Cap-Nord

Mardi 1er juin

Nous quittons les rives d’Hammerfest pour la route du Cap Nord
Nous n’avons rien compris à cet itinéraire qui, en 96 commençait par une traversée de kafjord  à Honingsvag. Comprenne qui pourra, cette ville située sur l’île de Mageroy est aujourd’hui située sur le continent. Par contre, il y a un long tunnel de 8 kilomètres qui relie les deux terres et évite le ferry. Le  jeune préposé au péage a bien ri quand je lui ai dit que c’était ainsi en 96 . Il m’a assurée que le tunnel fonctionne depuis 99.

touristes      

Donc, sans qu’on y prenne garde, nous sommes arrivés au Cap Nord. Nous sommes ahuris. Il fait un froid glacial mais le temps est très beau.
 Venus de toute l’Europe en vieux tacots, en bateau, en bus, en voiture, à bicyclette, à pieds, nous sommes tous là…enfin quelques uns, pour voir le soleil de minuit.

L’atmosphère est glaciale, la falaise noire battue par un vent terrible, n’est guère accueillante, mais elle est mythique. Elle se jette dans un à pic de 300 mètres dans l’Océan glacial et marque le bout de notre planète terre.

Par 71° de latitude nord, le globe affronte les rigueurs du climat. Il délimite le point le plus nordique du continent européen.

globe        

Alignés le long de la falaise magique, chacun attend que le soleil perce d’épais nuages et nous fasse la grâce de ses rayons dans la nuit arctique ensoleillée.

Venu de l’occident l’astre solaire descend peu à peu, frôle la mer à minuit, soulève des vagues de flammes orange avant de repartir dans sa course. A minuit et une seconde un jour nouveau est né.

Après quelques heures de sommeil, nous faisons un peu de shopping au magasin de Nordkap : cartes postales timbres et autres, visite au musée, et au cinéma où se déroule sans se lasser la bande vidéo de la Norvège vue d’hélico.  La bande musicale est si bonne qu’on la voit plusieurs fois avec le même enthousiasme et qu’on l’achète au bazar.

Puis on revient sur nos pas . La route escarpée longe la falaise coupée de failles profondes réservant de magnifiques vues, avec parfois une barque de pêcheurs passant au large et toujours entre harmonie et silence le dessin des rochers se jetant dans l’eau transparente.

Dans la toundra , un faon trottine cherchant à se nourrir de mousse ou de lichen, dans lesquels se cachent des graines venues on ne sait d’où, il a l’air égaré celui là, mais va tout droit quelque part.

La gracieuse église blanche de Skarvag et son campanile séparé, nous ouvre les portes de ce joli port le plus septentrional du monde. Nous visitons les quais, où les morutiers s’apprêtent à appareiller, puis reprenons notre route.

eglise blanche

Les rennes broutent l’herbe rare au bord du chemin , mais s’éloignent vite, à notre approche.  Le mâle dominant ouvre le chemin, surveille la traversée, guide son troupeau, compte ses ouailles, car il semble être le responsable . Il leur emboîte le pas lorsque tous ont passé le danger de la route. On les observe un moment, absolument admiratifs.

De jolis lacs bleutés, s’inscrivent dans les pentes montagneuses et se déversent dans de plus grands, pour se jeter ensuite dans l’Océan Arctique.  Conquis par la beauté de ces sites extrêmes , nous décidons de visiter une autre pointe d’Europe, dont le port unique est Berlevag. Située plus à l’est du cap nord cette presqu’île très peu fréquentée est à peine mentionnée dans le guide.

église          

Nous devons donc suivre la route 98 jusqu’à Tana , et passer  le pont de Tana, précédé de l’église de Rosteljabna à l’architecture étrange et pointue. Cette route nous réserve des paysages sans pareils dans une solitude totale. La côte de schiste déchiquetée témoigne de la violence des courants de l’océan Arctique, mais découvre dans des rades de jolis villages de deux ou trois maisons où trône un phare blanc . Ici Kjolnes protégé par l’Unesco.

Puis nous voici à Berlevag ce port du bout du monde, situé à l’est du cap nord, mais dédaigné par les touristes. Cette petite ville où Karen Blixen situa le cadre  de son roman «  le dîner de Babette » est réputée pour le système de brise lames qui protègent son port. Après de nombreuses tentatives infructueuses pour protéger Berlevag des fureurs de l’Océan, ce fut une invention Française qui fut adoptée. L’emploi de tétrapodes en béton s’est révélé efficace et toujours fiable.

En se promenant sur le quai aux tétrapodes alignés, on voit le village, ainsi protégé et le fjord avec ses séchoirs à poissons et ses mouettes criardes. Au-dessus de la ville, l’antenne Tour Eiffel domine le village aux petites maisons de toutes les couleurs. A l’entrée, un tétrapode est érigé en monument en signe de reconnaissance.

On ne se résigne pas encore à partir de Berlevag , on campe près du port, dans le ronronnement des bateaux et les cris des mouettes qui viennent picorer  le toit du véhicule . Pluie, averses durant notre pause nuit.

Bon repos, sommeil réparateur, mais demain surprises !….

 

Vendredi 4 juin

Ce matin les bateaux de pêcheurs amarrés font une jolie carte postale. Blancs, gris, bleus, il y en a un magnifique avec une étoile en tête de proue. Le soleil illumine tout et réchauffe si peu. De l’autre côté de l’estuaire, la flèche blanche coiffée d’ardoise de l’église  et les falaises noires mangées de mousse, font un si joli tableau..

