4 jours de pulka sur les hauts-plateaux du Vercors

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François75

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1 Mars 2011
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Paris
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JOURNAL DE BORD DE MA DÉCOUVERTE DES HAUTS-PLATEAUX DU VERCORS

Avant-propos

Dans le cadre de la préparation de mon raid nordique en Laponie en avril prochain, j'ai décidé de me rendre fin février sur les Hauts-Plateaux du Vercors pour découvrir cette région qui a gardé sa nature sauvage.

C'est un endroit idéal pour pratiquer un raid nordique. J'ai décidé de la parcourir dans les mêmes conditions qu'en Laponie, c'est à dire seul, en autonomie, en bivouac hivernal, en pulka et en ski de rando nordique et raquettes.

Durée : 4 jours
Nbre total de km : 46,3 km
Dénivelée positif total : + 1210 m
Dénivelée négatif total : - 1210 m (retour au point de départ)
Temps total de marche (pauses comprises) : 27h30

Liste du matériel
Nourriture





Jour 1 - samedi 19 février : Faux départ !!

J'arrive vers 9h30 à Villars-de-Lans pour le retrait du matériel au magasin Altiplano (merci à Régis pour l'adresse). Je loue un pack rando nordique (skis + peaux + chaussures + bâtons) ainsi qu'une paire de raquettes.

L'idée de prendre des raquettes était de faire la montée sur la montagne de Glandasse en aller/retour. Vu la pente, je ne me sentais pas capable de le faire en skis de rando nordique. Finalement, vous verrez plus tard que les raquettes me serviront pour tout autre chose.

J'arrive ensuite vers 10h30 à Corrençon-en-Vercors sur le parking du golf qui se trouve au départ des pistes de skis de fond.

Comme prévu, il n'y a pas de neige mais alors pas du tout, et ceci sur au moins 20 km. Cela ne me dérange pas car j'avais prévu le coup. J'avais emmené un chariot à kayak sur roue pour y mettre ma pulka dessus. Je l'avais testé avant de partir avec une charge moyenne et le système me semblait fiable. J'avais même rigidifié l'axe de rotation verticale du brancard pour avoir une meilleure stabilité. Mais je me suis vite rendu compte que ma pulka était très lourde. Partir à pieds m'obligeait à mettre dans la pulka, les skis, les chaussures, les raquettes si bien que j'arrivai à une charge d'à peu près 30 kg. J'ai eu beaucoup de mal à trouver l'équilibre de la pulka sur les roues.

Finalement, je trouve enfin une configuration stable et je commence à partir en tractant avec le brancard ma pulka sur roues et sous les yeux hagards des randonneurs qui se font de plus en plus nombreux. Au bout d'une centaine de mètres, patatrac, la pulka s'affaisse tordant les manchons en plastiques sur lesquels est fixé le brancard. La charge est vraiment trop lourde. Je n'arrive pas à remettre la pulka en équilibre sur les roues et je comprends vite que même si j'y parviens, il y a de grande chance que cela se reproduise avec le risque de casser le système d'attache du brancard à la pulka. (la solution idéale pour résoudre ce problème d'équilibre de la pulka serait d’avoir un chariot à kayak à 4 roues)

Je décide alors de faire demi-tour et de retourner à la voiture. Commence alors une profonde réflexion. Vais-je devoir abandonner mon projet de découverte des Hauts-Plateaux ? J'appelle mon épouse pour la prévenir qu'il est fort possible que je rentre à la maison le soir même. Je décide de prendre la carte. Pour réaliser mon projet, il me faut absolument un départ sur neige. On m'avait parlé de Darbounouse mais je ne vois pas de route pour y accéder. Par contre, je vois un endroit sur les hauteurs de St-Agnan-en-Vercors dont part le GR de Pays - Sentier central et qui rejoint mon tracé. S'il y a de la neige là-haut alors je suis sauvé.

J'arrive vers 13h au lieu-dit « les Brunets » (avant la cabane forestière des Bachassons) où je gare la voiture. Et là, miracle, la route forestière qui monte est enneigée. Je suis aux anges ! Par contre, il m'est difficile d'estimer le temps de montée jusque sur les hauts-plateaux et rejoindre le GR 91. Je décide donc de reporter mon départ au lendemain matin. Je passerai donc la nuit dans la voiture, une nuit très inconfortable et froide avec mon drap de sac en polaire. Je profite quand même de l'après midi pour monter en raquettes et faire quelques repérages du parcours pour le lendemain.

Jour 1 bis : dimanche 20 février : Le vrai départ

Les Brunets (Hauteurs de Saint-Agnan-en-Vercors) / Plaine de la Chau

Nbre de km : 8,5 km
Dénivelée positif : + 461 m
Dénivelée négatif : - 92 m
Temps de marche (pauses comprises) : 5h30



Je me réveille à 7h après une nuit difficile dans la voiture. Il a neigé toute la nuit à gros flocons et il continue de neiger. La route que j'ai empruntée la veille est complètement enneigée. Heureusement que j'ai des chaines pour pouvoir la redescendre à mon retour.

