Chantilly, des princes, des chevaux et des canaux…

Des princes, des chevaux et des canaux…

Nichée au sud de la Picardie, Chantilly, petite ville de 12 000 habitants, a une double étiquette : celle de ville princière et de capitale du cheval. Visite guidée du somptueux château et des Grandes Ecuries qui font sa renommée.

Une demeure princière

Vue aérienne

Chantilly de haut Chantilly allie détente et culture grâce à son magnifique château qui règne sur le lieu depuis que les Orgemont se sont emparés de l’espace au XIVe siècle. Cette famille y bâtit une forteresse médiévale. La suite n’est qu’histoire d’héritage puisque le monument se transmettra aux différentes branches de la dynastie. Ce n’est qu’en 1884 que le château et le domaine dans son ensemble se déprendront de la lignée princière en devenant la propriété de l’Institut de France.

Bénéficiant des alentours verdoyants d’une des plus grandes forêts des horizons de Paris, le domaine s’étend sur 7 800 hectares et permet aux touristes de s’enfoncer dans la moiteur forestière ou de naviguer sereinement sur les nombreux canaux tout en admirant la beauté du site. Un petit instant de détente et de perdition avant d’aller prendre connaissance de l’histoire du château. ### Une demeure princière

Palais fédéral

Le château et ses pièces d'eau

Le château de Chantilly à ses débuts n’est presque rien, une petite maison forte profitant d’un éperon rocheux pour émerger d’un marais. Devenue demeure seigneuriale, la bâtisse gravit progressivement les échelons. Au fil des années, le bien se transmet de père en fils, au sein de la famille d’Orgemont tout d’abord puis de celle des Condé. Chacun apportera alors sa petite contribution pour rendre le domaine de plus en plus ample et éblouissant. Le grand Condé figure en bonne place parmi les propriétaires ayant apportés les modifications les plus importantes. Il pourvoit le château déjà en place d’un somptueux jardin conçu par le Nôtre, futur employé de Louis XIV pour l’élaboration du parc du château de Versailles. Il canalise de plus la Nonette, modeste affluent de l’Oise, pour faire naître le Grand Canal au Nord de la demeure (2,5 km de long).
  Façade grandes ecuries
Façade des Grandes Ecuries Au XVIIIe siècle, une nouvelle splendeur vient s’ajouter au patrimoine déjà fort riche : les Grandes Écuries. Son bâtisseur, Louis-Henri de Condé, pensait se réincarner en cheval. Il a donc décidé de s’offrir des stalles de prestige pour sa vie post-mortem, à l’intérieur d’un immense bâtiment à l’architecture classique qui resplendit grâce à son dôme de 28m de hauteur. Pas moins de 240 chevaux et 500 chiens pouvaient alors y trouver refuge.

Quelques pièces plus sommaires viendront s’ajouter par la suite au château et aux Grandes Écuries pour agrémenter le domaine et finir de le rendre exceptionnel. Il s’agit d’un jeu de paume, d’un autre château annexe (le château d’Enghien, longiligne, placé le long de la grille d’honneur et destiné à accueillir les invités de la famille princière) et d’un hameau (ensemble de cinq petites maisonnettes charmantes qui inspirera Marie-Antoinette pour sa propriété versaillaise).
  hameau
Le hameau
Vint enfin le dernier propriétaire du domaine, Henri d’Orléans, duc d’Aumale et 5e fils du roi Louis-Philippe. Celui-ci s’exile longuement à Londres avant de revenir prendre soin de son domaine de Chantilly en le reconstruisant (de 1875 à 1885). Deux fils auraient dû hériter du bien à sa mort mais ceux-ci trépassent avant leur père. Seul et sans héritier, ce dernier opte alors pour le don : en 1884, il lègue l’ensemble du domaine de Chantilly à l’Institut de France dont il est membre depuis 1871. À une condition néanmoins : que ce merveilleux patrimoine soit entretenu et ouvert au public. La clause est respectée et les touristes deviennent les nouveaux arpenteurs du lieu dès le 17 avril 1898. C’est la fin de l’histoire princière de Chantilly et le début de son histoire populaire. ### Aujourd’hui, un lieu de détente et de culture

