Kavala

Dimanche 29 Avril

Plage de la mer Egée avant Kavala. Dès 7 heures on serait prêts à partir, mais il faut mettre un peu d’huile moteur. Jeannot a du mal à dévisser un bouchon qu’il a serré comme une brute. On fait nos adieux à nos voisins d’une nuit qui vont vers Izmir et la Cappadoce, tandis qu’on a bienvenue en Turquiedécidé de joindre Istanbul par Tekirdag puis les côtes de la mer Noire. On est toujours en Grèce, les routes longeant la mer ont notre préférence pour l’instant, on trouve plus facilement un repli de terrain pour une halte et puis la mer forme une belle toile de fond. On décide de faire escale à Lagos tout petit port placé dans une rade à l’abri des vents, on pourrait y faire la pause déjeuné. C’est Dimanche, les fidèles sortent de  l’église orthodoxe, tandis que le marché bat son plein. On s’arrête au port jeter un coup d’œil au chargement des bateaux de sable, puis on va manger près des pêcheurs. Ensuite, on reprend la route vers la frontière Turque, passée à 15 heures, sans formalités d’aucune sorte. On aurait bien voulu changer un peu d’argent mais la banque frontalière est fermée, ce qui n’est pas un problème, d’après nos guides qui prétendent que la carte visa est partout acceptée, on va donc poursuivre notre route. « Sös Genscil iin Turquey » nous dit la banderole qui surplombe la route de part en part, ce qui veut dire « soyez les bienvenus en Turquie » Sous titrée par « Welcome », on pense avec amertume au temps où le Français était la seconde langue, traduisant les passeports et les papiers administratifs. Donc, sans rancune,  nous disons à notre tour comme au temps passé « Maraba » à ce gentil pays de nos premières vacances lointaines.

On passe Ipsala première ville Turque rencontrée, notre marche de manœuvre est bloquée pour cause de « Dimanche ». Pas de banque, pas de lires Turques, ce qui veut dire : pas de pain, pas de camping, pas de petits achats impossibles avec une carte  visa ou autre.

station-servicePour dormir on jette notre dévolu sur une station service toute neuve, les pompes sont vides, ce qui tombe  bien car on n’a pas le moindre sou. Le gérant nous désigne une place, d’où l’on assiste aux préparatifs d’un office à la mosquée trônant juste à côté du restaurant. Le lavage des pieds à la fontaine aux ablutions qui jouxte un énorme tas d’ordures est exclusivement masculin, puis ils vont au café, pendant que les femmes attendent l’office assises sur les marches, revêtues de leurs atours noirs qui les recouvrent de pieds en cap. Je me demande comment serait fréquentée chez nous une station service équipée d’une église ? Des autocars entiers déversent les fidèles qui viennent prier en chantant des sourates qui n’en finissent pas. Qu’est-ce qu’on est venus faire ici ?

On change d’endroit de stationnement, on a l’impression d’avoir  quitté La Mecque. On n’entend plus les prières de la mosquée, le bruit de la route est plus sourd. On s’endort comme des anges.

Lundi 30 Avril

Station service avant Tekirdag
Départ tôt ce matin, il est seulement 6 heures à notre montre. La station s’est vidée et on s’aperçoit que l’on était seul à dormir ici cette nuit, heureusement sans le savoir. En ouvrant la portière, il y a un gentil chien qui monte la garde assis sur son derrière. On est attendri par son regard humide, il ne nous veut aucun mal, pourtant il ne nous connaît pas, mais le courant passe entre nous. Il faudra partir sans se retourner, sachant qu’on laisse un ami. Deux charrettes à chevaux passent avec un chargement de gens qui vont aux travaux des champs. On cherche une banque à Tekirdag, puis une place de stationnement. On se gare  le long des quais de la mer de Marmara, sorte de promenade des Anglais Turque toute fleurie et plantée de beaux eucalyptus. On part en perpendiculaire dans la vieille ville au milieu des marchés que , bordent les maisons de bois toutes de guingois. Une cour d’école, pleine d’enfants en récréation nous retient mais je n’ai pas pris mon appareil photo, c’est bien ma veine ! Ils sont tous revêtus d’un uniforme bleu à col blanc et on est émerveillés par l’ordre qui semble régner ici. Tout à coup un refrain musical marque la rentrée en classe, ils se regroupent tous et en rang, regagnent leurs cours sagement.