Sous la neige, je prépare ma pulka et vers 10h, je pars enfin, raquettes aux pieds et skis sur la pulka. Une montée interminable de 4h avec parfois de fortes pentes et des passages peu enneigés sur lesquels apparaissent parfois de grosses pierres qui rayent le fond de la pulka.



Je rejoins enfin le GR 91 vers 14h. Je dépasse la cabane de Jasse du Play qui aurait dû être mon lieu de bivouac de la veille si j'étais parti normalement de Corrençon. Pour rattraper mon jour de retard, je dois rejoindre le soir la cabane de Pré Peyret. Mais j'ai laissé beaucoup de force dans la montée et je suis très fatigué. Je décide donc de monter le bivouac toujours sous la neige vers 15h30 environ 1 km après la cabane de Jasse du Play. C'est l'occasion pour moi d'installer pour la première fois ma tente Hilleberg sur la neige et de manipuler les piquets que j'utilise comme ancres à neige. Je m'en sors plutôt bien. Les heures de visionnage de vidéos sur internet portent leur fruit. J'ai installé une tente très stable que je fiabilise en attachant les cordes aux skis plantés dans la neige.

Au fur et à mesure que j'ouvre la pulka pour sortir mes affaires, la neige entre à l’intérieur pour recouvrir et mouiller mes sacs. Heureusement que j'ai emporté une balayette pour déneiger mes affaires et mes vêtements afin de ne pas mouiller et salir l'intérieur de la tente. Je peux maintenant me permettre de faire une sieste pour récupérer.



Le soir, j'ai quelques frayeurs. D'abord, il me semble qu'un oiseau est pris au piège dans le double-toit de ma tente dont il a du mal à sortir. Ensuite, il m'a semblé entendre un animal tourner autour de la tente. J'ai fais quelques bruits pour le faire fuir.

La nuit sera froide. Il continuera de neiger et le vent soufflera longuement.



D'ailleurs, le bruit du vent me donne l'impression d'entendre chaque soir des gens parler. Est-ce le fruit de mon imagination ou le vent porte-t-il réellement le son de personnes qui parlent ?

Jour 2 - lundi 21 février

Plaine de la Chau / Pré Peyret

Nbre de km : 9 km
Dénivelée positif : + 187 m
Dénivelée négatif : - 175 m
Temps de marche (pauses comprises) : 6h30



Lever à 7h. La tente est recouverte de neige et de givre. La balayette va de nouveau servir pour déneiger la tente avant de la ranger dans son sac. Le beau temps s'annonce pour toute la journée. Je décide de partir en skis. Ce sont mes premiers pas en ski de rando nordique. Je trouve ça plutôt facile, peut-être parce que j'ai déjà fait un peu de ski de fond dans ma jeunesse mais il y a bien longtemps !



Je constate quand même avant de chausser que la petite partie d'une pièce métallique est manquante sur la fixation (norme NNBC). Mais cela n'empêche pas d'insérer la chaussure. Néanmoins, je déchausse souvent de ce ski.

Je décide de sortir un peu du GR dont le chemin a été tracé par un groupe qui me précède, pour faire un peu de hors-piste et faire moi-même ma trace. Je m'éloigne un peu trop du GR. Je suis trop descendu et j'ai perdu sa trace. Je dois redoubler d'efforts pour revenir dessus et en voulant le rejoindre, patatrac, j'arrache la fixation qui bougeait.

Je vais devoir terminer mon périple en raquettes avec les skis sur la pulka. Moi qui étais venu principalement m'initier aux skis de rando nordique, me voilà bien servi.



Au niveau de mon organisation, je porte un petit sac à dos de 30L dans lequel je mets toutes mes affaires de la journée (thermos, bouffe, gants, bonnet ...). Cela évite d’ouvrir à chaque fois la pulka, surtout avec les skis dessus.



Vers 16h30, je plante ma tente et je réfléchis à la suite de mon programme. Avec un jour de retard, une fixation cassée et une pulka très lourde, c'est sûr que je ne pourrai pas suivre mon parcours prévu initialement, en particulier aller sur Glandasse, et que je ne pourrais pas faire non plus les variantes que j'avais prévues. Je vais devoir rester sur un itinéraire plus classique et moins long.



Jour 3 - mardi 22 février

Pré Peyret / Montagne de Peyre Rouge par la bergerie de la Jasse de Peyre Rouge et la bergerie du Jas Neuf

Nbre de km : 9,8 km
Dénivelée positif : + 320 m
Dénivelée négatif : - 322 m
Temps de marche (pauses comprises) : 6h30



Beau temps au réveil. Il a encore neigé cette nuit et la balayette va servir de nouveau. Je décide de raccourcir l'étape et de n’aller ni sur Tussac, ni sur Glandasse. Je suis toutefois content car j'ai vu sa proue au loin. Elle est magnifique.

