Peugeot et cloches

Une folie : un retour au volant d’une Peugeot

Vous en avez assez de votre vieux tacot pétaradant honteusement et émettant scandaleusement un nuage opaque de fumée à chaque coup d’accélérateur ? Le temps est venu de renoncer à la voiture héritée de grand-papa ? Cette escapade en Franche-Comté est l’occasion rêvée de changer de véhicule (vous aurez en plus la certitude de ne pas tomber en rade sur la route du retour !). Cependant, il faut pour cela une condition : que vous aimiez les Peugeot. Ne parlez pas en effet aux Francs-Comtois du grand rival qu’est Renault. Ici, on ne jure que par la fierté de la région : les usines Peugeot. C’est dans le pays de Montbéliard (Nord du Doubs) que les Peugeot, installés dans la région depuis le XVe siècle, entreprennent une aventure industrielle en transformant le moulin familial en fabrique de lame de scie. Cela fait pile deux cent ans, c’était en 1810. Les premiers produits qui sortent des usines sont des moulins à cafés, des machines à coudre qui se vendent discrètement aux autochtones.

En 1850, le lion est adopté comme emblème de la firme. Résistant, souple et rapide, le félin est parfait pour incarner les qualités des scies Peugeot. Le symbole prend différent visages (en forme de flèche, debout dressé sur ses pattes arrières, tête gueule ouverte) avant de s’inscrire dans un logo et de subir une campagne de stylisation. Aujourd’hui, tout le monde connaît la marque au lion qui reste l’une des fiertés de l’industrie automobile française. Et bien c’est ici, à Sochaux, que cette folle odyssée a commencé et que l’empire Peugeot s’est ancré.

À Sochaux, avant l’achat de votre nouvelle berline, vous pourrez aller faire un tour non seulement dans le site de fabrication PSA (Peugeot Citroën), mais également dans le musée de l’Aventure Peugeot qui explique comment une fonderie en acier s’est mise à la production automobile pour le meilleur (et non pour le pire, vu le succès !).

La muséographie est inoubliable. Déjà, il y a de la place et les visiteurs ne se marchent pas sur les pieds. Ensuite, l’immersion dans les époques est totale grâce à des ambiances évoluant au fil du parcours chronologique. En entrant, on est jeté dans l’ère de la Révolution Industrielle. On est happé par un atelier reconstitué, par de vieilles pompes à essence avant de poursuivre dans l’Art Déco des années 20. La modernité se fait enfin peu à peu sentir avec la moquette qui vient remplacer le carrelage en mosaïque et les mezzanines supportant les concepts-car les plus récents.

Les amateurs de belles carrosseries trouveront forcément de quoi réveiller leur passion dans ce garage exceptionnel. Toutes les Peugeot sont réunies : les voitures de ville et les numéros défileront au rythme de vos pas. La petite dernière est la 205, ce « sacré numéro » qui a aujourd’hui l’âge requis pour rallier les collections (25 ans). Le visiteur hésitera entre une pièce de collection et la dernière version rallye de la 206, affublée de ses ailerons aérodynamiques pour mieux dompter la résistance de l’air. Pour les très modestes, les plus raisonnables ou les plus écolos, il reste le vélo. La société ne s’est pas en effet contentée d’imposer son lion dans le monde de l’automobile. Elle a aussi fortifié son activité par une petite mainmise sur le marché du cycle. Sa filière deux roues a pris son autonomie en 1926, se séparant alors de l’activité automobile peu rentable à l’époque.

En 2010, à l’occasion des 200 ans de la marque, le musée se surpasse et offre 1 500 m² de galeries supplémentaires. De quoi exposer les véhicules utilitaires (camionnettes, limousines commerciales, fourgons, véhicules militaires ou de pompiers…) et faire rêver les plus pragmatiques et les moins ambitieux.

