La Via Lemovicensis

De Vézelay à Saint-Jean-Pied de Port, 950 km

Il vous faudra parcourir 950 km pour aller de Vézelay à St-Jean-Pied-de-Port et ainsi en finir avec la Via Lemovicensis. Cette option pour rejoindre St-Jacques-de-Compostelle connaît le sort inverse à celui de son concurrent Turonensis. Peu retenue au Moyen-âge, elle convainc de plus en plus les voyageurs et s’impose progressivement dans l’univers jacquaire. Les associations locales font d’ailleurs leur possible pour offrir aux passants des refuges agréables. Vous trouverez donc sans aucun problème quelques gîtes et tavernes bien cossues pour vous régénérer et vous rassasier à satiété sur le bord des chemins. Ces chemins sinuent à travers des régions françaises pour le moins agréables et assez satisfaisantes du point de vue « choses à voir et à faire ». Petit listing…

1/ Vézelay : Haut lieu de la chrétienté
C’est dans la petite commune d’Asquins, à proximité de Vézelay et au centre de l’Yonne, en Bourgogne, que la Via Lemovecensis prend naissance selon les indications du Guide du Pèlerin.
Le point de ralliement des jacquets du Nord-est est fixé à l’église Saint-Jacques-le-majeur qui était originellement dédiée à son constructeur Saint-Martin mais qui a rapidement été remplacé par St-Jacques. Perché sur son promontoire rocheux, l’édifice dépend de Vézelay et a su tirer profit de la notoriété du pèlerinage de Compostelle pour obtenir une place au classement du patrimoine mondial de l’UNESCO.
  Rues de St-Jacques
Dans les rues de St-Jacques Un coup de force quand on sait qu’à quelques kilomètres de là seulement, une merveille illumine les passants : la Basilique de Vézelay. Elle est l’un des plus fameux chefs-d’œuvre de l’art roman (eh oui encore !). C’est en partie grâce à elle d’ailleurs que l’on doit rajouter une ligne sur la liste des villes classées au patrimoine mondial de l’humanité en y insérant Vézelay.
La Basilique est dédiée à Sainte-Marie-Madeleine et contient quelques restes, déposés là par deux moines de Vézelay. Les deux serviteurs du seigneur auraient accompli le voyage jusqu’au lieu d’inhumation de la sainte Vierge, St-Maximin, pour doter leur cité d’un grand trésor. Depuis, la supposée dépouille ne cesse d’attirer les chrétiens et fournit un prétexte pour venir admirer cette splendeur à couper le souffle. La cathédrale parvient à dompter la lumière tout en unissant avec succès les univers roman et gothique. La rondeur des arches de la nef et des trois travées du narthex s’allient parfaitement aux angles plus sévères du chœur gothique. Une réussite totale pour ce chef d’œuvre qui a lui seul suffirait à motiver les voyageurs les plus hésitants.

2/Bourges ou Nevers, il faut choisir…
À partir de Vézelay, les risques de désaccords peuvent générer quelques accrocs entre les pèlerins et quelques hésitations. Deux itinéraires sont effectivement envisageables pour rejoindre Limoges. Soit l’on passe par Bourges et Châteauroux, soit on préfère Nevers. Mais dans les deux cas, vous serez immergé dans une ambiance médiévale où les maisons à pans de bois sont ombragées par l’église ou la cathédrale dédiées à Saint-Etienne.
Mention spéciale pour celle de Bourges qui donne à voir des vitraux aux couleurs éclatantes datant du début du XIIIe siècle, irisant magnifiquement les pierres qui jonchent le sol de cette impressionnante cathédrale. Le principal reste d’arriver à Limoges, prochaine grande étape de la Via Lemovicensis et cela en passant avant par St-Léonard-de-Noblat.

3/ St-Léonard-de-Noblat Puerta Santa
La Puerta Santa de St-Jacques de Compostelle Vous voilà à Saint-Léonard-de-Noblat. Les terres bourguignonnes font place au paysage du Limousin dont vous commencez à percevoir l’esprit : landes sèches et tourbières, bois et vallons sillonnés de rivières claires.
À St-Léonard, les corneilles vont accueilleront et vous berceront avec leurs aimables pépiements. Des colonies ont en effet emménagés dans le clocher de la collégiale St-Léonard, édifice marquant de cette petite ville plantée sur l’un des chemins de Compostelle. On comprend qu’à 52 m de hauteur, les petites corneilles apprécient la vue que la tour religieuse leur offre.
À l’intérieur, les pèlerins trouvent eux aussi leurs comptes avec la présence du tombeau de Saint-Léonard, surmonté d’une chaîne miraculeuse qui aurait le pouvoir de faciliter le mariage et l’enfantement des femmes qui toucheraient son verrou sacré.
Une fois la collégiale du XIe siècle découverte et explorée, il vous faudra rejoindre votre groupe et cheminer ensemble, toujours dans la bonne humeur et dans la convivialité, vers Limoges, capitale du Limousin, qui, comme toutes les étapes des chemins de St-Jacques, possède elle aussi sa cathédrale d’anthologie.

