L’or comme acte de naissance

Jo’burg, comme on l’appelle, a son destin lié à l’or qui enrichit ses terres. Les troubles qui l’ont agités et qui continuent d’imprégner la ville n’auraient pas été si tenaces sans cet appât doré qui réveille le vice des hommes. Les habitants n’auraient pas été si multicolores et variés sans cet appel de la richesse qui mobilisa tant d’émigrés à la fin du XIXe siècle.

L’or comme acte de naissance

Tout commence en 1886. Cette année là, George Harrison découvre des traces d’or à Langlaate Farm, aujourd’hui appelé Fordsburg. L’exploitation minière du minerai va permettre l’animation de la région et son essor économique. Les chercheurs d’or, d’origines diverses, affluent en masse et la population explose. Les quartiers se démultiplient pour accueillir ce flux de candidat à l’enrichissement. Le souci, c’est que cette invasion est assez mal perçue par les Boers, ces « seigneurs du Rand », anciens magnats du diamant qui ont fait fortune grâce aux mines de Kimberley et qui voient arriver ces étrangers venus leur chiper leurs ressources. La suite, plus funeste, se laisse deviner. Les Boers érigent des lois discriminatoires à l’encontre des Noirs et préfigurent la politique de l’Apartheid qui jettera un voile de honte sur le pays. Une guerre éclate entre anglais et Boer en 1899, pour se terminer par l’annexion du territoire par les britanniques en 1902. La ville alors dépeuplée reprend peu à peu son essor. C’est reparti pour l’exploitation effrénée.

A nouveau, les mines gangrènent le paysage, s’étendant à la fois vers l’Est et vers l’Ouest. Les campements précaires suivent le rythme et offrent leurs bidonvilles aux travailleurs noirs qui ne cessent d’arriver malgré les préjudices de l’Apartheid qui les attendent. Les South-Western Townships (Soweto) croissent et accentuent le malaise jusqu’en 1976. Cette année là, c’est la crise. Les étudiants s’emportent contre l’exigence politique qui contraint les écoles noires à parler le langage des blancs : l’afrikaans. La police n’hésite pas à tirer, tuant au passage le jeune Hector Pieterson, ce jeune de 13 ans qui deviendra l’emblème de la lutte contre la ségrégation. En un an, 1 000 victimes se laissent décomptées à la suite de cette vague de manifestation et d’émeutes. Il faudra attendre 1990 (libération de Nelson Mandela) pour que les lois de l’Apartheid soient abandonnées et que les noirs retrouvent un semblant de liberté. La mixité s’introduit enfin dans les quartiers et en 1994, Nelson Mandela est élu.

L’or n’est plus extrait de la zone urbaine mais les séquelles qu’il a laissées ne cessent d’être récoltées encore aujourd’hui même si la situation s’améliore. Soweto (à 8 km de Johannesburg au sud) reste en effet ternie par ses problèmes de criminalité et de délinquance et il est fortement déconseillé de se balader seul dans les ruelles labyrinthiques (une dizaine de kilomètres de voirie !) qui en perdront plus d’un et les laisseront à la portée des délinquants mal intentionnés, à la recherche de quelques bourses bien remplies.

Le pays multiplie toutefois les entreprises de réhabilitation et Soweto, tout comme Johannesburg redorent leurs blasons grâce aux incitations touristiques et aux efforts conduits par le gouvernement pour sortir les lieux de leurs mauvaises réputations. La récompense est au rendez-vous : Soweto est le township le plus visité du pays et Johannesburg sa plus grande ville et la seconde du continent africain. Peut-être vous compteront-ils d’ailleurs parmi leurs visiteurs d’ici peu !

Sophie Graffin