En sortant ébahi de cette visite alléchante, pour vous aider à oublier les voitures que vous auriez volontiers soutiré au musée, consolez-vous en faisant un petit tour dans l’une d’entre-elles. Une promenade véhiculée dans le quartier est en effet comprise dans le billet et vous sera proposée.
Peut-être pourra-t-elle même vous mener jusqu’au site de production pour que vous puissiez enfin acheter votre nouvelle Peugeot…
 

Une cloche pour Pâques ou pour la cuisine

Production de cloches

Si ce n’est pas les soubresauts de votre véhicule qui vous agacent mais les appels « à table » restés sans réponses, optez alors pour le petit village de Labergement-Ste-Marie ou pour la ville de Morteau. C’est dans ces deux localités franc-comtoises du département du Doubs que se se sont installés plusieurs membres d’une même famille italienne : les Obertino. Leur spécialité ? Les cloches. En vous appropriant l’une de leur pièce de qualité aux tintements puissants et assourdissants vous serez alors sûr que toute la famille rappliquera fiça pour le dîner !

En fait, en utilisant une cloche « Obertino » pour appeler à table, vous détournerez l’objet de sa fonction principale. En Franche-Comté, les clarines sont avant tout destinées aux vaches jurassiennes. On les attache à leurs cous pour mieux les localiser, mais aussi pour leur bien-être. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les bêtes à cornes sont rassurées par un environnement sonore auquel elles sont accoutumées. Cela les apaise et les tranquillise.  Mais rien ne vous empêche d’en détourner l’usage pour votre propre tranquillité, celle de ne pas avoir à vous époumoner à l’heure du repas.

Les Italiens sont des pros en la matière. Ce sont les Piémontais qui ont colonisé la région entre 1800 et 1850 pour faire la tournée des marchés et épuiser leur stock de grelots. Au début, les fondeurs italiens revenaient un semestre sur deux dans leurs régions natales pour revoir leurs femmes et leurs enfants restés au village. Mais peu à peu, l’activité s’est sédentarisée et les familles se sont installées dans les montagnes françaises. Les Obertino ont adopté la Franche-Comté à la fin du XIXe siècle. En 1901, Joseph loue une ancienne fromagerie brûlée en 1898 et récemment restaurée pour s’y installer et y travailler. Les pots de crèmes et les tomes de comté laisseront les plans de travail libres pour y poser des moules à cloches. Aujourd’hui encore, c’est cet atelier qui vous accueillera pour vous présenter la fonderie et vous expliquer comment une masse informe de métal en fusion devient une belle pièce en bronze étincelante et vibrant sous l’impact d’un battant.

Face à cette fonderie centenaire, un pavillon octogonal plus récent se dresse et laisse entrevoir, derrière ses larges fenêtres, des comptoirs remplis de clochettes, de carillons et de clarines en tout genre. Toutes ces pièces, venant directement de l’atelier d’en face, sont destinées à la vente (1/3 des cloches coulées sont vendues aux touristes, un autre aux éleveurs et le tiers restant aux commandes personnalisées). Vous pourrez donc ressortir du petit cabanon avec votre propre sonnette à moins que vous n’optiez pour une sonnaille (à distinguer de la clarine car n’est pas fondue en bronze mais simplement forgée dans le fer) qui elle ne viendra pas de chez Obertino. La famille a en effet délaissé ce pan de son activité pour se consacrer à la fonte.

Profitez bien de cette boutique de Labergement-Ste-Marie car les Obertino sont les seuls en France à maîtriser encore l’art campanaire de la fonderie. Certes, il reste encore huit fonderies en Suisse, mais en ce qui concerne la France, on ne peut compter que sur cette famille qui s’acharne encore aujourd’hui à maintenir leur activité de tradition. Alors, faites comme Jacques Dufilo, Mireille Darc ou Alain Souchon, rendez visite aux Obertino et emplissez vous les poches de grelots !

Sophie Graffin
Publié le 15/07/10
Crédits photos : © Musée Peugeot ; © Floriane RAVARD ; © OT ; © Sophie Graffin ; © CRT Franche-Comté, M. Joly ; © Sophie Graffin