Voyager à vélo, le Guide 2008

Interview de Paule et Arthur David

Paule et Arthur David publient un guide pratique du Cyclo-camping, « Voyager à vélo, le guide 2008 ».

(Mai 2008)

Entretien avec Paule et Arthur DavidLes auteurs mettent à disposition des voyageurs leurs 17 années d’expérience du voyage à vélo. Dans ce guide, ils vous donnent des conseils sur comment utiliser un matériel d’une extrême simplicité ayant fait ses preuves sur des itinéraires aussi longs et accidentés que possible, comment être solidaire et discret, et enfin, comment voyager lentement sur une bicyclette qui n’est rien d’autre qu’un mode de locomotion dont il faut prendre soin.

[...]Chez nos hôtes au Pakistan, ce révolver que le patriarche déposait à mon chevet au cas où la maison serait attaquée par les bandits. D’où vous vient cette passion pour le vélo, que vous partagez tous les deux depuis 17 ans ? Lorsque nous avons décidé de rompre avec une vie trop formatée et de flâner le monde, nous avons cherché un moyen de locomotion nous permettant d’être en contact tant avec la nature qu’avec les gens, nous accordant une grande autonomie, étant facile à réparer. Le vélo était ce mode de transport idéal. Le vélo est accessible à tous, silencieux, facile à réparer, facile à embarquer, permet de transporter de quoi assurer un minimum de confort, d'autonomie, et, surtout, est vecteur de communication. Quelle n'est pas, peu importe la latitude, la surprise des villageois quand passe un voyageur monté sur une bicyclette cernée de sacoches ? Que dire de l'étonnement du paysan javanais découvrant dans le sillage d'un vélo d'innocente apparence une troisième roue où est « à califourchonné » un gamin hilare puis, venant derrière cet étrange équipage, de voir arriver une autre bicyclette à laquelle est attachée une remorque contenant le solde de la progéniture d'une famille en voyage ? Enfin, le vélo est le moyen le plus sûr de ralentir le temps, voire de le « remonter ».

Le voyage à vélo fonctionne, nous semble-t-il, sur un modèle de lenteur initiant à la sagesse.

Dans votre guide, vous parlez de la philosophie du voyage à vélo. Quelle est-elle ? Etes-vous des philosophes du voyage à vélo ? Nous pouvons résumer cette philosophie par une courte maxime, le bonheur est à vélo.Voyager à vélo Le Guide 2008 Tout d’abord nous ne sommes pas en quête d'exploit. Nous ne sommes donc pas « cyclopathes » mais « vélomanes », nous sommes curieux et cultivons un art de vivre. Disciples d'Aristippe et d'Épicure, nous aimons la liberté, flâner où les vents de nos envies nous poussent. Épris de dame Nature, nous sommes un peu comme le poète qui, empruntant les chemins de traverse, prend le temps d'une halte pour s'émerveiller devant les fleurs d'un talus, pour ne pas effrayer un chevreuil buvant à une source, pour écouter entre les dunes mouvantes chanter Éole. Nos bicyclettes sont l’amical clin d'œil destiné à celles et ceux qui, comme nous, courent les chemins, les pistes, les routes. Alors, le contact noué, tous les bonheurs de la rencontre nous sont permis. Lors de ces rencontres, nous allons vers l'Autre puis, de l'Autre en nous.

Vous dites que ce « guide est à lire comme un récit de voyage et une initiation aux bonheurs ».
Donnez-vous des exemples tirés de vos expériences personnelles ? Si oui, pouvez-vous nous raconter quelques anecdotes, amusantes ou moins amusantes ? Nous avons en effet voulu que le lecteur, une fois ce guide ouvert, n’ai plus envie d’en abandonner la lecture jusqu’à la fin. Alors nous avons tenté de faire monter la curiosité au fil des pages pour mener le lecteur dans une sorte de voyage à vélo initiatique.