Musée Condé

En plein musée Condé

Le domaine a donc perdu depuis la fin du XIXe siècle sa fonction de gîte princier. Il a été généreusement offert par le duc d’Aumale au domaine public pour le plus grand plaisir des visiteurs. Situé à quelques heures seulement de Paris, l’immense plaine convient parfaitement à des escapades dans sa forêt ou à des promenades bucoliques sur ses canaux.
Il fait bon quitter les grandes villes pour venir respirer l’air ravigotant de Picardie qui se dissipe à Chantilly. D’autant plus que la ville ne ménage pas ses efforts pour proposer aux visiteurs de nombreuses activités : petit train pour une visite commentée et en douceur, barques sur le Grand Canal pour contempler la vue avec les libellules. Comptez aussi sur le labyrinthe des princes qui ravira les plus jeunes.

Les parents iront certainement pendant ce temps visiter le château et son musée Condé ou les Grandes Ecuries, à quelques centaines de mètres plus à l’est seulement. Le château est en effet devenu l’un des plus grands musées de peintures anciennes après le Louvre avec des pièces maîtresses comme certaines de Raphaël, de Poussin, d’Ingres et de Delacroix.
Les jardins sont également remarquables : jardin français de Le Nôtre au nord (XVIIe), petit parc (début XVIIIe), jardin anglo-chinois (fin XVIIIe) et jardin anglais (début XIXe). Il y en a pour tous les goûts.
La ville en elle-même mérite aussi d’être visitée. Située à l’ouest des deux chefs-d’œuvre architecturaux que sont le château et les Grandes écuries, un petit tour dans son centre permet de mieux comprendre son développement et surtout de se rendre au pavillon de Manse. ### Au cœur de la vieille ville

Fontaine et statue

Fontaine et statue

Au détour des rues nouées de la vieille ville, on peut trouver le pavillon de Manse. Ce lieu historique unique en Europe présente l’arsenal technique nécessaire au fonctionnement des multiples fontaines et jets d’eaux qui agrémentent le parc et assainissent les bassins. Vous découvrirez alors l’évolution des machines hydrauliques et du pavillon depuis sa construction en 1678 par le duc de Condé. Pas facile d’élever l’eau d’une source pour remplir un réservoir avant de la laisser espérer rejoindre le ciel ! Et pourtant, dès le siècle de Louis XIV, la machine du prince avec sa roue en bois de 7m80 de diamètre et ses six pompes remontant l’eau à 25 mètres de hauteur permettait déjà un tel exploit. L’immense réservoir est encore visible aujourd’hui, en bordure de l’hippodrome ainsi que la machine elle-même. 175 ans après son démantèlement, l’équipe de l’Association du Pavillon Jacques de Manse entreprend en 2005 sa reconstitution à l’identique. Les secrets de l’hydraulique ancienne n’en sont plus !

Si vous persévérez dans la déambulation, vous pourrez alors vous heurter à la vieille gare de Chantilly (1858) qui déversait un flot de 11 000 personnes les jours de course et qui a grandement participé au développement de la ville (XIXe siècle avec l’émigration des turfistes anglais). Vous passerez certainement devant la statue du maréchal Joffre qui éclaire une autre partie de l’histoire cantilienne. L’hôtel du grand Condé (1908) rappelle lui aussi la période des Guerres Mondiales puisqu’il fut le siège du Grand Quartier Général des armées pendant le premier conflit mondial et que les allemands puis les américains s’y installèrent pendant le second. Cabinet d'angle
Le cabinet d'angle du château L’Hôtel de ville, l’église Notre-Dame de l’Assomption (fin XVIIe siècle), l’ancienne poste et les anciennes écuries de course (construites lors de l’arrivée de la mode hippique à Chantilly au XIXe siècle), ainsi que quelques vieux hôtels, témoignent de la richesse historique de cette ville.

Finalement, ce petit passage dans la cité princière permet de s’imprégner de l’histoire de Chantilly et de mieux comprendre son essor spectaculaire et son importance pour la région picarde. Pour compléter et terminer une telle immersion historique, il peut être tentant d’aller salir ses semelles sur le gazon de l’hippodrome. Car Chantilly n’est pas que la ville des princes. C’est aussi la ville du cheval et des courses.
  Sophie Graffin Publié le 30/03/2010 Crédits photos : © Martine Savart ; © michelbureau.com ; © Martine Savart ; © R&B Presse ; © Martine Savart ; © Martine Savart