lundi 14 avril 2003
Petit déjeuner avalé, briefing de l'organisateur effectué, road-book en main, nous partons pour El Djenein par la route au début, après avoir fait quelques achats au marché et dans le village de Matmata.
En effet, nous partons pour trois nuits en bivouac dans le désert, il faut être autonome avec la nourriture. La route se transforme vite en piste, et nous sommes soudain plongés dans un décor désertique à perte de vue. La piste est difficile, caillouteuse, et les vibrations incessantes commencent à provoquer des problèmes. Nous devons nous arrêter pour resserrer les tubes latéraux de protection de bas de caisse après quelques kilomètres seulement. Ca commence bien !
Nous poursuivons notre route, suivant scrupuleusement le road-book et les indications données par Guy, mon copilote. Nous nous faisons secouer dans tous les sens, ce n'est pas de tout repos. Plus loin sur la piste, nous sommes rejoints par Marc, un belge avec un Land Rover 130 (long) avec qui nous sympathisons très vite. Il est venu avec son fils Cédric pour lui faire goûter à l'aventure dans le désert. Nous continuons avec lui pour le reste de l'étape.
Les véhicules se regroupent parfois ou tentent l'aventure seuls. Au détour d'un carrefour, nous nous laissons aller à suivre un petit convoi mais leur cap est mauvais. Nous devons alors couper à travers les herbes à chameau dans un terrain parfois très accidenté, aidés par le GPS, pour rejoindre la bonne piste.
Le terrain est tellement exigeant au niveau de la mécanique que déjà un véhicule, le seul Jeep Cherokee engagé, part tout droit dans un virage suite à la perte d'une roue, trahi par un montage un peu spécial. Dans ce terrain, il faut s'engager avec le matériel le plus simple, mais aussi le plus solide possible. Le Cherokee repartira tant bien que mal pour rejoindre la route la plus proche, après une réparation de fortune.
En fin d'après-midi nous atteignons le bivouac d'El Djenein, situé en bord de piste au point GPS de coordonnées N 31° 44'51" et E 10° 8' 8.6", dans un vent de sable que nous devons affronter avec un masque. Avec ces conditions, le montage de la toile de tente n'est pas chose facile et nous devons faire la cuisine directement dans la voiture.
mardi 15 avril 2003
Réveil vers 6 heures pour un briefing se tenant une heure plus tard. Nous nous lançons sur la grande piste en direction de Tiaret pour faire le plein, après deux passages où les militaires nous contrôlent les passeports, véhicule par véhicule.
Au poste de contrôle SP3 (Tiaret), à la station de pompage, nous rencontrons Mohammed, avec qui nous avions passé quelques heures précieuses l'année dernière. Il me reconnaît tout de suite, et s'empresse de me montrer des documents imprimées qui ne sont autres que les pages internet que j'avais écrites sur notre précédent raid. Il n'a pas changé, il dégage un sincérité jamais vue. C'est émouvant de le retrouver là, même pour quelques minutes seulement.
Plus loin, après une halte vers le puits de Tiaret, nous quittons la piste pour nous enfoncer dans un paysage de dunes qui paraissent infranchissables. Pourtant, avisés par les conseils de Jacky qui est un homme d'expérience après quelques séjours prolongés dans le désert, nous apprenons vite et passons les crêtes des dunes les unes après les autres sans problème. Nous restons derrière le Toyota Land Cruiser, attentifs aux trajectoires qu'il emprunte .
Il n'y a pas de trajectoire parfaite dans ce terrain, mais il faut tout de même éviter les erreurs : ne pas s'arrêter dans le creux entre deux dunes, ne pas prendre les crêtes des dunes en biais mais plutôt de face (perpendiculairement), s'arrêter juste après le passage de la crête si nécessaire, ne pas prendre trop de vitesse pour ne pas passer de l'autre côté en risquant de partir en avant après la cassure (ça s'appelle une "casquette" dans le jargon). Aussi, il faut toujours laisser une distance de sécurité entre les véhicules, idéalement une ou deux dunes, tout en restant en vue du véhicule suivant et à vue du véhicule précédent. Il ne faut pas oublier non plus que les pneus ont été dégonflés pour ne laisser qu' 1,2 bar et qu'à cette pression le virage serré est interdit sous peine de déjanter.
Le jeu, maintenant, consiste à dessiner de belles courbes entre les dunes en lisant la trajectoire à prendre, tout en douceur, mais ce n'est pas si facile que ça en a l'air !
Bien sûr, en partant à au moins trois voitures, le dépannage est toujours possible, soit avec des sangles, soit par treuillage pour se dégager d'une mauvaise situation, par exemple en étant posé à cheval sur une crête.
