Le Mont Ararat

Mardi 8 Mai

Pompe à l’entrée de Tuzluca vers Dogubayazit.
Beau soleil ce matin du 8 Mai (Férié en France)
le mont AraratTrès belle route vers Igdir, qui longe la frontière d’Arménie. En toile de fond, on découvre l’Agri Dagi, le mont Ararat pour nous, il est magnifique. On sort du camion pour le photographier, les gens sont fiers de cet arrêt photo de leur région que nous trouvons si belle «  cok güzel ! » leur disons nous en montrant les pics enneigés, ils s’empressent alors de nous indiquer un endroit plus favorable.  On passe en effet près de son pied entre Kavaktepe et Bartasdi d’où l’on voit les deux sommets du grand et du petit Ararat, qui brillent sous le soleil. C’est rare, car ils sont presque toujours encapuchonnés de nuages. L’environnement est vert, vert émeraude tout inondé par les fleuves recevant la fonte des neiges, ils coulent, débordent et, s’éparpillent partout en dizaines de rivières. On retrouve par endroits de petits villages posés sur la boue, petites chaumières au toit en bouses de vache, avec la réserve en meule devant la maison. Quelques nouvelles maisons carrées ont été construites, avec des toits de tôles brillantes, mais la boue et l’eau cernent  tout. Dans les champs en hauteur, des troupeaux immenses, de moutons et de chèvres sont gardés par de jeunes enfants assis au bord de la route et faisant des signes aux voyageurs.

La route serpente au gré des pics enneigés qui nous entourent, cette épaisseur du manteau blanc à cette époque printanière nous impressionne. En haut d’un col se dresse un monument surmonté d’une  énorme statue de Kémal Ataturk levant les bras comme s’il rappelait aux hommes je ne sais quelle victoire. Ca n’est pas si rassurant que ça ! il y a des champs de lave sur des kilomètres qui émergent de la neige partout présente ici, car l’altitude 2600 mètres est là. Il fait frisquet par ici, on va vers Dogubayazit

La ville est noire et austère comme partout dans  cette région  coincée près  de la frontière Iranienne, le trafic de toutes sortes est intense avec ce pays. Mais on va visiter à quelques kilomètres de la ville, un palais de contes de fées, celui d’Ishacpasa Saray. C’est un gouverneur Kurde qui avait fait édifier cette petite merveille au XVIIme siècle pour en faire sa résidence d’été. On entre par un beau portail Seldjoukide, sur une cour sculptée de niches où s’ouvrent des fenêtres de harem, celles de la bibliothèque et de la salle palais de justice. une mosquéeFace à l’entrée s’élève  une turbe de pierre blonde tout sculpté de fleurs et en levant la tête on remarque un beau  minaret fait de pierres noires et blanches alternées. La visite est étrange et superbe, on va la compléter en montant sur un  éperon rocheux où il faudrait grimper si l’on était plus agiles, il soutient des fortifications et des vestiges de tours du XIIme siècle remaniées plus tard.

Plus haut, dans le chemin tracé,  s’élève une mosquée, d’où l’on a une vue splendide sur le château et la plaine environnante. Ne regrettons pas trop le site sauvage que l’on avait trouvé en 1980, pourtant nous pensons qu’il est bien dommage que des commerces bars, hôtels, marchands de souvenirs, routes qui s’en vont je ne sais où et même discothèque, se soient installés dans ce site unique en lui volant  son mystère…

 Il faut prendre maintenant la direction de Muradiye, notre route suit la frontière d ‘Iran et les passeports sont souvent de sortie. montagnes turquesDe jeunes militaires montent une garde bon enfant, quand ils voient notre nationalité et peut être notre âge. L’un d’eux nous apprend que sa femme vit en France, à Strasbourg, sans doute ira t’il la rejoindre. Parfois l’identité n’est même pas regardée. Après tout leur pays est partiellement en Europe, on pourrait bien se trouver un jour dans la même galère….La route s’éloigne de l’Iran vers Caldiran, les champs sont plus que jamais inondés et les hameaux deviennent des villages lacustres.

Du coup, le soleil à seize heures se fait déjà la malle et la nuit commence à tomber sur nous. Les stations service sont rares, il n’est pas question de choisir, la première venue fera l’affaire même si un camion frigorifique stationne devant. Mais toutes les difficultés nous attendent. La carte visa n’étant pas acceptée je ramasse mes sous et règle mon dû. C’est au moment de sortir que  le fait s’est corsé. Passer dans un espace trop petit c’est impossible, mais le gérant de la station veut à tout prix nous y faire passer. Inutile de discuter…Jeannot sort le grand registre, celui de la logique, puis celui des imprécations rien n’y fait. C’est quand on manque accrocher le rétroviseur d’un côté et la portière de l’autre qu’ils conviennent de l’impossibilité. Où est donc le chauffeur de ce bahut si gênant ? Il faut reculer millimètre par millimètre et se sortir de ce mauvais pas. Jeannot ne décolère pas et la trouille m’habite.. Maintenant, on est garés sur le chemin de l’entrée dans un grand espace, on ne gène personne,  espérons que c’est la bonne option.

