Etape bolivienne de mon tour du monde

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Olim

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Lors de mon tour du monde en 2008-2009, j'ai fait étape en Bolivie.
Voici, pour ceux que cela intéresse, le carnet de voyage que j'y ai consacré :

- La Paz, la trépidante
30 Sept 2008 - La Paz
Premiers pas dans La Paz, le site est splendide : la ville s’étire depuis El Alto (4 050 m d’altitude) jusqu’à la vallée (3 600 m). Ici, on a vraiment l’impression d’être en Bolivie. La cité de 2 millions d’habitants est majoritairement peuplée d’Indiens descendants des Incas. Dans la vieille ville, ça grouille de partout : les Cholitas aux chapeaux melon envahissent les rues, qui se transforment chaque jour en un immense marché à ciel ouvert. Les mercado Lanza, Negro, Camacho débordent de vie, on y trouve les derniers CD et DVD (pirates) à la mode à des prix défiants toute concurrence (2/3 euros pour le dernier Indiana Jones). Les vendeuses de jus de fruits frais et de milk-shakes à la quinoa vous interpellent, les comedors ne désemplissent pas -à 10 bolivianos le repas (guère plus de un euro), pourquoi se priver ?-, tandis que les crieurs de journaux s’en donnent à cœur joie à chaque carrefour. Dans la Calle Murillo, ce sont les coiffeurs qui font la loi : « Pase, pase, pase ! » A 7 bolivianos la coupe, qui pourrait résister ? Et moi, peut-être résigné après tant de sollicitations de leur part, je finis par abdiquer : d’accord, 15 bolivianos pour la barbe et les cheveux ! Partout, les cireurs de chaussures, accostent le chaland. Et pour ne pas s’attirer l’opprobre populaire, ils dissimulent leur visage sous une cagoule noire qui pourrait les faire passer pour des malfaiteurs à qui ne serait pas familiarisé avec les codes sociaux en vigueur ici. Un peu plus haut, à l’angle des Calle Sagarnaga et Linares, c’est le royaume des sorcières, les Yatiri : pour quelques pesitos, on vous concocte une offrande à base de fœtus de lama séché, de bonbons, d’herbes miraculeuses. C’est certain, cette cha’lla apportera le bonheur dans votre foyer et repoussera tous les mauvais esprits. A La Paz, Chaque mètre carré est livré à une circulation frénétique, ponctuée par les appels des ayudantes des chauffeurs des bus, micros et autres trufis, qui sillonnent chaque avenue, chaque rue, à partir du moment où « ça passe ». Impossible de se perdre ici ! De toute façon, soit on descend, soit on monte. Justement, en haut, c’est la bien-nommée El Alto, qui, avec ses 650 000 habitants, constitue une ville à part. Ici, ce sont les pauvres qui logent, contemplant souvent avec envie les riches d’en bas. On y trouve la même chose qu’à La Paz, mais avec encore plus de trafics, de pollution, de frénésie, et malgré le froid qui s’abat tôt dans la journée, la vie ne paraît jamais s’arrêter. Bien sûr, comme dans toute grande métropole du monde, les laissés pour compte sont légions. Mendiants, aveugles, boiteux tentent de trouver leur place, tandis que la Calle Comercio et le quartier Sopocachi, avec leurs magasins de vêtements et de chaussures branchés ; leurs bijouteries, leurs épiceries fines, ne connaissent pas la crise. Pourtant, un nouvel espoir a jailli depuis quelques mois, ici comme dans toute la Bolive : Evo Morales, l’ancien cocalero et premier Indigeno à accéder à la présidence de la république, entend mieux redistribuer les richesses. Beaucoup y croient, surtout les Indiens (65% de la population totale), les plus défavorisés. Mais l’oligarchie financière et terrienne ne l’entend pas de cette oreille : dans les provinces du Beni, du Pando, et surtout de Santa Cruz, la fronde « autonomiste » est lancée. Les affrontements avec l’armée ont déjà fait au moins une vingtaine de morts, le préfet du Pando, accusé de sécessionnisme, est en prison, et l’ambassadeur des Etats-Unis a été expulsé pour cause d’ingérence (il aurait été, dit-on, jusqu’à se mêler des nominations administratives et politiques…). Fort du soutien populaire, Evo continue de nationaliser le gaz, autorise de nouvelles cultures de coca, exige le paiement de l’impôt de la part des grandes entreprises. La Révolution est en marche, en tout cas, à La Paz, on y croit.

