Plateau des mille étangs : Une nature prolixe

Voyage au milieu des tourbières

En fait, si vous pouviez les dénombrer, ces étangs, vous n’en trouveriez pas mille mais environ 850. Cela n’est déjà pas si mal et donne suffisamment d’occasions de promenades et d’évasion.

Panneau signalétique de la route des 1 000 étangs
Route des 1 000 étangs Une route, très justement nommée « route des Mille Étangs » et longue de 60 km, vous permettra de cheminer et d’explorer le plateau sur des chemins balisés et sûrs. Cela évitera quelques perditions et quelques foulures de chevilles. Le trajet est très bien indiqué, grâce à la présence de panneaux figurant un étang entouré de roseaux, et vous pourrez emprunter un itinéraire constitué de 14 étapes thématiques dévoilant tous les lieux d’intérêts à ne pas manquer. Ceux-ci sont de deux types : les escales naturelles qui jonglent entre cascades, étangs, rochers et les escales plus « urbaines », qui vous infiltrent parmi des villageois aux caractères bien trempés. Quelques petites précisions sur les étapes « nature » que vous pourrez tester.

Les tourbières

  Goutte Géhant, Servance
Goutte Géhant, Servance Dans ce milieu humide, ce sont les tourbières qui occupent le plus d’espace. Mais qu’est-ce qu’une tourbière demanderez-vous ? Cela désigne une zone où se concentre une très forte quantité de matières organiques mortes mais non décomposées. L’humidité ne permet pas en effet à la putréfaction de jouer son rôle et une couche de déchets végétaux se forme : la tourbe. Au fur et à mesure des années, cette tourbe, qui se développe sur les étangs même, prend de plus en plus d’envergure et se fige sur l’eau. La tourbière flottante laisse progressivement place à une tourbière boisée qui se tasse et se solidifie. La masse devient telle que la formation de tourbe s’arrête. Elle noircit et laisse la surface légèrement bombée. La végétation prend son essor et affermit les tourbières, que vous pourrez alors aisément parcourir à votre rythme.

Il faut savoir que ce type de paysage couvre moins de 100 000 hectares en France et que les conditions nécessaires à sa formation (humidité, lacs issus de glaciers ancestraux) le rendent précieux et rare. La proportion de tourbières tend à diminuer en raison de leurs exploitations, les paysans se servant volontiers du dépôt noirâtre comme combustible, pour garder les pieds au chaud pendant les rudes hivers des Vosges. Préservation est donc un maître mot dans cette région et gardez-vous bien de délaisser vos bouteilles en plastiques et autres déchets préjudiciables au milieu des plateaux. Veillez également à emprunter les petits sentiers sur caillebotis, tracés tout spécialement pour éviter que vous ne détérioriez la végétation en marchant sauvagement sur les jeunes pousses (tourbière de Frasne par exemple).

La faune et la flore

La pêche promet d’être bonne. Les étangs sont de véritables réserves piscicoles et les carpes, perches et autres brochets se jetteront goulument à coup sûr sur vos hameçons. Des oiseaux vous divertiront pendant que vous attendez que ça morde. Grèbe huppé, martin-pêcheur, héron cendré, colvert, balbuzard et poule d’eau aiment tout particulièrement venir se délasser près de l’eau.

Du côté de la flore, la diversité règne aussi en maître. Là encore, ce sont des espèces aquatiles qui ont pris l’ascendant. Des joncs bulbeux, des roseaux et des saules entourent les étangs, tandis que des nénuphars jaunes ou blancs flottent sur la partie centrale. Une dense couche verdâtre vous entourera donc pendant votre périple et une petite pause dans cette densité moelleuse s’avèrera bien agréable et reposante.

Quelques étapes « nature » de la route des mille étangs

Parmi les quatorze escales de la route des mille étangs, environ la moitié sont dévolues à des sites naturels. Voici quelques petits exemples de ce que vous pourrez trouver sur votre chemin :

vierge du point de vue du Reposou
La vierge du point de vue du Reposou
- Le bloc erratique : Il ne vous faudra pas beaucoup de temps pour l’apercevoir puisqu’il s’agit là de la première étape. Très bien conservé, ce bloc en trachyte rose d’origine volcanique pèse plusieurs tonnes. Il a été déposé là par un glacier qui, après l’avoir transporté, l’a délivré de sa glace en fondant. Le résultat est là, devant vos yeux et date probablement de plusieurs milliers d’années. Observez combien sa posture semble instable. Des légendes locales prétendent que tous les cent ans, la pierre tourne pour laisser apparaître un trésor à faire pâlir les plus envieux. Peut-être pâlirez-vous et deviendrez-vous riche ! - Le plateau des Grilloux (6e étape) : Si vous dépassez les tables de pique-nique de deux-cent mètres, une jolie enfilade de lacs se laissera apercevoir. Ces étangs en cascade sont encadrés d’une lisière boisée de bouleaux, de genévriers, de bruyères et de fougères qui crée une ambiance surnaturelle et qui rappelle l’Écosse. Pas de monstre du Loch Ness néanmoins, l’eau est trop peu profonde pour une telle bête. Vous pouvez donc vous perdre sans risque dans cette succession d’étangs nichés dans les rochers et dans sa végétation foisonnante. - Le point de vue du Reposou (8e étape) : Pour une vue imprenable sur le plateau des mille étangs, il faudra attendre la 8e étape. C’est là, à un carrefour, qu’une vierge est postée. Elle dominera à votre côté le paysage agricole qui vous fera face. Les terres ont tendance à devenir des friches suite à l’abandon de leurs propriétaires ayant préférés les attraits de la vie urbaine aux efforts de l’entretien rural. Certains chevronnés restent toutefois au service du sol en réanimant les terres souffrantes. Du haut de la colline, admirez donc cette vallée creusée par l’érosion et percée par le Breuchin que certains passionnés continuent aujourd’hui à sarcler pour vous et pour le maintien de leur pays natal.

Sophie Graffin

Publié le 24/05/11
Crédits photos : © Patrice Galmiche - Pascal Labreuche