous bouche la vue. Les couleurs sont criardes (violet, jaune, bleu, blanc) et exaspèrent encore plus votre impatience. L’audioguide, si vous en avez un, vous apprend que le bâtiment est la « Maison du chapelain ». Vous jetez un coup d’œil rapide mais passez votre chemin ; vous n’êtes pas venu pour elle. Vous continuez alors de grimper.

Une petite aire plane, sur la gauche cette fois-ci se présente. Vous distinguez au fond, vers les arbres une nouvelle construction. Cher audioguide, qu’est-ce ? L’ « Abris des pèlerins » vous apprend-t-il. La malicieuse chapelle sait décidemment se faire attendre ! Idem, vous zyeutez rapidement mais persévérez dans l’effort. Pas longtemps heureusement. Le sentier se décide enfin à aboutir sur une vaste clairière.
 

Façade Est
La façade Est est la plus connue

Nord, Est, Sud, Ouest, vous tournez sur vous-même et êtes ébahi par cette impressionnante vue dégagée qui a séduit, il y a une cinquantaine d’années, un certain Le Corbusier. Mais ce qui vous plaît surtout, c’est de la voir enfin. Celle pour qui vous avez fait tant de kilomètres, celle dont vous avez si souvent entendu parler. La voilà, là, devant vous, sage et immobile, éternelle et impassible. Elle attend chaque visiteur pour lui présenter ses formes délicates et déroutantes.
Le blanc de la chaux dont sont enduits les murs contraste avec la sévérité grisâtre du béton brut du toit et des piliers qui les soutiennent. Ce toit est si particulier qu’il monopolise pour un temps votre regard. Votre observation s’attarde sur cette coque formée de deux voiles minces (6 cm d’épaisseur chacune) et creuse comme l’aile d’un avion. Puis, c’est le chœur extérieur qui attire votre attention. La sobriété vous marque et vous êtes conquis par cette simplicité qui parvient malgré tout à séduire : un autel formé d’une simple pierre soutenue par deux piédroits, une croix en bois à taille humaine, une chaire, une tribune pour la chorale et une petite niche dans laquelle vous semblez apercevoir un objet. Vous vous rapprochez de l’espace sacré et percevez enfin de quoi il s’agit : une petite statue de Marie en bois polychrome datant du XVIIIe siècle. C’est tout ce qui reste de l’ancienne église détruite par les bombardiers de la Seconde Guerre mondiale. Non en fait, il y a aussi les quelques pierres qui ont été intégrées aux murs et qui les constellent pour former leur enveloppe. Elles ont perdu tout rôle porteur en raison de leur détérioration mais assument tout de même un rôle symbolique et mémorial. Quoiqu’il en soit, il ne reste pas grand-chose de l’ancien bâtiment détruit et vous préférez continuer d’admirer en entreprenant de faire le tour de la chapelle.

Vous vous élancez donc vers la façade Nord, celle qui se cache derrière les faces Sud et est qui vous attirent lorsque vous arrivez. La première partie est un simple mur toujours blanc et crépi de chaux, percé d’ouvertures discrètes qui permettent à la lumière de s’introduire délicatement à l’intérieur de l’édifice. La seconde partie se distingue par la présence de deux petites tours semi-circulaires devancées par une porte. C’est l’entrée habituelle, la moins prestigieuse des trois potentielles : un simple sas avec deux portes en bois à double battants. Qu’allez-vous faire ? Pousser la porte ou continuer la découverte de la structure extérieure ? C’est décidé, ne faisons pas les prétentieux, entrons par la « petite porte ».
 

