La Marche du Prince

Interview de Lilian Vezin

2500 ans après la naissance du Bouddha, Lilian Vezin s'engage sur le chemin des légendes bouddhistes. Un parcours initiatique de 4500 kilomètres à travers le Sri Lanka, l'Inde et la province himalayenne du Sikkim.

(Septembre 2008)

La Marche du PrinceFondateur de l’association humanitaire « Surya », et de l’association « Vent du Large », il est aussi écrivain et conférencier. Il a réalisé un film diaporama intitulé « La marche du prince » en 2006,  qui fut sélectionné dans plusieurs festivals de voyages et d’aventures. Cette même année, il en fera un livre.

  Depuis des millénaires, les indiens sont exposés à l’adversité, ce qui leur donne une force à se battre et une incroyable volonté de survivre.. Qu’est-ce que la Marche du Prince ? La marche du prince est un chemin de pèlerinage de 7 mois et 4500 kilomètres à pied et en vélo à travers le sous-continent indien dans les pas des zélateurs bouddhistes. Après la mort du Bouddha il y a 2500 ans, des hommes partirent du Nord de l’Inde en direction des quatre coins cardinaux afin de profaner la philosophie de leur maître. La même route fut empruntée quelques années plus tard par des porteurs de reliques, une princesse qui cacha la dent du Bouddha dans sa chevelure jusqu’au cœur du Sri Lanka. (La dent à l’heure actuelle est sujette à des conflits et des controverses, elle est jalousement gardée au cœur d’un temple dans l’ancienne capitale Kandy).

Quelles ont été vos motivations précises pour effectuer cette longue marche ? Avant toute chose, ce voyage était un prétexte formidable pour suivre une ligne longitudinale et traverser une multitude de paysages – les plantations de thé et les jardins d’épices au Sri Lanka, les salines désertiques, les rizières à perte de vue et la jungle tropicale en Inde, les reliefs vertigineux du Sikkim… Nous savions que les rencontres et les échangent avec les Indiens nous changeraient à jamais. Pénétrer plusieurs mois au milieu de cette société et de ses 300 millions de dieux était une véritable aubaine. L’enquête historique nous a tenu en haleine tout au long de notre route et des indices architecturaux et reliquaires que nous avons découvert - jusqu’au dernier jour ou nous nous sommes rendus à Bodh-gayâ, sous l’arbre où le Bouddha à découvert l’éveil.

Au cours de votre voyage, vous vous êtes arrêtés dans des endroits qui ont été ravagés par le tsunami de 2004. Pouvez-vous nous décrire ce que vous avez-vu, et ce qu’il en est de l’économie locale et du tourisme dans ces régions ? Nous avons été surpris par l’étendue de la catastrophe. Dans le Sud, les dégâts étaient inimaginables. La ville de Galle avait été rasée, les bâtiments brisés comme de vulgaires châteaux de sable. Des tentes humanitaires étaient alignées sur des centaines de kilomètres. Nous avons travaillé quelques jours à la reconstruction d’une maison détruite. Sur place, tout était très confus, il régnait un manque d’organisation au sein des petites associations humanitaire. Une chose était certaine, sans leurs filets, les pêcheurs ne pouvaient plus se nourrir. Des aides financières ont permis de reconstruire beaucoup plus de bateaux de pêche qu’il n’en fallait réellement. Il en a découlé une pêche trop abondante et une chute du cours du poisson sur les criées, entraînant une irrémédiable baisse des revenus. Rien n’a pu réellement être contrôlé, ni la force de la catastrophe, ni l’énorme afflue d’argent distribué. Heureusement, les asiatiques ont cette grande qualité de toujours garder espoir, un mauvais jour sera toujours suivi d’un meilleur. Depuis des millénaires, les indiens sont exposés à l’adversité, ce qui leur donne une force à se battre et une incroyable volonté de survivre. Nous gardons en mémoire cette formidable leçon de vie, cette vénération permanente à ce qui vit et ce fatalisme souriant. Depuis nous avons créé l’association Surya et travaillons sur plusieurs micros projets dans les pays que nous traversons, notamment un orphelinat d’enfants handicapés au Sri Lanka.

Vous avez passé le nouvel an 2005 en Inde. Dans votre livre, vous dîtes : « Nos amis et nos familles s’embrassent sous une pluie de cotillons et de serpentins…le champagne coule à flot et les transmissions satellites des téléphones portables saturent. » Et pendant ce temps, « la nature nous »offre des paysages à couper le souffle…» Dans cette partie de votre livre, c’est comme s’il existait deux mondes : un monde de technologies et de surabondance et un autre monde plus simple, moins superficiel, et où la nature est reine. Comment avez-vous vécu ce contraste ?