- Instants de grâce à l’Isla del Sol
02 Oct 2008 - Isla del Sol et Lac Titicaca
Il existe quelques endroits envoûtants dans le monde, l’Isla del Sol, sur le lac Titicaca est de ceux-là. Arrivé la veille à Copacabana, je prends le matin le premier bateau qui me dépose dans la partie Nord de l’île. A peine débarqué, je commence ma petite excursion : dès les premiers pas, le charme opère à nouveau (en mars dernier, j’avais déjà été conquis par la rive péruvienne) ; à 3 800 m d’altitude, l’air sec et pur (pas un moteur, sauf ceux de quelques bateaux) favorise une luminosité exceptionnelle. Le bleu du lac, celui du ciel, le blanc de la Cordillera Real, rien ne manque. Pour en rajouter encore, je côtoie l’Histoire : ça et là, les ruines incas égayent le paysage : le Palacio del Inca, la Mesa Ceremonica (la table des sacrifices…), la Piedra Sagrada, le Templo del Inca… Le seul petit bémol de la journée, c’est que les descendants des Incas n’ont pas perdu le sens du commerce : à chaque changement de communauté villageoise, il faut s’acquitter d’un droit d’entrée (trois au total). Pas excessif, mais quand même. Je termine ma petite balade en rejoignant le Sud de l’île et j’avise un hôtel idéalement situé sur la crête qui m’offre la double vue. Ce sera mon repaire pour ce soir. Encore quelques instants, le soleil décline, le froid vient, les terres du Pérou se dessinent au loin, pas un mot, pas un bruit, j’en frissonne encore. La nuit sera belle, le réveil encore meilleur : à 6 h 30, le spectacle se renouvelle avec l’aube sur la Cordillera Real bolivienne. Je déjeune ensuite à l’Ouest, face au lac ; un bateau de pêcheur rentre au port, toujours le silence… Carpe diem…

- Sorata, la charmante
06 Oct 2008 - Sorata
De retour à La Paz après mon séjour au Lac Titicaca, il me tarde de retrouver les grands espaces. Sorata m’attend. En quelques heures, je quitte la fascinante mais épuisante capitale, pour cette petite ville de la cordillère des Andes (2 500 habitants), située à 2 670 m d’altitude. C’est à peu près comme je l’imaginais : une petite place bordée de palmiers, quelques restaurants à touristes (mais peu de touristes), des comedors locaux, des montagnes tout autour. Mais le lendemain, spleen. Le petit déjeuner avalé, je suis un peu perdu, je tourne en rond, j’erre au hasard des ruelles, bref, je m’emmerde ! Je finis par rencontrer un guide qui me propose une randonnée pour le jour suivant. Pourquoi pas, puisque je ne veux pas m’emmerder un jour de plus ?… C’est son fils qui m’accompagne (comme j’ai oublié son prénom, nous l’appellerons Juan, par convention). On monte, on monte (plus de 1 500 mètres de dénivelé en 3/4 heures), la vallée de Sorata est encore embrumée ; c’est un peu rude (chaleur, froid, altitude, vent), mais ce qui me rassure, c’est que c’est Juan qui à chaque fois propose de marquer une pause. Soit il est prévenant à mon égard, soit il se fatigue plus vite que moi (je préfère privilégier la seconde solution). Nos efforts sont cependant vite récompensés : les sommets enneigés de l’Illampu et de l’Ancohuma daignent se montrer. Encore une fois, pas de doute, on est bien en Bolivie. Touefois, le meilleur reste à venir : le but de l’excursion, c’est la Laguna Chillata, perchée à 4 200 m d’altitude. Mais bon sang, Juan, elle est où cette lagune ? Dans le brouillard complet ! Heureusement, « comme le temps change vite en montagne », elle se découvre enfin à la faveur d’une éclaircie : verte, pure, magnifique. A nouveau la brume, puis le soleil qui revient. On va profiter du spectacle une heure durant, sans se lasser. Puis la redescente, la satisfaction d’avoir bien rempli sa journée, bref, de pas s’être emmerdé !

