L'Or du Diable

Interview de Régis Belleville

Dans son livre "l’Or du Diable", Régis Belleville poursuit sa route vers le Mali, pays des orpailleurs traditionnels animistes, s’installe, petit à petit, dans la région et découvre les différents acteurs du commerce de l’or, et la richesse de la culture qui s’y rapporte.

(Avril 2008)

Entretien avec Régis BellevilleRégis Belleville, né le 5 décembre 1966, découvre le Sahara dès l’âge de huit ans, tandis que son père est coopérant dans l’enseignement supérieur en Algérie. Lauréat de la bourse "Camel Aventure" en 1994, il part vivre durant trois mois avec les orpailleurs animistes du Mali. Aventurier confirmé, spécialiste de survie dans le Sahara et membre de la Société des Explorateurs Français, il œuvre aussi pour la communauté scientifique.

Un continent par vie, cela est bien suffisant à notre passage sur terre.

          Théodore Monod En 1998, vous êtes parti vivre trois mois avec les orpailleurs animistes du Mali. Pourquoi avoir attendu dix ans pour publier votre livre "l’Or du Diable", qui retrace cette aventure ? Depuis 1998, ma première grande méharée dans le Sahara (800 km), je me suis spécialisé dans le métier de chamelier et dans la survie en solitaire et je me suis ainsi beaucoup plus orienté sur des publications et des documentaires liés à mes aventures dans le désert. Dès que l’occasion s’est présentée auprès d’une édition, Je voulais, témoigner à travers ce livre sur l’orpaillage traditionnel d’une réalité, d’une culture, d’un animisme lié à l’oralité africaine avant que notre mondialisation fasse disparaître à jamais ces croyances ancestrales dans l’oubli d’un conformisme uniformisé malheureusement inévitable (surtout pour ces pays en voie de développement qui n’ont souvent pas le choix).

"L’Or du Diable". Pourquoi avez-vous choisi de donner ce titre à votre livre ? « L’or » parce que c’est sur ce territoire (le Bambuk) que l’on a extrait le métal précieux qui fit la richesse des grands empires d’Afrique de l’Ouest au tout début du 11e siècle de notre ère. « Le diable » correspond ici à une entité supérieure animiste associée au serpent totem : le Ouagadou-bida, force suprême dans le panthéon des animaux-sorciers de l’Empire du Ghana (le premier des trois grands empires de cette partie de l’Afrique).

Vous avez rencontré des membres des castes traditionnelles maliennes, des « griots », des « chasseurs » et des « forgerons ». Comment s’est passée cette rencontre ? Dans ce monde animiste ou chaque être vivant, chaque chose possède une âme et par conséquent une force symbiotique avec la nature, il a fallu que je prouve à chaque instant ma volonté, mon courage dans le partage du quotidien de ces hommes. Cette démarche me donnait un certain respect ou une certaine valeur et j’obtenais ainsi un regard et un dialogue ou un échange plus profond pour ma collecte d’informations et ma compréhension de cet univers magico-religieux.

Vous voyagez souvent dans des conditions extrêmes. Par exemple, dans « L’Or du Diable », vous avez effectué en un mois 800 kilomètres à pied dans le nord-ouest de la Mauritanie. Puis en 2005-2006 vous tentez seul avec vos dromadaires, la traversée ouest-est du Sahara qui faillit vous coûter la vie après 4000 km et 5 mois de marche. En 2007, vous avez réalisé une expédition de survie sur la déshydratation qui a duré plus d’un mois, où vous étiez seul au milieu des cordons de dunes de l’Ouarane, toujours en Mauritanie. D’où vous vient ce goût pour l’extrême ? C’est une démarche qui au départ (péché de jeunesse) était liée à un besoin personnel de confrontation physique extrême en situation de survie, de dépassement de soi, ou d’une quête d’adrénaline, d’absolu…. Et qui s’est transformée, à mon grand bonheur (et sans doute avec la sagesse de l’âge !) en axe de recherches scientifiques dans des domaines divers, physiologie et psychologie humaine, collecte de microorganismes extrêmophiles, géologie spécifique, adaptation de biotopes aux régions hyperarides du Sahara,….