La banque est ouverte à 9 heures, mais devant l’entrée s’étire une longue queue en attente .On avait oublié la date : 30 Avril aujourd’hui. Tous les salariés sont là avec leur bulletin de salaire en attente de paiement. Nous renonçons à grossir les rangs et redescendons au port. Je manque tomber 4ou 5 fois en trébuchant sur des marches très hautes et inégales, ou bien de même couleur que le sol environnant de sorte qu’on ne les voit pas et si l’on regarde ailleurs qu’à ses pieds la chute est inévitable ! Nous rejoignons le camion et reprenons la route pour recommencer plus loin l’épisode banque .Nous  apprenons ainsi que l’euro valant deux lires turques ne vaut en réalité que 1,8O YTLce sigle signifiant Yeni turc liras ou bien nouvelles lires Turques.

pont de karakoyNous achetons aussitôt un gros pain (ekmek) et des tomates bien rouges, puis on va manger devant un restau autoroutier. Je cuis notre dernier steack et on se délecte de la dernière petite fois grasse MM 
Traversée épique d’Istanbul, même si l’itinéraire pris est un périphérique, il passe par le pont de Karakoy à péage. Il y a les abonnés qui passent assez rapidement et les autres dont nous sommes,  qui créent  de longues files d’attente  de voitures et de camions. Beaucoup d’impatience, se  manifeste par des klaxons assourdissants et quelques tampons ravageurs On met deux bonnes heures pour effectuer cette traversée, puis on bifurque vers les routes de la mer noire dont les paysages pour l’instant ne nous enchantent guère. Plein de villages nouvellement construits et aux maisons toutes pareilles, paraissent être des jeux de construction. Heureusement les couleurs pastel qui les agrémentent, à prédominance de vert et de rose  donnent une note gaie à l’ensemble. Les petites fermes intercalées à toits plats et pans de bois sont environnées de pagaille et de tas de fumier. On arrive en fin de journée vers Kandira et Kefken, pensant trouver une petite plage pour la nuit. A partir de Kefken, il n’y à plus d’itinéraire,kefkenla route devient sentier de terre battue, la mer est visible, mais inaccessible, il n’y a pas de camping dans ce coin non fréquenté  et l’arrêt nuit devient pressant. On cherche encore une fois notre route qui existe pourtant sur notre carte, mais en vain, elle s’arrête ici. Dans ce bout du monde. Drôle d’impression !

On campe donc sur un «  oto parc » plein de jeux d’enfants, à quelques pas de la mer Noire. On a bien fini par trouver, au hasard, ce coin qui nous semble presque idéal, malgré la solitude où nous sommes plongés. Autour de nous s’étirent des rues bordées de maisons de vacances, colorées de teintes vives, mais vides en ce moment.
Soucis et fatigue accumulés sont autant de berceuses, on s’endort comme des bienheureux.

Mardi 1er Mai

Kefken, au bord de la Mer Noire, au bout de la route.
7 heures30 Départ. On a eu droit à un épisode « pétards » hier au soir et du coup alerte et inquiétude  sommeil interrompu, puis difficile à rattraper. Ensuite c’est le repos total, seuls dans le lointain, les moteurs d’un ou deux bateaux de pêche meublent le silence et ce matin la promenade des chiens, que les maîtres appellent. Itinéraire sans grand intérêt, au milieu des noisetiers en forêts  gigantesques et des villages aux maisons décrépites et aux toits fatigués. Pagaille innommable  dans les cours et les jardins, noyés sous les ronces empêtrées d’ordures de tous ordres, c’est assez pitoyable. On double sur la route étroite quelques vaches efflanquées, gardées par de petites bergères que la mode du pays déguise en vieilles bien avant l’âge .On traverse aussi plusieurs hameaux faits de maisons de bois, sans peinture donc grises. Je ne peux photographier à cause de l’étroitesse de la rue, il y a toujours un animal ou un enfant qui veut passer d’urgence. En joignant la route principale un peu plus importante, de vraies villes se sont édifiées  le long de la Mer Noire, avec de vrais buildings étagés sur les hauteurs. Peints de couleurs claires, vert ou rose, tendre à l’œil c’est gai, sinon certaines agglomérations ont des maisons toutes pareilles, orientées dans la même direction, ce qui crée un paysage uniforme, sans originalité, un peu désolant .Au milieu de ces villages tout neufs, des monceaux d’ordures, jetées à côté de poubelles vides….C’est habituel, on dirait. Ainsi, nous avons l’air d’extra terrestres de soulever le couvercle et de jeter dedans notre sac bien serré.

On se croirait en Libye, car on semble rouler beaucoup, mais en réalité seulement quelques centaines de kilomètres.  Nous perdons du temps en recherches de routes non indiquées, les gens du pays interrogés ignorent souvent, mais tiennent à nous renseigner à tort et à travers. Même le flic à Zönguldag nous indique une direction bien que la ville soit du côté opposé. Malgré son nom tout fleuri Zonguldag (montagne des roses) ne correspond pas à son patronyme, bien que la rue principale soit bordée de rose thé. Nous passons sur des flaques de boue qui gicle sous les roues malgré notre petite  vitesse .et venons de circuler sur une route en réfection sur des dizaines de kilomètres. Nous avons ensuite une longue série de tunnels et un défilé magnifique ressemblant aux Gorges de l’Aude. La pluie s’est mise à tomber alors on s’arrête sur une pompe « Solar » toute neuve. J’espère que l’on va bien se reposer car demain on visitera Zafranbolu.