- La mort dans le Sajama
08 Oct 2008 - Sajama
Pas si simple de se rendre dans le Parque Sajama en indépendant, à La Paz, personne n'est d'accord : pour certains, il faut prendre le bus La Paz-Oruro, pour d'autres, celui qui mène à Arica (Chili), pour d'autres encore, changer à Patacamaya ! J'opte pour la troisième possibilité, semble-t-il la plus sûre. Jusqu'à Patacamaya, pas de souci, j'y sui en moins de trois heures. Mais c'est là que ça se complique : il est 10 h, et pas de connexion pour Sajama avant 11 h, 12 h, 13 h, qui sait ?... Je fais la connaissance de Hugo, guide de haute montagne bolivien. Comme moi, il attend, il n'y a que ça à faire. Un couple d'Israéliens nous rejoint, à quatre, le temps passe plus vite. 12 h 30, le collectivo arrive. Mais il ne faut pas se réjouir trop vite, en Bolivie, tant que le véhicule n'est pas rempli, on ne part pas ! 13 h, on est au complet, en route pour Sajama. Paysages splendides : altiplano, désert, volcans... La route est belle, asphaltée, droite, sûre, et pourtant... On ralentit, on s'arrête, on descend : un accident. Deux gros camions viennent juste de se percuter, ça semble sérieux. La cabine de l'un d'eux est quasiment désintégrée. Dans le fossé, une chaussure, sur la chaussée, un homme allongé. Le crâne est explosé, on recouvre le corps, c'est fini. Tout le monde se regarde, on cherche une explication, même si ça ne changera rien à rien. Hugo croit comprendre que le chauffeur, sous l'effet de l'alcool, s'est endormi au volant, et qu'il n'a pu éviter le poids lourd d'en face. Sur cette route internationale très fréquentée, qui relie La Paz à Arica, ce serait presque une (sale) habitude. On poursuit cependant vers Sajama, mais le paysage n'est plus si magnifique, et l'enthousiasme qui nous animait dans le mini-bus est retombé. On essaie encore de comprendre, on parle beaucoup, certainement pour évacuer sa peur, puis on pense à autre chose, on parle d'autre chose, on tâche d'oublier, on sait que l'on n'y peut rien. Ni égoïsme, ni indifférence, ce qui compte avant tout, c'est que nous, on est en vie. Et comme ça peut s'arrêter brutalement, sans prévenir, autant regarder devant. Et devant, c'est le Sajama.