Mais pas le moins du monde, vers 10 heures30, alors qu’on dort du sommeil du juste, une pompe à moteur continu est mise en action juste derrière nous. On pourrait tolérer ce bruit s’il était de courte durée mais il n’y a pas d’arrêt, alors on prend la clé des champs dans le noir de la nuit, pour on ne sait quel stationnement possible. Jeannot a mis son pantalon sur le pyjama, moi je suis en chemise. On doit scruter le bord des routes où la ligne blanche est souvent absente, craindre les trous et bosses, le sable où l’on enlise au bord, les camions fous qui, viennent dans l’autre sens dans une nuit d’une noirceur sans égale. On voit juste un carrefour et prenons à l’aveuglette la route de Van. Nous roulons dans l’inquiétude la plus totale, sans espoir de trouver le moindre accotement, la plus petite possibilité de s’arrêter.

Quand tout à coup, on devine un tout petit repli de terrain, on s’y installe en sachant que peut être demain matin on sera enlisés .Les camions roulant sur la route juste à côté de nous tombent dans des trous avec un fracas d’enfer On est seuls, l’œil aux aguets, mais le sommeil finira par vaincre un petit laps de temps inquiétude et rancœur. Voilà !…Au matin…surprise ! On est bel et bien garés sur les bords du Lac de Van. La Providence a guidé nos pas si hésitants. Cet épisode est magnifique, mais il faut continuer notre chemin, Lac de Van

si long à parcourir et si difficile parfois.On quitte vers 4 heures du mat notre refuge pour en chercher un plus confortable et installer plus calmement notre bivouac pour quelques heures. Les abords du lac sont impossibles, marécages et sable, accotements non stabilisés, mais on finit par en trouver un, on s’y installe. Zut ! C’est une locanda. Le jeune patron vient bavarder avec Jeannot  et l’invite à prendre le çay. Sans être sauvage, on voudrait bien dormir et avoir un peu de paix.

Il nous reste plein de choses à faire : Déjeuner, lecture des guides, et des cartes, rédaction du carnet de bord et réparation du désordre de la nuit. Je n’oublie pas de noter l’endroit de la station service litigieuse…il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas !….

Mercredi 9 Mai

Maintenant, attaquons vraiment cette journée qui s’annonce belle. Soleil éclatant, rivages du Lac on doit aller à Van pour changer un peu d’argent, la carte Visa n’étant pas partout acceptée, malgré les dires de nos guides. IL faut avoir des espèces partout préférables.  On salue à l’entrée de la ville, la statue gigantesque du chat de Van .Il rappelle la presque fin de cette race si pourchassée pour sa valeur qu’il n’en reste plus que quelques dizaines d’exemplaires. Le chat de Van à fourrure blanche et yeux vairons, est devenu si rare qu’il  vit protégé dans un musée exclusivement.  On cherche ensuite notre route longeant le Lac de Van et l’on dîne sur un accotement dominant la ville et le Lac .Nous trouve cet endroit magnifique, sans savoir que des problèmes ont surgi entre la population Kurde et des touristes l’été dernier à ce même endroit. Une voiture de police vient justement nous demander si tout va bien, ce qui est le cas. Puis c’est au tour des gérants de campings qui se succèdent pour nous inviter à aller chez eux, où le confort est roi, disent ils sans exception.. 

 Nous optons pour celui d’Akdhamar, dont le patron parle Français, on trouve tout chez lui et nous y sommes déjà venus en 1986.

lac de VanEn réalité, rien ne marche dans ce camping un rien dépenaillé, mais tant pis, on va se reposer et faire le plein d’eau. Potable ? Non potable ? ça, on ne sait pas trop. En tout cas Jeannot met une pastille de Javel dans le réservoir, car même pour laver la vaisselle, c’est plus prudent.

Le camping d’Akthamar est situé juste en face de l’embarcadère, d’où l’on prend la navette qui rejoint l’île, en traversant le Lac de Van. Le «  commandant » de bord, attend  qu’elle soit pleine  pour larguer les amarres, pour nous ce sera demain matin. Mais ce soir à 16 heures 30 on assiste au retour des visiteurs qui vaut son pesant de pittoresque. En fait, il n’y a que des dames en beaux atours, jupes longues bien colorées, ainsi que les foulards. Elles sont toutes munies d’une théière qu’elles tiennent en guise de sac à main. De l’autre main un panier à provision les occupe entièrement. Il y a aussi les porteuses de couscoussier et celles qui portent les sacs où le pain est entreposé. Tout ça piaille et rit bien fort, elles ont eu un joyeux pique-nique.

