La Grenouille dans le Billabong

Interview de Marie-Paule Leroux

En 2004, Marie-Paule Leroux publie ses mémoires sous le titre “La Grenouille dans le Billabong” qui relatent ses onze années en Tasmanie.

(Avril 2008)

Entretien avec Marie-Paule LerouxMarie-Paule LEROUX est née au Loroux-Bottereau, un charmant petit village au milieu des vignes, près de Nantes. Après son Baccalauréat en 1979 et son BTS en 1981, elle entre au Service Export d’une grande maison du vignoble Nantais, un poste qui lui a permis de voyager dans le monde entier pendant plusieurs années. En 1991, elle émigre, avec son mari, en Tasmanie Australie. Ils obtiennent la nationalité australienne en 1993.

C’est un des derniers endroits au monde « préservé », 1/3 de son territoire est classé par l’Unesco comme Patrimoine Mondial.Vous avez quitté le France en 1991, il y dix-sept ans. La France ne vous manque t-elle pas ?

C’est une question qu’on me pose souvent. Oui, bientôt 17 ans que j’ai quitté la France. Je ne parviens pas à le croire, je n’aurais jamais pu croire que j’en étais capable ! Comme le dit la maxime, c’est plus facile de quitter la France, que cela ne l’est pour la France de vous quitter !!! Récemment j’ai eu l’occasion de bavarder avec une Australienne qui vit depuis de nombreuses années en France, elle a fait le chemin inverse de moi en quelque sorte. C’était intéressant car je me disais que nous allions finalement nous rejoindre, nous ressembler quelque part, une sorte de statu quo. Pas tout a fait. Les expatriés, les immigrés, les déracinés sont un peu comme des poupées Russes, ils sont couverts de plusieurs « couches » de cultures différentes mais la colonne vertébrale ne change pas. Donc je reste Française et fière de l’être mais je suis aujourd’hui également Australienne. Je n’en suis pas moins une pour être l’autre. J’aime mes deux facettes. J’étais et je suis restée une grande amoureuse de la littérature Française, du cinéma Français, de la chanson Française…. Cela ne s’est pas du tout altéré au cours des années, peut-être même voire plutôt exacerbé. Et avec Internet aujourd’hui c’est très facile d’entretenir cela. La Gastronomie Française… j’en ai fait mon métier ici pendant plusieurs années lorsque j’avais mon entreprise, donc j’ai bien « entretenu » ce côté-là aussi. Ma famille me manque. Mes amis Français aussi. Heureusement il y a Internet là encore. Quant au reste…. Je ne vais pas m’en cacher, il y a des tas de choses en France qui ne me manquent pas et je vous laisse deviner lesquelles….

D’après un article publié dans le journal Mercury, votre première semaine en Tasmanie a été difficile, sans compter tous vos "faux-pas" par la suite. Pouvez-vous nous raconter quelques anecdotes ? En fait, comme je le dis dans mon livre j’ai embrassé mon entrée dans la vie Australienne « chargée » de ma culture Française bien évidemment…. Et maintenant, avec le recul lorsque je me souviens de mon comportement … je vois où je devais paraître « too much » aux yeux des Australiens. Je suis allée à un entretien pour un poste commercial dans une entreprise habillée d’un tailleur. J’appelais les gens « Mr Smith », « Mrs Lewis » etc…. Les Australiens – et notamment les Tasmaniens – sont très décontractés, très « casual » et s’appellent d’emblée par le prénom, que ce soit votre banquier, votre voisin, votre ministre que vous rencontrez ! De même, les premières fois où nous étions invités chez des gens pour un BBQ…c’était la catastrophe, je ne savais jamais si – et ce que – nous devions emporter. En fait, pour vous qui me lisez, n’emportez pas de fleurs ou de chocolats. Soit le BBQ est « BYO, Bring Your Own » ce qui veut dire apportez votre « manger », soit c’est à vous à demander à vos hôtes ce qu’ils aimeraient que vous apportiez (on va par ex. vous assigner une salade composée à apporter), soit au moins apportez de la bière et ce sera très bien.

Votre livre ayant pour titre « la Grenouille dans le Billabong », pouvez-vous nous dire comment sont perçus les français en Tasmanie Australie ? Il  y a une blague qui dit – mais en fait elle s’adresse plutôt aux touristes La Grenouille dans le Billabong– « Les Français sont tout le contraire de leurs vins et de leurs fromages, ils voyagent très mal ». Mais j’imagine que c’est une blague qui se dit partout dans le monde à propos du touriste Français râleur et c’est très cliché. En fait, ici en Tasmanie, les Français sont extrêmement bien intégrés dans la société tasmanienne et australienne en général. A l’inverse d’autres communautés et je pense là, notamment, aux Grecs, aux Italiens, aux Slovaques, Serbes etc…, les Français ne se regroupent pas en clubs, en quartiers, en associations. Ils sont le plus souvent marié(e)s à des Australiens et Australiennes. Cela s’explique aussi par le fait que les Français qui sont ici, le sont par choix, non pas pour des raisons économiques ou politiques. Mais c’est aussi dans notre mentalité de Français, nous sommes plus individualistes.

Grâce à votre expérience d’expatriation, que donneriez-vous comme conseils aux internautes qui souhaitent s’installer en Tasmanie ? Foncez ! En fait la première démarche est bien évidemment une visite à l’Ambassade d’Australie ou tout au moins sur leur site web. Pour les moins de 31 ans, il est très facile d’obtenir un « Working Holiday » visa d’un an. Pour les autres, tout dépend de votre catégorie professionnelle. L’Australie et notamment la Tasmanie manque cruellement de personnel dans les domaines suivants : personnel d’hôpitaux, médecins, tous les métiers de la restauration et de l’hôtellerie, le bâtiment mais l’état qui recrute le plus actuellement est l’Australie Occidentale (Western Australia), dont la capitale est Perth notamment du personnel minier.

Quels endroits à découvrir recommandez-vous aux voyageurs ? Wineglass BayMes endroits favoris en Tasmanie se situent sur la côte Est et notamment « Wineglass Bay » à Coles Bay dans la péninsule de Freycinet. Mais il faut absolument aussi visiter Cradle Mountain dans les Midlands et Strahan sur la côte ouest, si sauvage. L’avantage de la Tasmanie (par rapport aux autres états sur le continent australien) c’est qu’elle est à « dimension humaine » et que donc en 2 semaines, vous pouvez visiter plusieurs sites alors que sur le continent la distance, le coût et le temps passé en trajet rend tout plus difficile.

Pour conclure, une petite phrase pour les voyageurs qui souhaitent découvrir la Tasmanie. Foncez ! C'est un des derniers endroits au monde « préservé », 1/3 de son territoire est classé par l'Unesco comme Patrimoine Mondial. Inviolé. Et puis c'est une île qui aurait dû/pu être française sous Louis XVI, il y a là une riche Histoire commune.