- Un Yon Kippour très particulier
09 Oct 2008 - Parc naturel de sajama
On n’a pas oublié l’accident mortel de la veille, mais pour nous, la vie continue. La première nuit dans l’Hôtel Oasis (curieux nom quand on sait qu’on est à 4 200 m d’altitude, sur un plateau glacial balayé par un vent violent !) a été plutôt correcte : avec quatre couvertures et des chaussettes, le froid était supportable. Avec Gal et Daphna, les Israéliens rencontrés à Patacamaya, on entreprend d’arpenter les environs pour la journée. Un taxi nous dépose d’abord à environ 10 km de là, dans un champ de geysers. Comme il est déjà un peu tard, l’activité n’est pas spectaculaire, mais c’est surtout la beauté du site qui nous saisit, en même temps sans doute que le froid qui n’a pas cessé. Les eaux bouillonnantes soufrées ont façonné le plateau, lui donnant des teintes jaunes, vertes, rouges, orangées. En arrière-plan, se détachent des montagnes imposantes, parmi lesquelles les volcans Parinacota et Pomerata, tous deux dépassant allègrement les 6 000 m. On se sent vraiment tout petits. On poursuit vers l’Est, face au volcan Sajama, point culminant de la Bolivie (6 542 m), recouvert de neige. Tout aussi impressionnant. On serpente bientôt à travers les bofedales (marécages peu profonds parsemés de touffes de végétation) en suivant le Rio Lauca, dérangeant parfois les centaines de lamas et d’alpagas qui paissent dans la zone. On arrive maintenant aux aguas calientes, but de notre randonnée. Je plante le décor : une petite source d’origine volcanique canalisée pour former une piscine en plein air, une eau à 35°, une vue panoramique et le Sajama qui nous salue. Ni une, ni deux, nous vla dans le bain ! Coïncidence : c’est aujourd’hui Yon Kippour, et mes deux camarades israéliens (quoique peu pratiquants) ne sont pas près d’oublier celui-ci. Pas jaloux, j’espère néanmoins vivre Noël ou le Jour de l’An dans des conditions aussi spectaculairement exotiques !

- A travers la vitre arriere...
10 Oct 2008 - Sajama
6 heures du matin, il a gelé, c’est sûr, à Sajama. Le vent fort en rajoute une couche, pas un lama qui traîne dehors, seuls trois touristes (j’en fais évidemment partie) qui attendent, frigorifiés, le collectivo pour la frontière chilienne. Une demie-heure plus tard, on s’entasse dans le mini-bus qui file sur la piste. Calé tout au fond, j’ai du mal à me réchauffer. Pourtant, je suis heureux : à travers la vitre arrière, embuée, je vois le paysage défiler ; le volcan Sajama, à l’Ouest, se devine à peine, cependant que les « jumeaux » Parinacota et Pomerata, à l’Est, découvrent peu à peu leurs cônes enneigés, parfaits. La musique andine qui envahit doucement le véhicule me le confirme, je suis, pour quelques minutes encore, en Bolivie. Je profite de ces derniers instants en pur égoïste, et pourtant, sans aucune mauvaise conscience. Ce sont des moments qui n’appartiennent qu’à moi, et après tout, quel mal y a-t-il ? Gal et Daphna, mes compagnons israéliens, je l’imagine (et davantage, je le leur souhaite), éprouvent le même bonheur simple, dans ce matin glacé. On roule toujours, la radio diffuse maintenant les infos du jour : on annonce que le Président Morales, tout en maintenant le dialogue avec l’opposition, entend bien mettre en œuvre son programme social. A mon niveau, j’en suis ravi, tout en souhaitant que tant de bonne volonté ne soit pas anéantie par des années de pouvoir oligarchique. Mais on vient de quitter la piste poussiéreuse pour s’engager sur la route asphaltée. La Bolivie s’éloigne un peu plus, à mesure que le Chili se rapproche. Encore dix minutes, et nous voici dans la ville frontière de Tambo Quemado. C’est comme je me l’imaginais, et même plus : le vent glacé pénètre les rues, les maisons, les corps ; on se croirait dans une aventure de Lucky Luke ou un western de Sergio Leone. On se réfugie littéralement dans le premier bar venu pour tenter de se réchauffer. Au menu du déjeuner, de l’alpaga ! On parvient toutefois à se faire servir du pain à moitié congelé, du fromage à la texture savonneuse, de la margarine médiocre, du mauvais café, mais, quel bonheur, chaud ! On apprécie encore ces instants uniques, on sait quelle chance on a de pouvoir les vivre, et cette fois-ci, on se le dit. Il faut toutefois ressortir pour passer l’immigration bolivienne. En cinq minutes, c’est réglé, mais pas de bus pour le Chili avant una horita, autant dire une éternité ! Par contre, une multitude de camions se pressent au poste de contrôle. Notre première demande est couronnée de succès : le chauffeur nous accepte, tout naturellement. Notre petite aventure continue donc dans un 35 tonnes bolivien qui va charger de la marchandise dans le port chilien d’Arica. On sourit, comme des gosses ! Peu après, on aperçoit Chungara, on entre au Chili. On descend, il fait toujours aussi froid, mais les « jumeaux » se reflètent maintenant dans la Laguna Chungara. On n’en demandait pas tant !

