Chapelle de Ronchamp

Le Corbusier dévoile tous ses talents dans cette chapelle qui pousse à l'admiration. Allez vite à Ronchamp pour voir la petite merveille de l'architecture moderne !

Un phénix architectural

Le phénix renaît sans cesse de ses cendres. Chaque consumation est l’occasion d’une nouvelle vie et d’un renouvellement. La chapelle de Ronchamp est comme le phénix. Juchée sur sa colline, reine des quatre horizons, elle a bravé les siècles et les incendies au fil de ses reconstructions innombrables et toujours plus imposantes. La forme que lui a donnée Le Corbusier pourrait cependant bien être la dernière…

Une construction mouvementée

Aujourd’hui, le nom de Ronchamp est inséparable de celui de Le Corbusier qui a érigé la chapelle Notre-Dame du haut, au sommet de la colline de Bourlémont, dans le département de la Haute-Saône. Quelle notoriété et quelle gloire que cette église atypique et déroutante ! Vous l’avez obligatoirement déjà vue en photo, avec sa façade est qui, de loin, figure un visage. Toit, tribune et ouvertures se transforment avec la distance en cheveux, nez et yeux. Un chef-d’œuvre reconnu, qui a cependant suscité de nombreuses polémiques desquelles elle a su triompher.

Toit
Toit inspiré du crabe

L’histoire de la chapelle remonte loin dans le temps. Pendant une dizaine de siècles, le petit bâti affublé de son clocher n’est qu’une simple église paroissiale destinée à recevoir les croyants de Ronchamp et les pèlerins venus célébrer la vierge. Le site est en effet consacré à l’adoration de Marie et en tant que tel festoie particulièrement tous les 8 septembre (date de la naissance de Ste-Marie) et tous les 15 août (date de l’Assomption). Le flux est incessant et nombreux sont les fidèles qui viennent sillonner et creuser le sentier qui monte jusqu’à la clairière où a été construit le bâtiment religieux.

Au XVIIIe siècle, son statut rétrograde cependant de celui d’église paroissiale à celui de simple chapelle et de simple lieu de recueillement autour de la figure mariale. Notre-Dame, que l’on dira donc « du bas » pour bien la distinguer, en est la cause. Doté du même clocher comtois en forme de bulbe couvert de tuiles vernissées, le nouvel édifice pique la vedette à la petite chapelle et s’empare du titre d’église paroissiale. Il faut dire que son implantation au cœur du bourg évite une grimpette fatigante et facilite la pratique du christianisme.

En 1799, la chapelle quitte le giron public. Pour la protéger, une quarantaine de familles ronchampoises amoureuses de ce clocher sommaire l’achètent et la font rentrer dans le domaine privé. Le XIXe siècle voit les pèlerins affluer en masse et pour faire bonne figure, la chapelle se pare d’un avant-corps orthogonal et de quatre tours couronnées d’anges. Jusque-là tout va assez bien pour elle.

Mais en 1913, c’est le coup de grâce. La foudre tombe sur la statue de zinc qui avait été déposée lors de l’embellissement de sa structure. Les flammes se répandent et ne laissent que la partie primitive en place. Le coup est dur pour les Romchampoix dévots et la reconstruction est très rapidement envisagée pour combler le manque que ce terrible incendie a suscité.
En 1926, une nouvelle église, réplique de Notre Dame du bas prend racine dans le site calciné et affirme son style néo-gothique. Mais là encore, l’édifice connaîtra le mauvais sort. Les combats de la Libération de septembre 44 et les bombardements l’endommagent gravement et délitent la pierre en sable. Il faut à nouveau reconstruire, sur les cendres de la guerre cette fois-ci. Une société immobilière de reconstruction est créée pour l’occasion et lance une campagne de souscription (l’Après-guerre est une période financièrement difficile).
 

Verrières dédiées à Marie
Verrières dédiées à Marie

Verrières bleues et rouges
Verrières à l'intérieur de la chapelle

Une commission diocésaine d’Art Sacré statue sur le nouvel esprit à donner à la nouvelle structure. Une question primordiale est soulevée : faut-il se contenter de reconstruire ou tirer parti de cette mésaventure en implantant un bâtiment totalement différent et entièrement neuf. Malgré les réticences, c’est la seconde option qui est retenue. La colline de Bourlémont sera le siège de nouvelles fondations. On veut alors du contemporain et du moderne.
On pense à Le Corbusier. Certains crient au scandale : un agnostique pour une chapelle ! Et un pape de la modernité pour un édifice religieux ! Soyons sérieux ! Il faut donc lutter contre les résistances. Mais un autre problème se pose : Le Corbusier n’est pas véritablement partant. Il faut lui aussi le convaincre. Le père Couturier accepte la mission et parvient à faire venir le maître de l’architecture moderne sur le site en 1950. La première visite est un émerveillement. Le Corbusier est totalement séduit par cet espace radieux qui domine la vallée et s’ouvre aux quatre horizons. Il ne lui faut pas beaucoup de temps pour revenir sur sa décision et accepter le projet. Il se met alors à griffonner, à établir des plans. La coquille de crabe ramenée de la plage de Long Island à l’issue de ses nombreux voyages l’inspire et lui fait donner au toit cette forme arrondie si particulière. Le travail avançant, des maquettes sont établies et présentées en 1950. Elles convainquent et aboutissent à la signature d’un contrat qui laisse le champ libre à Le Corbusier pour introduire assez librement ses conceptions modernes dans la nouvelle chapelle. Il ne reste plus qu’à bétonner la colline. Le chantier démarre (septembre 1953), les ouvriers travaillent vite pour éviter que les polémiques se réenclenchent. Le 25 juin 1955 sera une date à retenir pour célébrer les futurs anniversaires de la chapelle : c’est ce jour-là qu’elle est inaugurée. Le Corbusier en personne remet alors solennellement son bijou entre les mains de l’archevêque de Besançon.

Depuis, les masses affluent. Qu’ils soient pèlerins, architectes, étudiants ou simples vacanciers, tous viennent admirer le nouveau chef-d’œuvre de l’art moderne. Le succès ne se dément pas et ne s’étiole pas au cours du temps. Aujourd’hui encore, la belle aux courbes sinueuses attire près de 80 000 visiteurs par an. Chacun d’entre eux a alors dû emprunter ce petit chemin, creusé à force d’être piétiné. Vous aussi devrez le faire pour parvenir à 150 mètres d’altitude et enfin voir ce fameux trésor de l’architecture sacrée.

Sophie Graffin
Publié le 27/07/10

Crédits photos : © CRT Franche-Comté, Sandrine BAVEREL