L'après-midi se passera avec une petite neige et un petit vent.

J'ai croisé successivement 2 gardes du parc. L'un d’eux m'a expliqué qu'ils réalisent des circuits à la recherche de traces de loup pour le relevé national. Des traces d'animaux, j'en ai vu beaucoup mais difficile pour moi de dire de quel animal il s'agit.

Ma trace frôle le bord des Hauts-Plateaux. Je passe à moins d'un mètre de 500 m de falaises verticales. Ca me fait froid dans le dos. J'en ai des frissons. Le vent est violent à cet endroit. La fin d'après-midi approche. Il va falloir trouver un endroit pour y planter la tente. Or, je suis dans un long couloir dans lequel le vent s'engouffre. Il va falloir être prudent dans le montage de la tente. Avant de la dérouler, je commence par la sécuriser avec 2 piquets ancrés dans la neige. Je la déroule et j'enfile les arceaux et là, un piquet saute sous une bourrasque. J'ai compris. Il va falloir vraiment bien la sécuriser. Je prends mon temps pour être sûr de faire les choses correctement. Je recouvre tout le tour de la tente par de la neige pour éviter que le vent ne s'engouffre dans le double-toit.





Ce soir-là, j'ai le droit à l'un des plus beaux ciels étoilés que je n'ai jamais vu. Orion est magnifique avec son baudrier. Je me retrouve dehors à admirer le ciel et le paysage pendant plusieurs minutes. J'en oublie le froid et la tempête. Je ressens une sensation de grande liberté.

Jour 4 - mercredi 23 février

Montagne de Peyre Rouge / Les Brunets

Nbre de km : 19 km
Dénivelée positif : + 331 m
Dénivelée négatif : - 711 m
Temps de marche (pauses comprises) : 9h



Au petit matin, je suis content car mon installation a tenu.

J'ai même un peu trop enterré les piquets car j'ai beaucoup de mal à les déterrer. Je dois creuser profondément avec la pelle pour casser la neige glacée que j'avais tassée la veille.



Le vent souffle toujours. Le démontage de la tente est aussi critique que le montage. Il faut être méthodique, faire les choses une par une en faisant bien attention à chaque fois que rien ne s'envole. Finalement, tout se passe bien.



J'en suis à mon 4e jour sur les Hauts-Plateaux. Et je suis déjà sur le retour. Deux options s'offrent à moi. Je suis un peu avant la cabane de Pré Peyret. Soit je décide de rejoindre la cabane de Jasse du Play, y monter le bivouac et entamer le lendemain la descente vers la voiture. Soit de rejoindre le soir même la voiture sachant que compte tenu de la distance, il faudra surement terminer à la frontale avec le risque que cela engendre (sortir de la trace, se perdre, tomber, etc ...). J'opte pour la 2e option. Ce sera une étape marathon. Je me fixe des objectifs. Si je ne suis pas avant 17h à Jasse du Play, ce sera difficile de rejoindre la voiture le soir même sans prendre de risque. Finalement, ce sera plus de 9h de marche. Parti à 10h, je rejoins Jasse du Play vers 16h30. J'entame la descente du GR de Pays - Sentier Central. Je me demande comment j'ai pu monter ça 4 jours plus tôt compte tenu du dénivelé. J'arrive à la voiture vers 19h finalement sans la frontale, à la lueur du soir. Je suis content et soulagé.

Je dois quand même dormir une nouvelle fois dans la voiture car je dois rendre le lendemain matin le matériel au magasin Altiplano.

Le lendemain, je dois chaîner pour descendre la route forestière enneigée qui, depuis, a été fermée par un garde forestier de l’ONF que j’ai croisé. J'arrive au magasin Altiplano. Je leur explique qu'une fixation s'est arrachée. Ils sont étonnés car le matériel est neuf de cette année. Mais ils ne me font pas d'histoire.

Bilan

Fin de mon périple sur les Hauts-Plateaux du Vercors. Le bilan est positif même si je n'ai pas réalisé mon itinéraire initial. Mon objectif était de parcourir cette région réputée sauvage et qui a tenue ses promesses. Cela m'a demandé un engagement total. J'ai appris beaucoup. J'en ressors avec une grande expérience. Cela m'a également permis de valider mon matériel pour la Laponie et de m’assurer de mes capacités mentales et physiques ainsi que de tester ma résistance et mon aptitude à faire face à des situations imprévues. Mon seul regret est de ne pas avoir pu pratiquer d'avantage le ski de randonnée nordique.

Prêt pour la Laponie !