- La route de la mort puissance 2
13 Oct 2008 - Route de la mort
Une des attractions majeures de la Bolivie, c’est la descente en vtt de la Ruta de la muerte : il s’agit, en 4/5 heures, de passer de 4 700 m d’altitude (au niveau de La Paz), à 1 600 m (dans la région des Yungas), soit environ 3 600 m de dénivelé. Ce matin, après un briefing sur la sécurité, j’enfourche donc ma bicyclette, en compagnie de quatre autres compagnons. Au départ, à La Cumbre, la vue sur la vallée nous donne déjà une idée de ce qui nous attend : la descente s’annonce proprement vertigineuse. Cette première partie s’effectue sur la nouvelle route, asphaltée, et le plus dangereux, c’est surtout le trafic routier. En effet, Les Yungas fournissent une grande partie des besoins agricoles de la capitale bolivienne, et le balai des camions chargés de bananes, mangues et autres pommes de terre est incessant. Justement, Victor, le guide, nous apprend qu’il y a une semaine, un mini-bus a basculé dans la ravin avec ses 9 passagers. Bilan : 9 morts ! On y va donc tout doucement, avant d’emprunter l’ancien itinéraire, réservé aux cyclistes (et à quelques véhicules si nécessaire). Par endroit, la largeur de la piste n’excède pas 3,20 m, et les éboulements sont fréquents. Mais l’expérience est excitante ; on passe peu à peu du froid des Andes à la chaleur presque étouffante de la zone pré-amazonienne. Au final, pas de panique. La route n’est réellement périlleuse que si les freins lâchent !… En fait, c’est deux jours après que je vais expérimenter l’une des routes les plus dangereuses du monde. Je quitte Coroico, dans les Yungas, vers 14h30, en espérant arriver, normalement, 14/15 heures plus tard à Rurrenabaque, en Amazonie occidentale. Ce trajet en bus, je ne l’oublierai pas ! C’est comme en vtt, sauf que tu n’es pas maître du véhicule, et que, perché à 4 m au-dessus du sol, tu vois assez distinctement le ravin, 1 000 m plus bas ! Si l’on ajoute que la route n’est pas goudronnée, que, par endroit, les véhicules ne se croisent pas et qu’il faut donc reculer (priorité à celui qui monte), j’avoue, cette fois-ci, avoir eu peur. Et, vu le nombre de cous tendus pour voir si « ça va passer ? », pas de quoi être rassuré. Pour égayer le trajet, on subit en pleine nuit un contrôle anti-drogue et un glissement de terrain. Résultat : il nous faudra 19 heures pour arriver à destination (j’apprendrai plus tard qu’un autre bus mettra 25 heures !). Comme j’ai eu ma dose d’adrénaline pour les semaines à venir, je vais choisir la facilité pour le retour : 4O minutes en avion, ça donne à réfléchir…

- L'arche de Noé
18 Oct 2008 - Rurrenabaque et l'Amazonie
Finis les Andes, l'altitude, le froid ; place à l'Amazonie. Avec Steven et Bram, deux belges rencontrés sur le bord de la route à Yolosita, au sein d'un groupe très hétéroclite (Australiens, Anglais, Autrichiens, Israéliens), on part pour trois jours dans la pampa. Tout commence par la remontée en bateau du rio, et l'observation d'une faune impressionnante : des dizaines de crocodiles, des capybaras, des tortues, des aigles, des oiseaux de paradis, des cigognes, des yabirus, des martins-pêcheurs... Pour un peu, je me prendrais pour Tintin dans L'Oreille Cassée. La voilà, la Bolivie tropicale, la profonde, l'authentique, la sauvage. Et l'averse qui nous surprend juste avant l'arrivée au campement tombe comme une confirmation. La nuit se passe, doucement, rythmée par les bruits de la forêt, je rêve éveillé. Ce matin, on s'aventure sur terre, à la recherche de l'anaconda (pas moyen d'y échapper, c'est compris dans le tour). Et, malgré la pluie, notre guide tient à tout prix à remplir le contrat. La « chasse » va durer deux bonnes heures, la bête ne se montrant pas très coopérative. Quand, finalement, on en débusque un bien calé dans son tronc d'arbre, chacun se précipite pour prendre LE cliché. Je résiste, après tout, j'en verrai d'autres d'ici dix mois. Et puis, je n'ai pas envie de faire la queue devant un tronc d'arbre, appareil-photo au poing ; si le ridicule ne tue pas, il peut faire des dégâts ! Par bonheur, Chantelle n'est pas loin de penser la même chose. Retour au camp de base pour squatter les hamacs. Ambiance « colonie de vacances », j'apprécie ! Déjà le troisième jour. Ca commence par une petite pêche aux piranhas (le vainqueur est Steven, à croire qu'il a fait ça toute sa vie !) et se poursuit par une baignade partagée avec quelques dauphins d'eau douce. Là encore, assez touristique, mais moments uniques, quand ils viennent vous frôler (à moins que ce ne soient des crocodiles...). C'est fini, retour à Rurrenabaque, à la civilisation. Demain, je retourne à La Paz, retrouver une autre jungle, urbaine celle-là.

- Evo si
20 Oct 2008 - La Paz
La Plaza Murillo, c’est le centre historique et politique de la Bolivie, siège du pouvoir législatif et exécutif. Ici même, en 1809, Don Pedro Domingo Murillo, un des chefs de la révolution, fut pendu. En 1946, ce fût au tour du Président Villaroel d’être sorti du palais présidentiel par ses gardes et de subir le même sort. En ce 20 octobre 2008, jour anniversaire de la fondation de Nuestra Senora de La Paz, les milliers de manifestants qui ont envahi la place, s’ils se montrent plus pacifiques que leurs aïeux, sont tout aussi déterminés : soit les membres du Congrès acceptent de voter la loi permettant de convoquer un référendum pour l’approbation de la nouvelle constitution proposée par le Président Evo Morales, soit… Ils sont donc peut-être 200 000, ces gens du peuple, majoritairement Indigenos, à scander : « Evo, hermano, el pueblo esta contigo ! », « El pueblo, unido, jamas sera vencido ! », « Evo si ! »… Ces marchistas pacifistes ont, pour certains, entamé leur voyage vers la capitale voilà une semaine. Ils viennent des neuf départements du pays, du Potosi, du Beni, du Pando, de Santa Cruz, de Tarija…, pour apporter leur soutien à leur frère Evo dans son bras de fer avec l’opposition de droite conservatrice. Il y a des mineurs, des campesinos, des étudiants, et tous semblent conscients de leur force en ce moment historique. Pour l’heure, ils patientent en écoutant chants traditionnels et hymnes révolutionnaires. Beaucoup mâchent la feuille de coca pour lutter contre la fatigue, tandis que se vendent partout exemplaires du projet de nouvelle constitution, photos du Che, DVD de la vie d’Evo Morales. On tend soudain un papier au Président, il est 18h00. Il prend le micro et annonce que le vice-président vient de conclure un accord avec quatre partis politiques ; le Congrès va se réunir séance tenante pour élaborer un projet (quelque peu remanié). Il demande de la patience, le vote peut intervenir dans la nuit. Il est acclamé. C’est peu dire que cet ancien petit cultivateur de coca est populaire ; en août dernier, il a reçu 67% des voix lors du plébiscite le confirmant comme Président de la République. Le lendemain, ils sont toujours là. Ils ont dormi pour la plupart à même le sol, dans le froid, mais leur détermination reste intacte et ils maintiennent la pression. Toute la nuit, députés et sénateurs ont examiné le nouveau texte, et, à 12h30, la nouvelle tombe : la loi convoquant un référendum pour le 25 janvier 2009 est votée. C’est l’explosion de joie Plaza Murillo. Le vice-président prend d’abord la parole pour remercier les marchistas. Il