Chez nous panique à bord. Anicroches au circuit d’eau qui fuit dans la salle de toilette , tandis qu ‘elle croupit dans la cuvette de l’évier à la cuisine. Je râle, Jeannot crie parce que je râle, parce que rien ne marche, et que faire sans outils et sans eau que l’on va perdre toute. Il y a aussi la fermeture du réfrigérateur qui pose problèmes, sans doute à cause de ma maladresse. Je viens d’admettre comme bonne la fermeture de la baie arrière qui tient avec un gros élastique….Quant à celle de la portière lorsqu’elle est  sécurisée, je n’y touche pas de peur de la casser. A part ça c’est la liberté ici !

bateaux          

On n’a pas eu de coup de téléphone de Fanou, ni hier jeudi, ni mercredi d’ailleurs. Peut être mardi soir l’ai-je dérangée, je n’ai plus osé appeler, on verra ce soir. Spleen dans ma tête.

Jeannot  se balade sur le port en quête d’images et pour récupérer son calme. On va tous les deux en avoir besoin.

Il est neuf heures. Nous sommes prêts à aller visiter le musée, pour voir le système de brise lames que les Français sont venus implanter ici…avec succès, mais il est fermé .

Donc, nous allons nous promener sur le quai aux tétrapodes empilés qui forment un vrai barrage aux lames de l’Océan. Celles-ci, lors des tempêtes arrivent en trombe, mais se déchirent sur les pointes des tétrapodes puis s’éparpillent tout autour, sans inquiéter le port ni la ville. Bravo au système !…Et cocorico à nos compatriotes qui ont réussi là où d’autres systèmes sophistiqués ont piteusement échoué.

Maintenant nous allons rejoindre le carrefour de Gendje, pour aller sur Batsfjord . Cet itinéraire en forme d’éventail , nous fait connaître les régions du nord-est baignées par les eaux tumultueuses de l’Océan Arctique.

Mais il y a peu de choses intéressantes sur cette route où dominent encore les paysages de neige, un sentiment d’exil…(volontaire ) s’insinue en nous. On n’a plus parlé français depuis Trondheim avec Gaëlle, d’ailleurs personne ne nous a adressé la parole, y a-t-il seulement des habitant dans les villages rencontrés ?…En tout cas, l’indifférence dans laquelle on vit est totale et assez dure à supporter.

carcasses        

Nous voici à Batsfjord, où l’on prend place sur une aire ensoleillée, face à la ville et au port où stationnent des bateaux usagés . Juste à côté de nous un bras du fjord coule dans le plus important. Les mouettes attendent leur ration d’entrailles de poissons lâchées  d’une sécherie  voisine.  C’est une belle petite ville du bout du monde, que le soleil réchauffe. Nous faisons à pieds le tour du port de pêche aux entrepôts sur pilotis et aux chalutiers dont beaucoup sont au rebut et rouillent  inexorablement. Tandis que d’autres à la coque vernie se balancent au bout de leurs amarres en attendant le rendez-vous hivernal avec la pêche à la morue.

Nous nous approvisionnons dans le supermarché de la ville et ne sommes pas trop de deux pour deviner les contenus des sachets proposés. Il y a heureusement des produits « Findus «  avec leur  description en français : Pommes noisettes, chips. Dans ce pays où le poisson foisonne on ne le trouve qu’en rectangles surgelés, mais on se garde bien d’acheter du renne, le père Noël  ne nous le pardonnerait pas. Bref ! Avec nos provisions emportées on arrive à se nourrir normalement.

Quittant la ville, on s’aperçoit qu’il y a un magasin de fringues qui s’appelle «  Si «. C’est curieux cette dénomination, mais en tout cas, c’est court et peut-être que ça se retient bien…la preuve !…

Le pont de Tana ( Tana Bru ) est la charnière des parcours nordiques. On doit le passer aussi pour prendre la route de Vardo, port situé tout à l’Ouest sur la mer de Barrentz. Ce sera la dernière branche de notre éventail.

Cette côte du Varengerfjord est bordée de petits ports de pêche, tous bâtis sur le même modèle, avec leurs maisons carrées de toutes couleurs, l’église blanche à flèche pointue coiffée d’ardoise grises  Harmonie et beauté, mais solitude totale.

Il y a un beau soleil sur ce versant, alors que j’attendais le temps de chien de la route de Batsfjord. Encore à cette heure-ci 21 heures, le ciel est pur, le soleil réchauffant…tant qu’on est dedans à l’abri. Nous sommes en stationnement de nuit à Ekkeroy 20 kilomètres avant Vardo. Nous avons une jolie maison rose juste devant nous et aussi un abri, pour les bateaux et le matériel de pêche. Demain nous visiterons Vardo, puis retour vers le sud. J’ai hâte de récupérer les satellites pour avoir des nouvelles de nos enfants, qui j’espère sont sans souci pour nous.

soleil

Belle image du soleil de minuit, si éclatant et lumineux, que je réclame d’éteindre. Jeannot me dit « éteindre quoi ? « Les troupeaux de moutons rejoignent leur étable, tout en faisant un si joli tableau !…

Ce matin, on a 12° dans l’habitacle…la canicule en quelque sorte !…Nous nous sommes retirés du bord du fjord sans nous enliser, car la couche de sable bien qu’importante résiste bien au poids.