Intérieur de la chapelle
L'intérieur reste sobre et élégant

La pénombre est la premiere de vos hôtes. Il vous faut quelques instants pour vous y accoutumer. Lorsque les contrastes reviennent, vous êtes étonné par la discrétion des formes et par le savant jeu de lumière qui s’accentue vers le chœur. Comme à l’extérieur, tout est dans la sobriété. L’autel et la chaire en béton brut sont discrets. Seuls les quelques bancs et une croix identique à la précédente introduisent le bois parmi la liste des matériaux utilisés. Les ouvertures du mur qui vous fait face, et dont la grandeur et le tracé varient pour chacune d’elle, sont apparemment les seules sources de lumière.
Mais si vous allez vers le fond, vous découvrirez en fait que trois puits de lumière font également entrer les ondes éclairantes. Ce sont les deux petites tours que vous avez aperçu avant d’entrer. La troisième, la plus grande, celle du coin sud-ouest de la chapelle, vous ne l’avez pas encore vu de près. Mais bientôt… Chacune des tours abrite une chapelle et donc un autel, simples blocs compacts en pierre.
Vous revenez tout de même dans la nef et êtes encore une fois absorbé par ce chœur. Il faut dire que tout est fait pour vous y conduire. Le sol en effet s’abaisse vers lui et les murs s’écartent pour ouvrir la perspective. Au dessus de l’autel, un peu excentré sur la droite, vous vous rendez compte que la statue de la vierge, que vous aviez vue de l’extérieur, l’est également de l’intérieur. La niche dans laquelle elle est enfermée est en fait un trou qui permet d’observer soit le devant soit le dos de Ste-Marie. Après vous être assez infusé de l’atmosphère de cette chapelle, vous osez ressortir à la lumière vive pour marcher vers la façade Ouest, à l’opposé de la fin du chemin qui vous à conduit sur le site.
 

Façade Ouest
Façade Ouest, sans aucune ouverture
© CRT Franche-Comté, J. Ambacher

C’est la seule qui ne possède aucune ouverture. Vous êtes confronté à un mur blanc totalement dépouillé hormis une gargouille (moderne donc ne figurant rien) et un récupérateur d’eau.

Vous continuez donc votre route et au niveau de la plus grande tour, celle du Sud-ouest, jusqu'à ce qu'une percée dans la végétation vous interpelle. Vous découvrez alors le campanile. Le Corbusier n’a pas voulu en effet intégrer les cloches dans l’église même. Il préférait entreprendre la construction d’une autre structure destinée exclusivement aux carillons indispensables pour appeler aux offices, sonner l’angélus et égayer les fêtes. La mort l’a empêché de se charger lui-même de cette construction. Ce sera Jean Prouvé, architecte nancéen, qui installera dix ans après (1975) le dispositif voulu par le père de la chapelle. Il s’agit d’un ensemble de quatre poutres en métal supportant un trio de cloches de tailles croissantes. La plus petite est la dernière et a été ajoutée en hommage à la mère et à l’épouse de Le Corbusier. Une main ouverte, signe propre à l’architecte, est martelée dans la matière de cette « Amélie-Yvonne-Charlotte-Marie ».
Les deux autres cloches, les deux plus massives, sont celles qui restaient d’avant-guerre et qui reprennent ici du service trois fois par jours à 9 h, midi et 19h. Peut-être serez-vous là à l’heure où ces joyeux carillons se mettent à chanter et à animer le site de tonalités envoûtantes ?
 

Façade Sud
La façade Sud, ses vitraux et sa tour
© CRT Franche-Comté, Olivier Vuillier

Le tour est désormais presque terminé. Vous allez bientôt retrouver le chemin qu’il vous faudra cette fois-ci descendre au risque de le creuser un peu plus. La dernière façade, au Sud, vous retient cependant encore quelques instants. La belle chapelle ne laisse pas si facilement partir ses visiteurs ! Vous observez donc ses apparats sud : un mur légèrement incliné, troué de multiples ouvertures à dimension variable. L’une est énorme et peut être comblée lorsque le battant se referme. C’est la porte Sud, carré de 3x3 m, de 33 cm d’épaisseur et constitué exclusivement de fonte de fer. Je vous laisse deviner le poids… 2,3 tonnes ! Il n’en fallait pas moins pour terminer de vous impressionner.

Vous jetez un dernier coup d’œil en hauteur, histoire de regarder une dernière fois cette coque coiffante qui laisse dépasser ses courbes au-delà des murs qui semblent la soutenir. Vos pas vous mènent malgré vous vers le sentier ; il est l’heure de partir. Un sentiment équivoque vous envahit. Il y a à la fois du ravissement et de la frustration. Le ravissement d’une beauté découverte mais la frustration d’avoir terminé cette expérience incroyable, que l’on ne peut vivre qu’une fois. Si vous revenez, vous n’aurez certainement pas ce ressenti extatique que vous venez d’abriter. Mais rassurez-vous, la Franche-Comté recèle de bien d’autres trésors susceptibles de le faire…

 

Sophie Graffin
Publié le 27/07/10

Crédits photos : © CRT Franche-Comté, Sandrine Baverel