Interview de Jean-Claude Mettefeu
"Mon Tour du Monde dans les Alpes" est le nouveau livre de Jean-Claude Mettefeu sur sa fascination pour les sommets éternels et son parcours de plus de 14 000 kilomètres en altitude.
(Janvier 2009)
Passionné par la nature et les Alpes. Jean-Claude Mettefeu arpente cette chaîne de montagnes inlassablement et connaît leurs moindres recoins. Il marche seul, inexorablement, repoussant toujours plus loin ses limites, pour atteindre les crêtes immaculées. A travers son livre, il nous donne une leçon. Loin des plaisirs factices et éphémères, il entretient une relation passionnelle avec la montagne et vit en osmose avec le monde.
Nature et renature, à la sauce naturelle pour marcher, respirer l'air pur des montagnes, [...], rêver pour ne pas sombrer dans la lassitude.
Cela fait 30 ans que vous parcourez inlassablement les Alpes. A quoi est dû cet engouement ? L'air pur, les couleurs magiques ont conduit mes pas dans cette nature époustouflante de lumières, incomparables en elles mêmes ! Tel un aimant, ressentant constamment de quoi se dépasser en s'émerveillant, réalisant ainsi une satisfaction intérieure, propice au bonheur de vivre, me donnant ainsi, petit à petit, l'envie de partager ces émotions d'altitude.
Un dialogue s'est donc instauré entre dame nature et moi.
Quels conseils pourriez-vous donner aux personnes désirant parcourir les Alpes ? Aux futurs alpinistes, je leur dirais d'oser d'écouter leur voix intérieure, qui "personnellement" m'a conduit à m'émerveiller de cette nature si forte d'émotion, dès mes premières escalades parcourues avec mes copains d'enfance dans les gorges de l'Aveyron.
Il en fut de même dans la vallée de Chamonix où, vivant en camping sauvage, je parcourais seul entre 30 et 40 itinéraires (courses de montagne, d'alpinisme) chaque été entre 1976 et 1984 pour découvrir les merveilles du massif du Mont Blanc et me diriger vers des courses de grande ampleur (face nord de l'aiguille verte 4200m, les 800m du couloir gervasutti au mont blanc du tacul, etc).
La poursuite de ma passion m'a conduit à faire des rencontres remarquables. J'ai eu la chance d'initier pendant un mois entier, en réalisant plus de 20 courses de haute montagne avec elle, Pascale bessière débutante à l'époque et malheureusement disparue en Himalaya sur un peu plus de 8000m.
Yvan Ghiradini (premier à avoir la trilogie dans les Alpes des trois faces nords) a su me communiquer sa passion en m'embauchant un hiver comme coupeur de tissus dans sa fabrique de vêtements d'alpinisme.
Pour ceux qui le souhaitent, il convient d'être à l'écoute de ses propres sens.
Les chemins y sont très bien entretenus, trop peut-être pour certains, par rapport à des massifs tel que les Andes ou les himalayas (que je rêve de découvrir).
Les cartes m'ont toujours apporté de quoi trouver et tracer ma route.
Je pense que le plus grand conseil est celui de la prudence, d'oser certes, mais de garder conscience que le temps peut tourner, l'allure être trop lente, le refuge introuvable à cause du brouillard !
Je n'ai jamais utilisé de G.P.S de ma vie, justement pour m'obliger à me débrouiller seul avec une simple boussole. J'ai pourtant traversé des centaines de kilomètres seul, en terrain glaciaire en Europe, en ski ou à pied.
Un équipement complet, sérieux s'impose, allant des bonnes chaussures, aux guêtres, aux vêtements, aux provisions.
Prévenir quelqu'un est important, même si je suis toujours parti seul sans que personne ne le sache, en toutes saisons, y compris dans les massifs de haute montagne à l'étranger.
Pour tous, faites de bonnes découvertes car c'est cela aussi l'aventure, en savoir un peu plus des choses, de soi même et des autres.
Avez-vous des anecdotes à raconter sur vos différents voyages ? Tout ce qui m'attire dans la nature, ce sont ses beautés, couleurs, lumières, odeurs et bruits. Elle est un univers dont mes pas, mes milliers de kilomètres tracés dedans m'ont permis de savourer, de découvrir. Elle représente, donc, en soi un terreau inépuisable d'anecdotes, dans le sens où elle m'a appris à vivre. Anecdote première, celle sans doute où l'homme la transforme en une machine, qui doit rapporter le maximum pour qu'elle ait sa raison d'être ! Donc c'est souvent le milieu des hommes qui m'a repoussé vers dame nature (des cimes) pour y sentir des odeurs de forêts, des bruits de torrents et bien sûr vers tant de si belles lumières où dame nature semble à chaque fois me dire : "Tu vois ? C'est moi qui suis naturellement belle, saisissante, qui t'attire, et te réconforte à chaque fois".
Je dois avouer que, suite à un grave accident d'auto à mes 17 ans, seule cette nature a su me refaire voir les humains à nouveau mais à un stade démultilplié, pour retrouver ma joie de vivre.
Aussi, elle est devenue aussi bien, en anecdotes qu'en quoique ce soit, ce qui m'a permis de me sentir heureux de vivre, de regarder, de juger, de comparer ma vie aux autres, là dessous, plus bas, dans les usines, les bureaux. Ces grandes et moyennes villes me paraîssent inhumaines.
La nature, elle donne tout, l'eau à boire, quand une soif vous tient au détour d'un chemin, des odeurs de fleurs, des lumières à ne plus compter.
J'ai quitté plusieurs fois des emplois pour elle, puis suis demeuré célibataire sans le vouloir pour autant, pour elle aussi !
Aussi, quand j'entends le mot anecdote à propos de ma passion, il est en même temps celui de porte de sortie de secours, de vraie vie que seule cette nature a su m'apporter. C'est en ce sens que je partage ce que je ressens et le garde aussi comme un héritage divin indestructible.
Vous voyagez exclusivement en solitaire. N’est-ce pas souvent difficile ? Pour les mêmes raisons que ci-dessus, ne me sentant pas en mesure d'accepter le monde tel qu'il est fait par les hommes, il me paraît évident de trouver en cette nature les ingrédients pour m'y permettre de me sentir vivre, exister au même titre que celui qui va visser des milliers de fois une vis. Et donc de prendre à chaque fois, après m'être senti exploité par l'homme, le chemin des cimes, le chemin de la liberté.
Bien sûr, quelques aides en matériel de montagne, en diététique m'y ont aidé et le RMI, aussi, plusieurs années. Mais, au moins, je me sentais avoir l'appétit et le sommeil donc les bases de la santé en bon état. Ce qui était, à mes yeux, le minimum pour moi.
Ma devise, c'est nature, et renature, à la sauce naturelle pour marcher, ouvrir les yeux, respirer à pleins poumons l'air pur des montagnes, oublier le monde d'en bas, rêver pour ne pas sombrer dans la lassitude.
Pourquoi ce choix de voyager seul ? Seul ! Oui car l'aimantation de la gratuite nature du créateur, si belle, m'attire sans me poser de questions. Puis-je être capable de partager cette aimantation sans compter ? Tel est mon vœu intérieur.