Vous êtes un amoureux du désert, des milieux arides. Vous avez réalisé toutes vos expéditions en Afrique et au Moyen-Orient. N’avez-vous pas eu envie de découvrir d’autres continents ? J’ai encore énormément de choses à faire sur ce continent et ce terrain désertique où je me suis spécialisé. Un éparpillement sur d’autres terrains pour ma part ne correspondrait qu’à un survol ou je ne ferais plus que de l’aventure pour l’aventure ou du sport extrême, sans plus me soucier de ce qui représente l’essentiel de ma démarche et de mon implication dans le Sahara, soit la collecte de données scientifiques. Théodore Monod prônait avec humour « un continent par vie, cela est bien suffisant à notre passage sur terre ».

Enfin, quels sont vos projets de voyage et de découverte ? Avez-vous un livre en préparation ? Je continue régulièrement mes entraînements in situ en conditions réelles. Le métier de chamelier est en réalité un éternel apprentissage et la survie une perpétuelle exploration physiologique et psychologique. Je compte recommencer ma traversée ouest-est du Sahara sur le 20e parallèle dans quelques temps, en espérant cette fois y parvenir et ne pas y perdre la vie ou la raison. Plus tard, je souhaiterais mettre en place dans certains pays des unités de type « groupements nomades » civils et non militaires à vocation humanitaire (médicale, véterinaire, logistique des points d'eau) pour les populations nomades les plus reculées du Sahara de façon à lutter contre la problématique des réfugiés climatiques qui s'avère inévitable dans les années à venir, augmentée sans doute par les conflits actuels.

Pour en savoir plus : consultez son sitewww.regisbelleville.comCommandez le livre "L'Or du Diabe"

L'Or du DiableSynopsis :
Décembre 1997, nord-ouest de la Mauritanie. Première étape d'un périple qui doit le mener au Mali, pays des orpailleurs traditionnels animistes : Régis Belleville fait la connaissance de Taha, un chamelier avec qui il décide de partir en méharée dans le désert. 800 kilomètres à pied dans des conditions extrêmes, au fil desquels Taha et son fils initient l'auteur aux techniques de chamelier. Régis poursuit sa route. Petit à petit, il découvre les différents acteurs du commerce de l'or, et la richesse de la culture ancestrale qui s'y rapporte. Il se lie avec Pedro, trafiquant d'or de Kéniéba, qui lui confie la charge d'une équipe de mineurs...

"L'Or du Diable" de Régis Belleville, éditions Presses de la Renaissance, 2008, 235 pages. Découvrez les autres livres du même auteur :   100 ans d'exploration100 ans d'exploration
Société des Explorateurs Français... Un nom qui fait rêver ! Il sonne comme la découverte du monde, il invite les esprits avides de recherches et de grands espaces à vagabonder. Depuis sa création en 1937 par une poignée de jeunes aventuriers encore peu connus comme Victor, Monod et Maillart, les membres de la Société des Explorateurs ne cessent de parcourir les déserts, les forêts, les mers, les montagnes et les étendues polaires en quête d’une meilleure connaissance du monde, de ses peuples et d’eux-mêmes. Au-delà des sables Au-delà des sables
En 2002, Régis Belleville accomplit, en 49 jours, la plus longue méharée en totale autonomie dans l'histoire du Sahara, sans aucun point d'eau. Cette méharée de 1 131 kilomètres mène Régis Belleville et son ami mauritanien, Taha Ould Bouessif, de Chinguetti à Tombouctou, au centre d'une zone hyperaride de 500 000 km², dans la Majâbat al-Koubrâ, " l'étendue de la grande solitude ". La traversée se fait dans des conditions très difficiles - les réserves d'eau sont limitées et, rapidement, les deux hommes vont souffrir de déshydratation...

"Au-delà des sables" de Régis Belleville, éditions Flammarion, 2004, 228 pages. Paris Kaboul Paris Kaboul
Partir vers cet Orient-là. Ce fut le défi de l'expédition Paris-Kaboul qui relia par la route ces deux capitales. Il s'agissait de franchir des cois incertains, de traverser des vallées hostiles et de croiser le regard des seigneurs de la guerre. Mais il s'agissait aussi de rassembler les désirs de voyage et de rencontre pour que tous les membres de l'expédition se retrouvent au service d'une cause commune, que beaucoup jugeaient alors forcément perdue.

"Paris Kaboul" de Régis Belleville, éditions Hoëbeke, 2004, 120 pages.