4/ Limoges : La ville rouge
Appelée « ville rouge » pour des raisons politique, la capitale du Limousin est aussi connue pour sa cathédrale St-Etienne, classée aux Monuments Historiques dès 1862. Cet édifice massif construit à partir du XIIIe siècle renferme deux œuvres renaissance d’exceptions : un jubé (édifice en pierre ou en bois séparant le chœur liturgique de la nef) et le tombeau de l’évêque Jean de Langeac sur lequel sont délicatement sculptées des scènes de l’Apocalypse inspirées de Dürer. Sa construction a connu de nombreux contrecoups et a duré jusqu’au XIXe siècle.
  St-Jacques de nuit
Saint-Jacques de nuit La visite peut se prolonger par l’arpentage des jardins de l’évêché qui s’étendent aux pieds de la cathédrale sur deux hectares et qui présentent une grande diversité d’espèces allant du local (région) au plus lointain (autres continents).

On ne peut pas évoquer Limoges sans insister sur sa célèbre porcelaine. La ville lui consacre pour la produire des ateliers et des manufactures et pour l’expliquer et la promouvoir, un musée. N’hésitez donc pas à aller vous renseigner sur le pourquoi et le comment de la porcelaine et à vous offrir un petit souvenir en céramique de qualité.
Notez aussi que la ville mise aussi sur l’émail et les vitraux pour afficher une vocation artisanale.

Après avoir donc obtenu une promesse de miracle et avoir dans le sac à dos un joli morceau de porcelaine authentique, la route reprendra son droit et vous captera à nouveau pour vous emmener jusqu’à Périgueux. Une autre atmosphère que celle du Limousin vous attend mais elle est tout aussi agréable : c’est celle du Périgord.

5/ Périgueux : la douceur et la joie de vivre du Périgord
Le Périgord a son propre charme : des plateaux creusés par des rivières paisibles qui conduisent sagement les canoës des arpenteurs aquaphiles de la région. Le paysage se remplit de hautes falaises qui encadrent une portion de vallée. Il n’est pas rare que quelques châteaux ou que quelques belles demeures en pierre profitent de l’altitude de ces élévations rocheuses pour dominer les ruisseaux. Sans parler des richesses naturelles de la région.
  Toits de St-Jacques
Toits de Saint-Jacques de Compostelle Regardez bien où vous mettez les pieds car vous risquez sinon de passer à côté d’excellents champignons (la fameuse truffe !) ou de noix bien goûteuses. Préparez aussi votre panse car ici, la gastronomie est exceptionnelle et satisfera les palais les plus difficiles à émouvoir : foie gras, confit, magret. Le pays du canard ne fait pas dans le diététique mais entend jouer sur d’autres arguments : la saveur et le délice.

Vous l’aurez compris, cette portion périgourdine de la Via Lemonivencis n’est pas vraiment une épreuve et vous fera oublier vos petits tracas (ampoules, douleurs musculaires, maintien de la cadence, lassitude…) en ne vous offrant que du beau et du bon. La preuve : Périgueux, ancienne cité gallo-romaine au cœur du Périgord. Parc Alameda
Parc Alameda à Saint-Jacques de Compostelle Sur sa carte d’identité figure 39 édifices classés aux Monuments Historiques dont la remarquable cathédrale byzantine Saint-Front. Son plan en croix grecque permet de soutenir un ensemble de coupoles sur pendentifs qui donne une impression d’espace et de légèreté. Le pèlerin saura profiter de cet superficie et sera de plus converti aux mélodies grâce au carillon célèbre dans toute l’Europe (il est composé de 7 cloches « de volée » et de 10 cloches fixes). C’est donc sans doute l’esprit et les pieds légers que vous quitterez Périgueux entouré d’ondes sonores captivantes.

Petite précision : la ville possède aussi 3 musées pour les plus culturels (Musée Vésunna construit pas Jean Nouvel et exposant des vestiges gallo-romains, Musée d’art et d’archéologie du Périgord et enfin Musée militaire du Périgord). De dimension régionale, leurs visites seront donc parfaites si vous avez aimé l’ambiance périgourdine et si vous voulez devenir un peu plus expert et connaisseur du Lot et autre départements locaux.

6/ La Réole : Retour dans le médiéval
Fondée en 977, cette vieille ville aux ruelles étroites et escarpées fleure bon le médiévisme. Les remparts sont là, les petites bâtisses sont en pierres et les rues pavées. Tout cela se déploie autour de son église Saint-Pierre qui étoffe le patrimoine roman français grâce à ses absides et à ses figures grimaçantes caractéristiques de ce type d’architecture.
Le prieuré des Bénédictins complète la richesse de la ville avec ses salles voutées, ses minuscules cellules de moines et son cloître. De l’extérieur, l’édifice reste néanmoins austère et sobre et se présente sous la forme d’un énorme ensemble de constructions disposant d’1 hectare pour imposer son architecture rigoureuse et symétrique.
  Toit de la cathédrale
Sur le toit de la Cathédrale de Compostelle Le lavoir de la Marmory et le château des Quat’sos retiendront les plus méticuleux, qui veulent tout voir et tout parcourir.

Après un passage à Mont-de-Marsan (région Aquitaine, département des Landes), le flux de jacquets de la Via Lemovicensis se joindra aux pèlerins de la Via Turonensis à St-Palais. Les yeux seront tous autant épuisés que les pieds à force de voir tant de merveilles. Chacun aura ses propre souvenirs dans la tête et déjà de nombreux kilomètres dans les pattes. De St-Palais, il faut désormais se rendre à St-Jean-Pied-de-Port, la porte d’entrée de l’Espagne en plein cœur des Pyrénées. Les Français de la France profonde iront alors jusqu’à Puente la Reina pour récupérer leurs frères méditerranéens venant du sud et ayant empruntés la Via Tolosana.

  Sophie Graffin
Publié le 26/05/2010

Crédits photos : © ACIR/S.VAISSIERE ; © Turismo de Santiago