Il arrive parfois également de ne pas avoir assez de vitesse et de se planter tout bêtement dans du sable mou sur le plat, et nous en avons fait la triste expérience. Là aussi, dégagement à la sangle, tracté par un voire deux autres véhicules, et aidés par les plaques de désensablement pour remonter la voiture sur la surface la plus porteuse.
Au plus fort de la journée, nous lisons 43°C sur le thermomètre, et faire des efforts à cette température est épuisant voire dangereux. Nous buvons néanmoins beaucoup pour éviter tout risque de déshydratation qui pourrait être fatal.
Les dunes de sable, c'est aussi du plaisir, le sentiment de surfer dans les descentes comme sur une grande vague, et une douceur de conduite incomparable.
Les vingt derniers kilomètres sont assez angoissants, non seulement par le manque de visibilité, mais aussi parce que je fais la trace au cap indiqué par le GPS en contournant au mieux les dunes qui restent à franchir avec quelques véhicules qui me suivent en toute confiance (enfin, je crois !). De plus, cette responsabilité n'est pas facilitée par le fait que j'ai crevé auparavant, avec une autre roue handicapée par une crevaison lente. J'ai dû regonfler tout le côté gauche à 2 bar de pression, alors que l'autre côte doit encore avoir normalement 1,2 bar. La voiture a tendance à partir en travers à chaque virage, mais je tiens le volant très fort, et la mollesse du sable fait le reste.
Nous arrivons au bivouac à la tombée de la nuit, après de longs moments passés à aider d'autres véhicules ensablés. La solidarité est de mise, mais il faut trouver le juste milieu entre le fait d'avancer pour arriver à une heure raisonnable et de jouer au samaritain en aidant tout le monde. Nous avons compris la leçon dont nous tiendrons compte dès demain.
Je donne l'une de mes roues crevées à l'assistance pour une réparation qui s'avère ne pas être utile. En effet, j'ai dû déjanter en raison de la basse pression. Je devrais pouvoir repartir avec après un regonflage correct.
Ce soir, pas de vent, heureusement. La nuit sera tranquille ou presque. Nous l'avons commencée à la belle étoile dans une douce tiédeur, mais nous devons vite vous abriter sous notre maison de toile, montée en quatrième vitesse, attaqués par une nuée de vilains moustiques. Mais que font-il là, au juste, ceux-là ?
mercredi 16 avril 2003
Aujourd'hui, il s'agit d'un must, l'étape des étapes, la traversée du Grand Erg du sud au nord par les grands cordons de dunes. D'un autre côté, ça fait peur, mais Christian nous rassure en nous précisant que le sable est plus porteur et que ça ne devrait pas être aussi difficile qu'on peut le craindre. On verra...
Nous partons nous faire pointer au poste de contrôle de Bordj El Khadra, coincé tout au sud du pays entre la Libye et l'Algérie. Sans revenir au bivouac, nous pointons directement sur la case 4 du road-book, qui correspond au 4ème point GPS où avec Marc et son Land Rover nous nous sommes données rendez-vous pour retrouver Jacky et D. Fidèles au poste, ils sont là avec leur Toyota, et nous poursuivons à trois en passant tout d'abord péniblement un premier cordon de dunes ensemble. En effet, les leçons données par Jacky-el-professor (c'est le nom qu'on lui a donné à ce moment-là) sont parfois difficiles à mettre en application, sans doute troublé par l'impression que le paysage laisse dans notre esprit. C'est en effet très impressionnant.
Plus loin, c'est avec une certaine habitude et un bon entraînement que nous franchissons ces barrières de sable les unes après les autres, dans une facilité qui peut à peu parait devenir normale. Quelques dépannages et désensablages pigmentent la journée.
Toujours à trois, nous rattrapons d'autres groupes de 4x4 et de motos sur le trajet, et courtoisement nous leur donnons quelques coups de mains à se dégager de mauvaises passes. Notre timing est bon, nous sommes confortables au niveau de l'horaire si bien que nous pouvons nous permettre quelques pauses-plaisir où nous prenons des photos.
La journée passe vite, cordon après cordon, nous apercevons le lieu du bivouac (position N 31° 15'12.6" / E 9° 30' 1.2"), non loin d'un puits artésien où de l'eau chaude et soufrée jaillit du sol à 26°C. Après deux bivouacs et une toilette presque impossible, nous sautons sur l'occasion pour aller prendre une merveilleuse douche naturelle qui fait un bien fou. Encore un instant magique...
Trouver ce puits en plein désert de sable est hallucinant.
Le vent de sable souffle de nouveau et nous nous construisons un abri de fortune entre deux véhicules à l'aide d'une grande bâche pour éviter les grains de sable dans les yeux. Nous prenons néanmoins un apéro convivial avec d'autres participants avec qui nous faisons connaissance. Elargissons le cercle puisque l'organisation ne propose rien de spécial pour regrouper tout le monde (!) Sans doute comptent-ils sur l'autonomie de chacun ?