A l'intérieur de l'opéra Bastille

Bastille balcons
Les balcons

L’opéra Bastille renferme dans ses parois circulaires cette fameuse salle à l’acoustique irréprochable. Vingt mètres de hauteur permettent à 2 703 spectateurs d’être hébergés le temps de la représentation d’un opéra, d’un ballet ou d’un concert symphonique. Confortablement installés dans les fauteuils en bois rouge orangé de poirier rembourrés en velours noir, ils peuvent se laisser envoûter par les voix suaves des grandes divas ou des célèbres ténors venus à Paris pour témoigner de leur don. Un système de traduction leur permet même de suivre au mieux le fil de l’histoire que les acteurs à l’organe puissant déploient. Sans micro, les sons fusent des gorges sollicitées, se précipitent dans l’air climatisé de la vaste salle et se réverbèrent sur le plafond ondulant en verre. Le lustre en effet n’est pas d’usage et convient mieux au palais Garnier.

Bastille plafond
Le plafond

Ici, la lumière vient d’une installation moderne qui cache 2 700 tubes lumineux spécialement conçus par Philips pour ce plafond éclairant. Ces multiples sources lumineuses peuvent jouer leur rôle 24h/24 pendant pas moins de 4 ans. Mais l’équipe de maintenance préfère tout de même les changer toutes en même temps et régulièrement, sans attendre la preuve de cette date d’échéance. Treize mètres au dessus de ce lustre atypique, le toit en béton crée la parallèle avec le ciel parisien.
Belle, avec ses murs bleutés de pierre en granite venant de Bretagne, efficace, avec son acoustique parfaite, la salle est finalement un véritable succès. Où que l’on soit, dans le parterre, perché dans le premier ou dans le second balcon, dans les loges latérales, on voit tout et bien. Le spectacle s’offre à nous sans entrave. Même le géant aux cheveux drus ne parviendra pas à diminuer le confort. Les artistes qui se déploient sur la grande scène de 750 m2 déroulent le spectacle sans pudeur et accompagnent la musique qui s’échappe de la fosse d’orchestre pouvant contenir 130 musiciens. Derrière eux, l’arrière scène s’occupe des décors avec sa plaque tournante qui facilite grandement le travail et la fluidité de la prestation.
Vous l’aurez compris, avec une telle salle, il y a peu de chance que vous soyez déçu.

Bastille atelier
Atelier pour préparer les décors

On s’attache toujours au devant de la scène. Mais il ne faut pas oublier les coulisses. À Bastille, on ne les appelle plus comme ça. On parle plutôt de « dispositifs scéniques ». Car il ne s’agit pas uniquement des loges permettant aux danseurs et aux chanteurs de se concentrer ou de se relaxer avant l’entrée en scène. C’est un vaste labyrinthe de 30 km de couloirs, séparés par 5 000 portes qui relient des pièces réservées aux ateliers et aux salles de répétition. Dans la partie rectangulaire de l’édifice, les innombrables menuisiers, serruriers, couturiers, perruquiers (les perruques sont authentiques avec de vrais cheveux) s’adonnent avec le plus grand soin à la préparation des spectacles prévus. Tout est réalisé (mais pas conçu) dans ces ateliers. Du coup, beaucoup de monde (environ 150 personnes) aux spécialités très diverses se côtoient chaque jour dans cette véritable entreprise à vocation culturelle.

Au 6e dessous (et non pas « sous-sol ». On utilise un vocabulaire marin pour parler ici, souvenir des anciens ouvriers qui se chargeaient des décors et qui ont troqué leurs postes de marins), à 21 m sous terre, la prouesse technique opère.

Bastille plafond
La salle de montage

C’est là que sont montés et remontés les décors destinés à embellir les représentations. Les pièces arrivent d’un dépôt situé à 3 km. Elles sont toutes annotées pour savoir à quelle œuvre elles correspondent et rangées avec précaution dans des conteneurs. Les techniciens n’ont plus qu’à les extraire de leur gîte provisoire pour les rabibocher entre elles et former un décor digne de ce nom. Le décor est directement monté sur des chariots carrés de 7 mètres de côté et de 9 tonnes pouvant être conjugués ensemble pour offrir plus de surface. On imagine alors la difficulté de hisser le tout, chariots et décors perchés dessus, 6 étages plus haut ! Heureusement, un charmant dispositif technique composé de plusieurs ascenseurs apporte sa puissance pour transporter le fardeau et le faire surgir sur la scène en moins de 4 minutes. Un exploit de plus dont l’opéra peut s’enorgueillir.
Dans ces pièces aérées, où l’on monte et remonte inlassablement les décors, la déambulation se heurte à de nombreux rideaux de fer là encore aux dimensions colossales et au poids dissuasif (le plus lourd fait 20 tonnes). Ils sont destinés à éviter que le feu ne jette son dévolu sur tout le site si jamais il lui venait l’idée d’aller calciner le bois de l’opéra. En plus de cette fonction coupe feu, les rideaux isolent aussi phoniquement ; ce qui peut être fort utile dans un opéra où souvent les répétitions se chevauchent avec les représentations.

L’opéra est un art exigent et délicat. Les chanteurs doivent ménager leurs voix et ne peuvent donc pas satisfaire le public tous les soirs. C’est pourquoi, l’alternance est de mise. Le bâtiment de la Bastille répond parfaitement à cette contrainte grâce à ce dispositif technique exceptionnel permettant de changer les décors en une vitesse record et à ses hangars démentiels pouvant stocker jusqu’à 6 décors en même temps. L’opéra Garnier ne peut pas le faire…

Sophie Graffin
Publié le 17/03/10

Crédit photos : © Graffin