Histoire du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle

Une destination sacrée

De la découverte de Saint-Jacques à l’émulation des chrétiens : l'histoire du pèlerinage

Mais au fait, qui est St-Jacques et pourquoi se rend-on aussi massivement dans la ville qui porte son nom ?
  Cloître du collège de Fonseca
Cloître du collège de fonseca à St-Jacques St-Jacques est avant tout un Apôtre ayant sensibilisé et converti le Nord-Ouest de l’Espagne aux principes chrétiens. En l’an 44, Hérode Agrippe le décapite. Des anges et des disciples se chargent alors d’escorter le bateau naviguant le long des côtes portugaises afin de rapatrier ce qu’il reste de la dépouille du mort et de l’amener jusqu’au port romain d’Iria, dans la province de Gallaecia. Le corps est alors enterré sur le mont Liberum Donum avant d’être oublié pendant quelque temps. Huit cent années pour être plus précis.

Après huit cent années de quiétude, au début du IXe siècle, le corps de St-Jacques sort en effet de sa léthargie. Un ermite répondant au nom de Pelayo est mystérieusement guidé par une étoile vers le Campus Stellae (c’est de là que viendrait selon les dires le nom de Compostelle), « le champ de l’étoile ». Il découvre alors le lieu où repose St-Jacques et ses deux compagnons eux aussi martyrisés : Athanase et Théodore. Incapable de garder sa langue, il s’empresse de divulguer sa découverte et d’en aviser l’évêque d’Iria, Teodomiro. Les rois, interessés débarque sur le lieu potentiellement sacré et érige des édifices à la hauteur des rumeurs. Ainsi, Alphonse II le Chastre construit une première église au sommet de la modeste colline peu avant la fin du IXe siècle, avant que son successeur Alphonse III commande la construction d’un plus grand mausolée. Les fondements de la future grande cathédrale de St-Jacques sont posés et soutiendront des murs aux visages changeant et accumulant les styles des époques qui les façonneront.

La nouvelle de la présence d’un corps saint en plein cœur de la Galice ameute rapidement les foules et contraint le site à prendre de l’ampleur. Les veinules terreuses qui y parviennent se muent en boyaux convoyant des cohortes toujours plus nombreuses de pèlerins. Des monastères, des églises, des hôpitaux, des refuges, des ponts et des chaussées sont construits le long des routes pour agrémenter leurs trajets. Au XIIe et XIIIe siècle, on parle de foules allant jusqu’à 250 000 têtes dont la majorité est dopée par une foi fidèle et sincère. Des villes se forment et la région est véritablement repeuplée après la Reconquista qui l’avait démographiquement appauvrie.
  Portique de la gloire de St-Jacques
Détail du portique de la Gloire, St-Jacques Au XVIe siècle, le succès et la grandeur de Saint-Jacques de Compostelle s’étiolent. Les pèlerinages perdent leurs attraits sous les attaques de la Réforme et du Protestantisme. Les saints ne sont plus au goût du jour et l’Europe s’emporte contre les signes extérieurs de religion. Les guerres et la peste enrayent eux aussi le phénomène qui ne reprendra de la vigueur qu’à partir de 1950.

C’est dans la seconde moitié du XXe siècle que l’engouement revient et remet en route vers Compostelle des centaines de milliers de pèlerins que l’on nommera jacquets. Le Guide du pèlerin d’Aimery Picaud est ressorti de la bibliothèque, les chemins historiques sont redécouverts et la végétation qui avait profité du déclin du pèlerinage est chassée des routes.
Les marcheurs n’ont plus comme dans le temps le look et l’attirail spécial du croyant se rendant à St-Jacques (bâton ou houlette avec une gourde pour boire, chapeau et surtout coquille, naturelle ou en métal, enchaînée autour du cou ou arrimée à l’équipement). Les codes vestimentaires se sont diversifiés, allant du jogging et du marcel au pantacourt tendance et mocassins. Mais tous marchent ensemble et en masse à l’assaut de la 3e ville sainte d’occident. Le phénomène est ressuscité !
La venue du Pape Jean-Paul II en 1982 n’y est sans doute pas pour rien et les années saintes suscitent également un afflux plus important de voyageurs (l’année est dite sainte à chaque fois que la fête de Saint-Jacques, le 25 juillet, tombe un dimanche, ce qui fait que 2010 est une année sainte). 1993 par exemple attira plus de 100 000 pèlerins, chiffre qui s’éleva à 150 000 en 1999 et qui n’eut pas de mal à atteindre les 180 000 en 2004. Les chiffres désormais n’attendent plus les années jubilaires (années saintes où les indulgences sont accrues et où le pèlerinage est plus bénéfique) pour s’accroître et sont sans cesse en augmentation. 2010 risque de pulvériser le record !

  Sophie Graffin
Publié le 26/05/2010

Crédits photos : © Turismo de Santiago