Lorsque Jean II le Bon est fait prisonnier par les Anglais, la révolte dirigée par le prévôt des marchands, Etienne Marcel en profite pour assassiner deux de ses conseillers sous les yeux du futur dauphin Charles V. L’accession de celui-ci au pouvoir en 1364 s’accompagne donc d’un déménagement intempestif vers l’hôtel Saint-Pol près de la Bastille. Jusqu’au XVI siècle, les monarques utiliseront le palais royal comme résidence secondaire s’y rendant uniquement lors de réceptions ou réunions du parlement (appelées Lit de justice). L’absence d’occupant royal entraîne une lente conversion des fonctions résidentielles à des fonctions judiciaires. La Grand’Chambre du palais devient le décor du Parlement. Et qui dit justice, dit prison. Fin XIVe siècle, les cachots du palais accueillent déjà certains prisonniers jusqu’alors enfermés à la prison de Châtelet devenue surpeuplée. Il est d’autant plus pratique pour les juges d’obtenir des accusés quelques aveux que ceux-ci peuvent être torturés sur place. La tour Bonbec, apprend-on, était d’ailleurs destinée à ce seul usage : avant d’être supprimée par la Révolution. L’incarcération au sein de la Conciergerie est souvent temporaire et précède l’exécution publique qui se tient Place de Grève ou sur le parvis de Notre Dame.
A l’époque, tous les prisonniers n’ont pas la même valeur et les différents types de cellules représentent leur qualité. Il y a ceux qu’on appelle les « pailleux » qui dorment à même le sol sur une couche épaisse de foin. Il y a les pistoliers qui payent pour améliorer un peu leur condition et partagent avec d’autres des cellules à lits.
Enfin, le summum du luxe est la cellule individuelle réservée aux prisonniers de marque. Pendant que les prisonniers s’entassent et que la peste fait rage à plusieurs reprises, les domestiques eux « festoient » dans la salle des Gens d’Armes. Immense avec ses piliers et ses voutes sublimes, elle est la salle à manger des quelques 2000 serviteurs du personnel royal.
Parmi les prisonniers célèbres qui résideront dans « l’antichambre de la mort » figurent François Ravaillac, l’assassin d’Henri IV, « démembré à quatre chevaux » en mai 1610, Cartouche le célèbre bandit décapité en 1721. Damiens y est supplicié pour avoir tenté d’assassiner Louis XV et les inculpés de l’affaire du Collier y sont enfermés quelque temps avant la Révolution. Pendant ces années, la prison essuie des tempêtes. Entre autres, l’endroit subit des révoltes et se bat contre les éléments : les incendies en 1618, 1776 et le crue de la Seine durant l’hiver 1689. Mais, un autre tournant de l’histoire approche à grands pas.
Alice Cannet
Publié le 10/02/10 Crédit photo : © Jean Feuillie / Centre des Monuments Nationaux, Paris