Nous voyageons régulièrement et considérons la France comme une terre de transit qui nous permet de gagner notre vie, retrouver notre famille et une poignée d’amis. La France est un pays merveilleux aux régions magnifiques et à la richesse culturelle intéressante. Malgré tout cela, chaque retour nous sépare un peu plus d’une société qui évolue bien plus rapidement que nous ! Nous sommes très heureux de revenir et autant de repartir… On se sent bien ici parce que nous avons perpétuellement en tête un projet à l’autre bout du monde. Il existe évidemment deux univers bien distincts et décalés entre ici et là-bas. Nous vacillons en perpétuel équilibre entre les deux. Une chose est sûre, on ne se sent pas du tout appartenir au monde de la technologie et de la surabondance. En vérité, nous sommes bien plus heureux sur les pentes des massifs Pyrénéens ou sur un voilier en Bretagne que dans une galerie marchande au mois de décembre !

Vous êtes entrés dans des monastères tibétains. Que pouvez-vous nous en dire ? Il règne au cœur des monastères une sensation de paix et de sérénité. Le cadre extérieur est généralement propice au calme, la perception de la vie devient très différente par rapport à n’importe quel autre endroit. Vous sentez les énergies vitales vous tourner autour. L’altitude, les effluves d’encens et l’odeur du bois vous enivrent. Au Sikkim, les monastères sont nombreux et de proportions moyennes tout en étant particulièrement fréquentés.
Les offices religieux proprement dits sont extrêmement réduits : les jeunes lamas allument des centaines de lampes, brûlent de l’encens, servent régulièrement des litres de thé au beurre salé.
La vie communautaire se déroule essentiellement dans la salle de l’assemblée, au cours d’une réunion matinale. C’est une vaste salle ornée de fresques et de statues, les moines y méditent et psalmodies les textes sacrés au son des trompettes, des cloches et des tambourins. Le reste de la journée, les lamas bricolent et se cultivent.
On ne ressort pas indifférents d’un séjour dans un Gompa. C’est l’endroit idéal pour se retrouver face à soi-même, prendre un peu son temps et ralentir la marche.

Dans votre long voyage, vous avez goûté à de nouvelles saveurs, de nombreux parfums. Quels sont les délices de la cuisine indienne et sri lankaise que vous avez découverts ? La différence entre un restaurant Indien en France et le quotidien alimentaire des indiens est extrême ! Dans le Sud de l’Inde, nous avons subi deux mois de mousson, ce qui signifie pas de fruits et très peu de légumes. Les indiens sont majoritairement végétariens, ils ne consomment pas de viande, très peu de poisson et d’œufs. Une majeure partie du temps nous nous sommes nourris de riz blanc, de piments et de dal (lentilles jaunes). Nous reprenions des forces en traversant des villes comme Pondichéry où l’on trouve encore de la baguette fraîche. Au cours de ce voyage, nous avons eu constamment des menus tracas intestinaux, des infections et des dysenteries. Nous gardons très peu de bons souvenirs de la cuisine Indienne…
Nous sommes sûrs que le fait de marcher pendant des heures purifie le corps et l’esprit, cela nous a aidé à boucler ce parcours sur lequel nous avons perdu plus de 12 kilos chacun.
Il nous reste en mémoire olfactive et gustative le goût du thé au lait sucré et épicé, les échoppes de petits gâteaux confectionnés par les tamouls à Kandy, les « rice and curry » du Sri Lanka, les crevettes aux lait de coco gingembre préparés par une famille musulmane du Tamil Nadou, le ragout de civette du Père Kumar à Pondichéry, le riz à volonté en Andhra Pradesh, les naans et la sauce massala aux épinards de l’Orissa, les momos au choux du Sikkim….

Enfin, avez-vous d’autres projets de voyage ? Nous sommes repartis en septembre 2007 de la région des sources du Mékong, dans la province du Kham au cœur du Tibet Orientale. A pied et en vélo, nous avons suivi au plus près l’axe du fleuve sur près de 5000 kilomètres jusqu’au delta au Sud du Vietnam.
Nous souhaitions étudier et rencontrer la diversité ethnique qui vit dans le bassin du fleuve tout en mesurant pas à pas et en solitude l’immensité d’un grand fleuve. Nous avons réalisé un film et un livre est en cours d’écriture. Nous repartons bientôt, toujours vers l’Est…

Découvrez le livre "La Marche du Prince" :

La Marche du Prince La Marche du Prince. 4500km à Pied et à Vélo à Travers le Sri Lanka, l'Inde et le Sikkim
2500 ans après la naissance du Bouddha, Lilian et Lucylle s'engagent sur le chemin des légendes bouddhistes. Un parcours initiatique de 4500 kilomètres à travers le Sri Lanka, l'Inde et la province himalayenne du Sikkim.
Une exploration riche en aventures et en rencontres émouvantes, la route de Lilian et lucylle va croiser les rescapés du tsunami et de la guerre civile du Sri Lanka. Bien loin des clichés occidentaux, « La marche du prince » est un récit original du monde rural et spirituel indien, un panaché de panoramas et une série de péripéties. Découvrez les autres livres de Lilian Vezin :Retour aux sources Retour aux Sources
Parcours à pied le long de la Sèvre Niortaise.