évoque les droits contenus dans le texte constitutionnel : égalité de tous les Boliviens, droit à la propriété privée, lutte contre la corruption, nationalisations, autonomie des régions… Après 300 ans de colonisation et 200 ans de pouvoir oligarchique, les Indigenos prennent enfin leur revanche sur l’Histoire. C’est maintenant Evo qui s’adresse au peuple. Pour obtenir une majorité au congrès, il a accepté de convoquer des élections générales pour fin 2009 et de ne pas briguer un nouveau mandat s’il est réélu. Il appelle à l’unité du pays, fustige les préfets indépendantistes et leurs alliés impérialistes américains, promet une enquête rétroactive pour faire toute la lumière sur les fortunes récemment acquises de manière suspecte. C’est un tonnerre d’applaudissements. Aujourd’hui, le peuple a gagné, pacifiquement. Peu à peu, la place se vide, seuls quelques uns paradent, drapeaux boliviens et aymaras déployés, au son de la musique andine. Les autres s’en sont retournés dans leur mine, leur champ, dans l’espoir d’un avenir meilleur. Reste à ratifier la nouvelle constitution. Sur la statue de Villaroel qui trône au centre de la place, on peut lire : Fuerza, Union, Gloria, Paz. Le combat continue…

- Splendeur et misère
24 Oct 2008 - Potosi
« Olivier, mais c'est Olivier ! » Ca fait bizarre d'entendre son nom, mais ç'est bien à moi que l'on s'adresse, ce soir-là, au terminal terrestre de La Paz. Ce sont Steven et Bram, les amis belges avec qui j'ai passés plusieurs jours à Rurrenabaque, en Amazonie, qui m'ont reconnu. On a beau savoir que le monde est petit, la surprise est belle, sauf que... Ils m'expliquent leur mésaventure : à leur retour à La Paz, ils ont pris un taxi pour le centre-ville et demandé au chauffeur de les attendre un moment, le temps de faire une course. Et, évidemment, lorsqu'ils sont revenus, plus de taxi, et plus de sacs ! Ils ont passé deux jours à racheter tout ce qui leur manquait : sacs, vêtements, appareils-photos, trousses de toilette... Quand je pense que, sans doute trop confiant, j'ai agi de la même manière voilà quelques jours sans heureusement connaître les mêmes désagréments, ça donne à réfléchir sur la suite de mon périple... Pour l'instant, je n'ai à déplorer « que » le vol (ou l'oubli, le mystère reste entier) de mon disque dur externe et la casse de mon appareil-photo (impossible à réparer, j'ai acheté un petit Panasonic à La Paz, en attendant mieux). Finalement, avec ce contre-temps fâcheux, on se retrouve dans le même bus de nuit pour Potosi. On y arrive au petit matin, dans un froid saisissant. Perchée à plus de 4 000 m d'altitude, la ville est la plus haute de Bolivie, peut-être du monde. Surtout, elle est fameuse pour son Cerro Rico, sa colline riche d'argent et de divers métaux, qui a fait sa fortune (ou plutôt celle des conquérants espagnols) pendant plusieurs siècles. Aujourd'hui, ne restent de la belle époque de la mine que quelques églises, superbes, et de belles ruelles coloniales préservées, qui côtoyent des quartiers pauvres. Si la mine a créé des fortunes, elle a aussi apporté désordre, désillusion, misère. Et ça continue : pour quelques trente à quarante bolivianos par jour (3 à 4 euros), ils sont environ 8 000 à creuser, dans des conditions d'une autre époque, la plupart à la main, dans le chaud, le froid, parfois à plusieurs kilomètres sous terre, avec le fol espoir de trouver le filon, celui qui leur permettrait de changer de vie. En plein XXIème siècle, c'est Germinal ! On a visité la mine, on a rencontré ces hommes courageux et fiers, qui risquent leur vie chaque jour. De là on dire qu'on a compris leur obstination, c'est une autre histoire.