Nos bonheurs ? Ils sont tellement nombreux ! Si, nous nous souviendrons toujours, sur notre Route de la Soie, d’un petit homme en bleu de travail dans la campagne syrienne du côté d’Apamée. Un terrible orage lâchait sur nous toute l’eau des cieux. Malgré nos vêtements nous étions trempés. Le petit homme en bleu nous a fait signe d’entrer « chez lui ». « Chez lui », c’était – c’est sans doute encore – une pièce de six mètres par six au milieu de laquelle trônait un poêle à pétrole qu’il allumait pour nous, afin de nous sécher. Nous gageons que jamais ce poêle avait ronflé aussi fort avant notre venue. Bien sûr nous avons partagé le thé… À l’époque notre arabe était quai inexistant, nous nos exprimions avec les mains et à l’aide de croquis. Surtout il y avait le regard de ce petit homme. On y lisait un grand bonheur d’avoir, chez lui, des étrangers. Bientôt ses quatre fils – « inch Allâh je n’ai pas eu de fille dit-il » – l’ont rejoint, ils partageaient ce bonheur et s’essayaient à l’anglais appris à l’école.

Moins drôle quoique cela se passait chez nos hôtes de quelques jours au Pakistan, ce révolver que le patriarche déposait à mon chevet au cas où la maison serait attaquée par les bandits…

Terriblement magnifique, les paysages du Ladakh quand s’est ouverte aux étrangers la route Manali Leh. Des paysages tellement beaux que l’émotion était si intense que nous pleurions…

Impressionnante l’hospitalité des libyens ! Ceux-là avaient insisté pour nous abriter, le temps d’une averse d’orage, dans leur somptueuse BMW aux sièges de cuir blanc. Nos vêtements ruisselaient dessus. Ils n’en avaient cure, leur devoir imposait qu’ils nous abritent. Quand la pluie s’est arrêtée ils nous ont dit que nous pouvions repartir…

En Iran notre équipage modeste incitait les automobilistes à s’arrêter afin de nous donner de l’argent… En Iran, toujours nous étions invités à suivre la fête de l’Ashûra, fête très religieuse dont tous les guides disent à leurs lecteurs qu’il vaut mieux passer son chemin. Une des plus belles journées de nos vies au terme de laquelle nous avons compris que l’hospitalité est la forme aboutie de la tolérance populaire. On vous le dit, le bonheur est vraiment à vélo…

Que peut-on trouver dans votre guide ? Est-il accessible à tout le monde, aux experts comme aux débutants ? Il fallait bien sûr que ce guide fût accessible à tout le monde, au solitaire, au couple, à la famille, au groupe. On y trouve tout ce qu’il convient de savoir pour partir trois jours ou… toujours. En effet, ce qui est idéal pour un voyage au long cours l’est forcément pour un voyage plus « modeste ». Aux cyclistes chevronnés certains chapitres de ce guide paraîtront évidents, mais nous voulons que le profane, à son tour, puisse partir à vélo alors…

Pour en savoir plus : consultez son site www.artisans-voyageurs.comLes autres livres de Paule et Arthur David :

Rêvances Rêvances
Dans un style très original alliant poésie, humour et observations fines, Paule et Arthur racontent leur premier voyage au long cours : trois années de France en Australie. Ils ont 35 ans quand ils décident de changer de vie. Ils vendent le peu qu'ils possèdent et s'en vont. En Grèce ils sont poursuivis par des bandes de chiens cyclophages. En Turquie, faute de signalisation, ils échouent sur une autoroute très surveillée. Dans le désert du Sinaï le monde minéral les envoûte. En Egypte ils sont confrontés à un monstre qui hante le ministère de l'intérieur... Un livre qui, sur la route du Rêve de Paule et Arthur, mène le lecteur à la rencontre des peuples et des cultures, un livre pour rire et partir à son tour.

"Rêvances" de Paule et Arthur David, éditions Artisans-Voyageurs, 2005.