On visite le petit bazar où personne ne s’arrête, sauf les tours opérateurs. Le patron me guide vers les livres dont aucun ne parle Français, je lui dis mon regret et n’achète rien. Il y a aussi de grandes photos du fameux chat de Van aux yeux vairons, j’en achète deux.

On décide de se coucher tôt, vers 18 heures 30 on dort à poings fermés, jusqu’au petit matin. Quatre heures à peine, le jour est déjà levé, on se lève aussi.

Jeudi 10 Mai

Camping d’Agthamar 6 heures 45
Je suis déjà allée voir depuis notre terrain l’île plongée dans l’ombre pour l’instant .J’aimerais bien qu’elle soit éclairée par le soleil pour nos photos. On avait rendez-vous à l’embarcadère à 9 heures mais à cette heure précise,  il n’y a personne, je pense que les gens gardent leur excursion pour l’après midi. On attend un peu, puis je rentre, Jeannot piège encore. J’ai juste le temps de préparer quelques crudités pour le dîner, lorsqu’il m’appelle. Des minibus ont largué plein de passagers, c’est le moment de s’y rendre aussi. Le bateau navette se remplit vite d’une quinzaine de jeunes filles joyeuses de leur sortie. Habillées àjeunes femmes turques l’Européenne, Jean, tee shirts à commentaire «  I need you » par exemple ou bien tout autre, longs cheveux au vent etc.…seules 2 ou 3 résistantes ont leurs robes noires aux chevilles et leurs cheveux enserrés dans des foulards blancs.Toutes sont adeptes de la musique syncopée et savent se déhancher en tortillant le derrière. Elles nous font bien rire. Pour leur consommation elles amènent un énorme couscoussier, un sac entier de petits pains au sésame faits maison, plus une énorme boîte de gâteaux au miel. On ne voulait pas accepter, mais elles nous mettent dans la main un joli petit pain et un gâteau le tout délicieux. Elles reviennent à 16 heures après leur festin. Peut être on ne les attendra pas.  Enchanteur parcours et arrivée éblouissante, Je ne me souvenais pas d’une telle splendeur. On filme à qui mieux mieux   les sculptures de cette émouvante église élevée sur cette île inhabitée. Voilà ! Rien ne manque pour la beauté du site : île sur le lac de VanLes flots bleus du lac, les montagnes neigeuses du Taurus, les amandiers en fleurs, les monuments Arméniens, sculptures, peintures, stèles etc. .Elle fut construite au Xme siècle, n’a rien perdu de sa splendeur  et les scènes représentées sur les murs nous font réviser la bible. Pour ma part je suis impressionnée par l’expression des visages et des yeux. On traverse l’île jusqu’au drapeau planté au bout. Tout est magnifique de quel côté que l’on se tourne, les montagnes le bleu du lac, les fleurs des arbres, la couleur de la pierre et l’église qui émerge de son écrin de fleurs d’amandiers. On aura  sûrement des photos en double. On entre voir les peintures, qui viennent d’être restaurées, finement il faut le dire, mais restaurées quand même et visiblement, sans doute est-ce dommage….

vue sur le lac de Van On embarque à nouveau pour le retour vers 12 heures 30 avec un groupe d’Anglais et ce  parcours  n’est pas aussi drôle. Ils s’arrêtent au restaurant du camping tandis que l’on prend la clef des champs.

La route est encore très belle, longeant le Lac, on a quelques arrêts policiers et nous échangeons des E mails et des mots amicaux, avec ces contrôleurs de la route. On ne s’étonne pas que cette région soit si surveillée,  y aurait t’il des troubles ou des émeutes comme il y en a quelquefois avec les Kurdes, qui veulent attirer l’attention du monde sur leurs problèmes, sans pour autant les résoudre. ?

On achète du pain et divers légumes à Tatvan, où une  vache broute l’herbe verte qui pousse entre les deux murets du milieu séparant les deux côtés de la route.

Le vieux commerçant n’a pas encore assimilé les YTL les nouvelles lires, en cours depuis deux ans et m’annonce les prix en millions, en riant je lui dis ne pouvoir payer des sommes pareilles. Il me montre, alors sa note où les chiffres placés n’importe où ne peuvent s’additionner correctement. Grâce à la calculette on arrive au bon compte. Je pars en lui serrant la main  et il nous accompagne tout content.

La ville de Tatvan est très longue, une station Pétrol ofisi se trouve à la sortie. Le gérant nous installe à côté de l’oto lastic qui a cessé son travail en fin de journée. On pourra se détendre, ici à l’écart  des camions.

Que de poussière à ce carrefour et combien de camions ! Il y a devant l’atelier des pneus, un réservoir avec un robinet qui coule constamment. Le réservoir déborde et l’eau se répand sur l’aire de la station où les flaques frisent l’inondation avec la poussière ambiante c’est de la boue.  Puis il se met à pleuvoir, à grosses gouttes qui tambourinent sur le toit de notre véhicule….Chic ! La poussière s’en va ! et on a des nouvelles de Françoise. Bon repas, bon sommeil !