- Ce que j’en retiens
25 Oct 2008 - Bolivie
Dernières heures en Bolivie. Elles résument assez bien le mois écoulé. L’ultime trajet en bus aura, à nouveau, été bien rude. Je quitte Potosi à 20h30, pour, je l’espère naïvement, rejoindre Villazon 10 heures plus tard, et passer la frontière argentine à La Quiaca. Evidemment, ça ne sera pas aussi simple : au bout de trois heures, sur une route défoncée, on se retrouve bloqués à cause d’un accident. Après une heure d’attente, le chauffeur choisit un « itinéraire bis ». Nous voilà engagés à tombeau ouvert dans le lit d’une rivière, plus ou moins asséchée ; est-ce la fatigue ou l’habitude, je n’en suis pas plus surpris que ça (mais bonjour le sac à dos qui voyage dans la soute !) ? A ce moment-là, je n’ai qu’une idée en tête : quitter la Bolivie et, je l’espère, trouver en Argentine des conditions de voyage un tantinet plus confortables. Voici donc venu l’heure du bilan. Ce séjour, vous l’aurez compris, aura été éprouvant à plusieurs niveaux : les transports (je n’y reviens pas…), un climat rude dans l’altiplano, une population souvent dure au premier abord. Mais c’était certainement le prix à payer pour profiter d’un pays authentique, sans concession, offrant, à qui en fait l’effort, des paysages époustouflants (coup de cœur pour l’Isla del sol et le Parque Sajama) ; et qui a su préserver, davantage encore que l’Equateur et même que le Pérou, son indianité. Partout, on sent pointer l’héritage des cultures inca et aymara, dans la musique, les costumes, la cuisine. Et ce peuple qui espère tant dans le changement promis et engagé par Evo, le frère, le fils ! Vraiment, je réalise la chance d’avoir pu, un tant soit peu, sentir l’Histoire se faire sous mes yeux. Moments rares, uniques. Quelques belles rencontres : Angela (petite vendeuse de la Calle Sagarnaga, à La Paz) Steven, Bram, Mitch, Chantal, Claudia, Anthia (Rurrenabaque) Daphna et Gal (Sajama) Nicolas (Isla del Sol) Le budget : 1 euro = environ 9,4 bolivianos 4 070 bolivianos pour 26 jours (environ 432 euros), soit environ 16 euros/jour. Quelques exemples : Taxi de nuit aéroport-centre de La Paz : 50 B Hôtel Austria (La Paz) : 40 B Hôtel Templo del Sol (Isla del Sol) : 20 B Hostal Sonia (Copacabana) : 20 B Hostal Las Piedras (Sorata) : 30 B Hôtel Oasis (Sajama) : 35 B Hostal Esmeralada (Coroico) : 74 B (piscine + petit-déjeuner) Hôtel El Curichal (Rurrenabaque) : 30 B Hôtel Maria Victoria (Potosi) : 40 B Plat complet (La Paz) : 8 B Petit-déjeuner / Déjeuner / Diner (Sorata) : 10 B Cheveux et barbe (La Paz) : 15 B Connexion internet (La Paz) : 2 à 2,50 B de l’heure Pull alpaga (La Paz) : 100 B Poupée (La Paz) : 20 B La Paz-Copacabana (4h) : 15 B La Paz-Sorata (4h) : 14 B La Paz-Patacamaya-Sajama (7h) : 34 B Coroico-Rurrenabaque (19h) : 80 B La Paz-Potosi (9 h) : 80 B Potosi-Villazon (11h30) : 50 B Avion Rurrenabaque-La Paz (Amaszonas) : 525 B Entrée Parque Sajama : 30 B Route de la mort La Paz-Coroico : 250 B Tour Pampa 3 jours (Rurrenabaque) : 500 B Visite des mines (Potosi) : 80 B Extra : appareil-photo Panasonic DMC-FX12 (La Paz) : 190 $