Mercredi 2 Mai

Pompe bleue « Solar » 10 km avant Karabuk.
rues de zafranboluLe charmant pompiste nous donne deux chiffons doux avec publicité, pour lustrer les vitres, plus une boite de mouchoirs en papier et deux trucs parfumés à suspendre. Je lui remplis la poche de bonbons et nous partons sous la pluie qui n’a cessé de tomber toute cette nuit.

Zafranbolu à 8 heures du matin. Les rues sont dégagées, il nous est possible de nous garer dans une rue face à l’oto-park fermé à cette heure matinale. Nous allons donc déambuler dans le vieux quartier  « Carsi » absolument magnifique.  Bravo à l’UNESCO d’avoir permis de réhabiliter un pareil domaine. Nous marchons le nez en l’air dans les ruelles bordées de maisons à pans de bois où les marchands sortent leur pacotille. Les treilles partent en lacis au dessus et l’été font de l’ombrage On trouve ici plein d’objets insolites et inutiles tels les cendriers décorés du nom de la ville. De longs colliers d’amandes enfilées sont suspendus et décorent joliment le pas des portes .Il y a aussi des samovars, des cuivres et des bronzes, des nappes en polyester et des colliers en verre de toutes couleurs  Nous avons juste acheté un pain, est-il possible d’être plus raisonnable ?zafranboluNous montons sur la colline qui fait une sorte de cirque autour de la ville. De là le panorama est sans pareil. Nous disons adieu à la ville du safran et partons vers Yörük Köyrü que l’UNESCO a prise en mains tout comme Safranbolu.

On entre dans ce petit village par la rue principale qui passe au milieu du cimetière, les tombes bordent le chemin et l’on pourrait cueillir des fleurs sur chacune d’elles. Iris  bleus et autres fleurs jaunes prolifèrent et donnent à ce lieu un petit air de jardin d’agrément .Sur les façades des maisons à colombages de bois, les compteurs d’électricité sont bien à l’abri dans les boites à lettres inutiles et les grosses ferrures des portes sont fermées à l’aide de ficelles.

La mosquée est toute en bois, comme le minaret. Les rues sont pavées de gros cailloux sûrement d’époque et au coin de la rue, une fontaine coule avec un gobelet au bout d’un lien. Quelqu’un a planté des fleurs dans des croquenots dont la semelle baye aux corneilles. Il y a une âme dans ce patelin inhabité, que nous trouvons très beau, mais que l’on doit quitter.

Continuant notre route vers Kastamonu, nous longeons les belles gorges du fleuve Arak Cay. Superbe ville d’Arak bâtie juste au bord de la falaise rocheuse.

Maintenant on va sur Sinop, mais une bifurcation est possible sur Bafra et Samsun.yoruk koyru Encore une route en réfection, mais elle est très belle avec de petits villages dans le creux des vallées ou bien sur les sommets, avec le crayon blanc des minarets sur fond de verdure. La chaîne de montagnes (Chaîne Pontique) à peine noyée au départ devient finalement invisible, tout comme notre route que le brouillard efface complètement. Il faut se guider avec les lignes blanches souvent absentes à cause des rafistolages, on fait du pas à pas. Impossible de s’arrêter de mon  côté à cause des éboulements de pierres, ou bien le ravin qui affleure au ras de la route. De l’autre côté on risque de rencontrer les véhicules venant en sens inverse et comme nous n’y voyant goutte, la situation est inextricable. On finit par suivre un camion qu’on laisse nous doubler, ses feux arrière nous guident et on retrouve  une zone un peu moins brumeuse, puis plus du tout. L’embranchement de Sinop –Samsun arrive, c’est celui-ci que l’on prend. La nuit est complètement tombée, il fait un froid de canard. La seule pompe du coin est surchargée, on se gare à côté, sur l’aire de pesée des camions (la bascule). C’est noyé de boue, mais on espère quand même bien dormir. Le responsable vient nous dire, en gestes que nous ne dérangions pas et qu’on peut rester là .A demain, c’est un autre, jour !

Près de Tasköprü on manque le site de Pompeiopolis, signalé une seule fois, puis plus du tout, Nous regrettons bien. Mais les autochtones connaissent ils cet endroit, eux qui plantent des haricots au milieu des pierres ?….

Venant tout droit d’un âge révolu,  plein de maisons à croisillons de  bois, longent la route. Architecture originale mais mauvais état hélas ! Puis on rencontre une quantité invraisemblable de briqueteries dans des montagnes rouges formées de toutes pièces par les débris de briques empilées. C’est curieux ! Mais on n’a pas su ce qu’étaient ces carrés remplis d’eau où les travailleurs s’activent ; Peut-être le ramassage d’une terre spéciale pour la fabrication de céramique, peut-être ! Ou bien des rizières peut-être aussi !