Chauves-souris et le gisement paléontologique du gouffre de la Fage

Noailles en Corrèze

Les chauves-souris

Descente dans le gouffre

25 m plus haut, le jour…

Qui se serait douté que ces tréfonds enfouis à 25 m de profondeur conviendraient tout à fait à de petits êtres velus et volants, qu’en général, l’on trouve plutôt inquiétants et repoussants ? Et pourtant, l’endroit sombre et humide convient parfaitement aux chauves-souris, qui trouvent au milieu des sculptures calcaires une fraîcheur et un calme parfaits pour hiberner, se reproduire et par suite mettre bas. Tout est réglé avec précision chez ces petits volatiles chiroptères (littéralement, qui volent avec les mains). À l’automne, en septembre, les mâles vont à la rencontre des femelles pour s’accoupler. L’hibernation, de mi-novembre à mi-mars, laisse alors le temps aux embryons de se développer jusqu’à ce que l’été n’arrive. C’est alors en même temps que le soleil et la chaleur que les petits voient le jour. Les femelles mettent en effet bas vers le mois de juillet et retrouvent leurs activités pour nourrir toutes ces nouvelles têtes. Cela donne d’ailleurs l’occasion à des sorties ébouriffantes pour ceux qui se trouveraient sur leurs chemins : les colonies sortent en groupe, par espèce, à la fin de chaque journée, pour aller à l’assaut des insectes et ramener la nourriture à leurs protégés, gardés pour l’occasion dans une « nursery » surveillée par une femelle en charge des nouveau-nés. Le ballet aérien ne dure pas moins d’une demi-heure !

Le nombre de chauve-souris mais surtout la diversité des espèces présentes font du gouffre de la Fage un lieu unique et exceptionnel. Il est pour cela classé Natura 2000 et doit dès lors se soumettre à quelques contraintes : fermeture du 1er novembre au 1er avril pour ne pas gêner les chauves-souris qui hibernent, restriction des visites guidées pour éviter que le bruit ne perturbe les mammifères… 14 espèces sur les 33 présentes en France se partagent les souterrains de la Fage. Cela représente près de 14 000 individus. Les Rhinolphes, Murins et autres Oreillards doivent alors cohabiter et les touristes se faire les plus discrets possibles pour les observer en même temps que le gouffre, sans les déranger.

La galerie Nord et le gisement paléontologique

Une fois coincé par l’éboulis qui empêche de persévérer vers le Sud, il faut retourner sur ses pas et retrouver le luxe calcaire de la grande salle de départ. La seconde galerie, celle du Nord, est alors à emprunter. Moins haute, plus large et plus blanche que la première, elle fait varier le spectacle grâce à son plafond mirobolant. Levez les yeux et vous apercevrez, sur une longueur de 200 m, une constellation de stalactites et de colonnes remarquable. Quelques chauves-souris seront encore là pour vous rappeler que vous n’êtes pas seul. Les yeux encore rivés sur ce délicieux plafond, vous remonterez alors doucement et sans vous en apercevoir vers un autre lieu extraordinaire : un gisement paléontologique.

C’est en aménageant le site pour le grand public que les hommes sont tombés sur un dernier trésor : un amoncellement de restes d’animaux avec parfois des squelettes entiers. Il a fallu beaucoup de détermination et de travail pour extraire tout cela de l’emprise de la pierre qui les protégeait si bien des altérations. Au cours de 5 saisons consécutives de fouilles (de 1964 à 1968), 15 spécialistes et de nombreux bénévoles ont trituré 300 m3 de sédiments pour en dégager des restes d’animaux de toutes sortes.

Stalactites en forme de mamelles. Au fur et à mesure du décapage des multiples couches de calcaire, des ossements de rongeurs, d’herbivores (daims, chamois, rhinocéros), de carnivores (loups, putois), d’amphibiens, de reptiles et de plus de 95 espèces d’oiseaux ont été prélevés. Cela constitue un témoignage formidable de la faune d’antan, notamment grâce à la présence de restes appartenant à des bêtes disparues. Au total, on dénombre 184 espèces découvertes dans ce trou qui a patiemment recueilli les déchets que lui amenait directement une rivière aujourd’hui tarie. Quelques vitrines incluses dans la roche des parois exposent les pièces les plus remarquables et pertinentes, et pour finir la visite de manière ludique, un espace paléontologique est réservé aux enfants pour qu’ils s’initient aux émotions de la fouille.

La remontée vers le grand jour se fait alors dans le calme, toujours pour préserver l’intimité et le bien être des habitants qui ont bien voulu nous laisser entrevoir les merveilles qui sont habituellement plongées dans l’obscurité et soustraites aux yeux des hommes. On sort de là non pas ébloui par la lumière mais par la beauté de ces merveilles découvertes.

Au gouffre de la Fage, tout relève du fantastique et du merveilleux. En s’enfouissant à 25 mètres sous terre, l’on pénètre dans un monde où le minéral et les chauves-souris sont reines. Des battements d’ailes bruissent furtivement entre des sculptures calcaires fuselées au hasard du trajet de l’eau. Et pour clore le spectacle d’un monde encore en vie, une touche funèbre s’ajoute avec une remarquable collection de fossiles d’animaux préhistoriques. La preuve que sous nos pieds se cachent bien des merveilles.

Sophie Graffin Publié le 29/07/11
Crédits photos : © Sophie Graffin