Haut-Karabagh ou l'état fantôme

Si vous vous apprêtez à le chercher sur la map, vous vous sentirez probablement confus. Le Haut-Karabagh y est bien référencé mais son nom n’apparaît nulle part. Un pays dit-on fantôme, à la fois là et pas là. Petit clin d’œil au chat mort et vivant de Schrödinger. Après tout, qu’est-ce qu’empêcherait tout un territoire d’adopter le même comportement étrange d’une particule quantique ? Imaginez-vous raconter votre incroyable périple dans le Haut-Karabagh à vos proches… Après les avoir intrigués suffisamment pour qu’ils cherchent sur la map, vous passerez carrément pour un cinglé qui voyage dans sa tête... Pensez donc à leur montrer cet article !

Haut-Karabagh : c’est quoi, c’est où ?

Accessible uniquement par l’Arménie, le pays est précisément situé sur la frange nord-orientale du haut-plateau arménien en s’étalant sur quelque 11 500 km2, et touche le Sud-Est de la chaîne montagneuse du Petit Caucase. Son statut flou est dû à sa situation géopolitique parsemée de conflits entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis 1994. Résultat : il n’est pas reconnu par l’ONU, ce qui fait de lui un état dont on n’entend presque jamais parler.

Haut-Karabagh : c’est quoi, c’est où ?

Brève histoire mais intense : tout commence suite à l’éclatement de l’URSS en 1991 qui provoque l’indépendance de plusieurs états dont l’Azerbaïdjan et l’Arménie. En brave petit garçon, le Haut-Karabagh se rebelle en déclarant son indépendance de l’Azerbaïdjan qui lui n’est pas d’accord, et cherche alors à rétablir son pouvoir sur ce qui lui appartient. Les autorités de Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, y envoient alors leurs troupes pour former une sorte de blocus. Et comme le Haut-Karabagh est constitué à 95% d’Arméniens, ce qui explique son rattachement à l’Arménie bien qu’établi sur le sol de l’ennemi, il se défend avec l’aide de celle-ci pour repousser les Azerbaïdjanais. Ce qui évidemment donne lieu à de nombreux affrontements, pour le moins intenses.

Mais alors, peut-on y aller ? ?

Mais alors, peut-on y aller ?

En dépit de toutes ces complications, le Haut-Karabagh est parfaitement ouvert et sécurisé aux voyageurs à la fibre aventurière et mordus de découvertes. Tous citoyens d’Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizistan, Moldavie, Russie, Ukraine, Tadjikistan et Ouzbékistan peuvent y circuler sans visa. Pour nous autres, il suffit d’en obtenir un (assez facilement) à la Mission permanente du Haut-Karabagh en Arménie. Bon plan si on envisage déjà un circuit dans les environs ! Toutefois, il peut arriver (dans certains cas) que le visa d’entrée soit accordé sur place, au Ministère des Affaires étrangères à Stepanakert, capitale du Haut-Karabagh. Notez que seuls les visa touristique à une seule entrée de 21 jours et à entrées unique ou multiple pour un, deux voire trois mois peuvent être accordés.

Mais en fait, pourquoi visiter le Haut Karabagh ?

Au-delà du fait que vous intriguerez tout le monde par vos récits sur un pays qui n’existe pas sur la carte, le Haut Karabagh vaut carrément la détour ! En arrivant d’Arménie, vous vous sentirez peu à peu quitter le pays des pierres pour rentrer dans le « Jardin noir » (littéralement Karabagh en persan). Si jusque-là vous aviez l’habitude d’entendre les habitants parler arménien, attendez-vous à un tout autre dialecte mêlant à la fois russe, azéri et persan. Une véritable symphonie dont on ne se lasse pas.

Premiers pas dans le pays : Chouchi

Premiers pas dans le pays : Chouchi

Chouchi est la première grande ville qu’il vous sera donné de découvrir. Ici, les traces de la guerre sont légion : immeubles fantômes, routes délabrées, champs déserts, vestiges de bâtiments,… On se croirait presque en plein plateau de tournage. Votre surprise sera d’autant plus grande lorsque vous apercevrez les tanks en morceaux abandonnés au bord de la route. Le premier qui y a fait son entrée se présente aujourd’hui comme un monument qui commémore la libération de la ville par l’armée arménienne : un vrai spectacle qui s’offre généreusement à vos objectifs photo. La Cathédrale Ghazanchetsots, éblouissante par sa couleur crayeuse loin de ce dont on a l’habitude, vous surprendra par son passé 007, puisqu’ayant servi d’entrepôt d’armes aux Azéris. Autre monument d’exception : Kanatch Jam ou l’Eglise verte, visible depuis tout point de la ville, est faite entièrement de pierres et de mortier. Et puis Djdrduz, ce haut lieu à la fois vertigineux et imprenable, a autrefois servi aux soldats arméniens d’angle de tir contre les Azéris.

Stepanakert, la capitale

Stepanakert, la capitale

Remise sur pieds en quelques années, la capitale du Haut-Karabagh est l’incarnation même de l’esprit Karabaghian : solide et déterminé. Sa place mythique Veratznound (littéralement Renaissance) rassemble Parlement, Palais Présidentiel et Ministère de la Jeunesse, de la Culture et des Sports. Vous y apprécierez particulièrement le Musée d’Etat du Haut-Karabagh qui expose, dans un désordre artistique, manuscrits, tapisseries, photographies, poteries, trésors archéologiques contant l’histoire du pays. Tatik yev Papik (littéralement Grand-mère et Grand-père) est sans doute la sculpture monumentale la plus représentative du pays. Avec son slogan Nous sommes nos montagnes, elle symbolise l’union des habitants avec leurs montagnes ; une façon de transmettre la force de l’enracinement du peuple dans sa terre. Autre monument époustouflant : le cimetière militaire ou monument de l’immortalité commémore les 22 milliers de soldats Karabagh morts durant la deuxième guerre mondiale. Le portrait de chaque défunt est soigneusement gravé sur sa tombe.

Le plein de monastères

Le plein de monastères

Le Haut-Karabagh est particulièrement connu pour ses vieux monastères, de véritables joyaux qui témoignent d’un passé riche en événements. Parmi eux, citons Amaras, dans la région de Martouni, le plus ancien monastère de la région et grand vestige intellectuel, ayant connu de nombreuses destructions et reconstructions. Près du village de Vank dont le mur atypique est fait de plaques d’immatriculation azéries, Gandzassar est un autre monastère abritant une église et son jamatoun plantés au sein d’une grande esplanade ; le tout, entouré de remparts. Et puis, ne sautez, sous aucun prétexte, la visite de Dadivank, véritable écrin de nature qui recèle bâtiments palatins, ancillaires et édifices religieux.