La Via Turonensis

De Tours à Saint-Jean-Pied-de-Port, 950 km


Il faut savoir que l’urbanisation tend à dissuader les jacquets d'emprunter la Via Turonensis. Elle était beaucoup plus courue au Moyen-âge. Aujourd’hui, les foules préfèrent la Via Podiensis. Dommage, Turonensis passe elle aussi par des sites remarquables et le plus souvent glorifiés par des inscriptions au Patrimoine de l’Unesco ou par des labels (Ville d’art et d’histoire notamment). L’art roman est sans cesse présent et sensibilise le pèlerin aux capacités de ce genre très ancien d’architecture religieuse, qui à cause de son ancienneté reste rare.

1/ Mais où ça commence ?
La Via Turonensis débute officiellement à Tours mais le nom est trompeur (Turonensis dérive de Tours) et Paris devrait plutôt être considéré comme le point de départ de cette voie.
Vous connaissez peut-être la tour St-Jacques de Paris, à deux pas de la place du Châtelet. Elle ne s’appelle pas St-Jacques sans raison. Elle est en fait le seul reste de l’église Saint-Jacques-de-la-boucherie (XIIe siècle) qui, à l’époque, détenait des reliques du saint auquel elle doit son nom. Elle attirait alors les jacquets du Nord, venus vénérer leur idole en guise de prémisse au long voyage qu’ils avaient décidé d’entreprendre pour atteindre St-Jacques-de-Compostelle.
Une fois réunis, toute la troupe partait en direction de Tours, ville qu’ils atteignaient après un rafraîchissement sous les voûtes humides des cathédrales de Chartres et de Sainte-Croix (Orléans).

À Tours, les adeptes de Saint-Martin seront comblés. La nouvelle basilique, qui date seulement du siècle dernier (achevée en 1924), renferme en effet le tombeau du disciple et donne une nouvelle occasion de se recueillir.

Bretelle de Fontcade, Via Tolosana
Petite halte près de Montpellier Une fois tous réunis à Tours et tous émerveillés par la remarquable vallée de la Loire qui vient d’être traversée, le périple commence vraiment et sera marqué par de multiples étapes.

2/ Poitiers : « la ville aux cent clochers »
Si aujourd’hui, le Futuroscope la distingue des autres villes picto-charentaise, sa valeur d’antan était due à sa collégiale Notre-Dame-la-Grande. L’église romane offre une magnifique façade, sobre et affublée de niches remplies par de nombreuses statues. La ville recèle d’autres richesses puisque pas moins de 82 monuments sont protégés par la législation sur les Monuments Historiques.

3/ Melle : 1 ville mais 3 églises
Pas de grande étape sans Saint à saluer. Ici, on est gâté, trois sont à l’honneur, ce qui nécessite trois églises. La triade (Saint-Hilaire, Saint-Pierre et Saint-Savinien) donnera donc de quoi faire et ravira les amateurs d’architecture romane.

4/ Saintes : L’abbaye aux Dames
Les pèlerins s’arrêtent à Saintes pour venir y admirer la façade de l’abbaye aux Dames, caractéristique de l’art roman du Sud-ouest. Les sculptures se donnent la réplique pour illustrer tour à tour des scènes du Nouveau Testament et de l’Apocalypse. Pas très original mais toujours aguicheur surtout lorsque la maîtrise du sculpteur vient parfaire l’ensemble.
  Cathédrale St-Jacques
La très convoitée cathédrale
de Saint-Jacques de Compostelle Les autres s’intéresseront peut-être plus au haras national et à l’amphithéâtre Gallo-romain qui exacerbent l’attrait de la ville.

5/ Bordeaux : Ne céder pas à la tentation du vin
La Via Turonensis passe aussi par de grandes villes : Bordeaux, 6e métropole française, par exemple.
À 40 minutes des plages atlantiques et de la célèbre dune du Pyla qui sait agglutiner les grains de sable (105 m d’altitude), Bordeaux resplendit par sa grandeur et son riche patrimoine.

Au programme, divers quartiers à épuiser comme celui des Grands Hommes hérité de la révolution ou celui de l’Hôtel de ville, plus récent. Les quais seront un incontournable étant donné l’aménagement qu’ils ont nécessité et la belle impression qui en résulte. Sur les rives de la Garonne, la ville se pare de ses plus beaux atouts afin de courtiser les usagers du fleuve et de les convaincre de la beauté de la ville.

Et évidemment, elle attire par son fameux vin qui fait de son nom un nom commun et en démultiplie l’usage. Un petit vers de Bordeaux peut d’ailleurs être concédé pour vous donner la force de repartir vers la prochaine escale d’importance : St-Palais.

6/ St-Palais
Située en Basse-Navarre, la ville récolte les pèlerins de la Via Turonensis et de la Via Lemonvicensis, deux des itinéraires majeurs. C’est donc là que les clans commencent à se fondre en une masse. Monte del Gozo
Monte del Gozo à Saint-Jacques
Les particularismes régionaux s’estompent et laissent place à une identité commune : celle du jacquet. Un peu plus loin, à Gibraltar, un peu avant Ostabat, ce sont les adeptes de la Via Podiensis qui convergeront vers les Pyrénées et se joindront au groupe.
Les méditerranéens quant à eux se font timides et retardent la fusion des équipes. Ils traverseront seuls les Pyrénées, en empruntant un autre col plus à l’Est : celui du Somport. Ce n’est qu’en Espagne, à Puente La Reina qu’ils se joindront au flux des pèlerins en route vers St-Jacques.

La Via Turonensis s’achève donc ici, à St-Palais où l’on peut ressentir le soulagement d’avoir parcouru près de 950 km et d’avoir entrevu plus de la moitié de la France. Soulagement de courte durée car la suite est rude : l’escapade dans les Pyrénées où les montées imposent des descentes douloureuses pour les articulations. Mais la barrière montagneuse doit être franchie même aux prix de multiples efforts et d’ampoules conséquentes.
    Sophie Graffin
Publié le 26/05/2010

Crédits photos : © ACIR/S.VAISSIERE ; © Turismo de Santiago