Le roi des Canons et la reine des Cloches
Poursuivez en longeant le Grand palais du Kremlin, et arrivez sur la place des cathédrales. Devant vous se dressent les principaux monuments de l'ancienne architecture ecclésiastique de Russie. Au temps de l'Ancienne Russie se déroulaient ici toutes les principales festivités et manifestations, des plus solennelles avec les processions religieuses, aux plus fastueuses comme les couronnements de tsars.### La cathédrale de l'Assomption de la Sainte Vierge
La cathédrale de l'Assomption
Cette cathédrale en pierres blanches, couronnée de cinq coupoles dorées, a été construite en 1325, suite à la décision du métropolite de remplacer la vieille église en bois du 12e siècle déjà existante. Depuis son origine elle est le lieu où se déroulent les grandes cérémonies comme les Te Deum ou encore les couronnements de Tsars. Certains souverains y célébrèrent même leurs noces.
L’intérieur de la cathédrale a été à maintes reprises modifié. La première iconostase à trois rangées a été réalisée en 1481 par les grands maîtres de l’art des icônes des ateliers du Kremlin. A ne pas manquer : l’église renferme ainsi de vrais trésors, dont cette icône de Saint George, qui date vraisemblablement du 13e siècle, et qui était recouverte par 9 autres couches de peintures. En effet, le traitement de la planche de bois qui servait de support à l’icône étant très long, il était généralement de coutume de réutiliser une icône déjà existante et de repeindre par-dessus. C’est ainsi que des grands chefs d’œuvre ont probablement été perdus, et qu’aujourd’hui, grâce à la science, on peut en redécouvrir.
Dans les églises russes les fidèles ne peuvent pas s’asseoir pendant l’office, ce privilège était réservé au tsar. On peut ainsi voir dans la cathédrale l’oratoire d’Ivan le Terrible ou « trône de Monomaque », qui a été installé dans la cathédrale en 1551.
La cathédrale renferme également les tombes de quelques uns des patriarches de l’Eglise russe.
La cathédrale de l'Annonciation
Cathédrale de l'Annonciation
Chapelle familiale des Grands Princes russes, la cathédrale de l’Annonciation possède neuf coupoles et accueillait traditionnellement les cérémonies de baptême des nouveaux nés et de mariage.
Le bâtiment que l’on voit actuellement date du 15e siècle, lorsqu’Ivan III décida de remplacer l’ancienne chapelle devenue trop vétuste. Fortement endommagée lors d’un incendie au 16e siècle, elle fut rénovée et on lui ajouta des coupoles ainsi que des petites chapelles supplémentaires. Elle était jadis reliée au grand Palais du Kremlin et aux appartements privés des tsars.
A l’intérieur se trouve une tribune qui servait de lieu de prière à la tsarine et au prince héritier tandis que le tsar et les hommes restaient en bas. La taille de la chapelle principale est très modeste et était clairement destinée à accueillir un nombre restreint de personnes.
A ne pas manquer : les dalles en jaspe au sol ainsi que la très belle iconostase à cinq rangées. Celle-ci contient de véritables chefs d’œuvre historiques : des icônes peintes par Théophane le Grec et Roubliov, grands peintres incontestés d’icônes du 15e siècle dont il ne reste qu’une infime partie parmi toutes les œuvres qu’ils ont réalisées. ### La cathédrale de la Dormition
La cathédrale de la Dormition
Située au sud de la place des cathédrales, celle-ci servit jusqu’au 18e siècle de nécropole aux grands-princes de Moscou puis aux tsars. Elle céda ensuite sa place à la cathédrale Pierre et Paul à Saint Pétersbourg. Selon la légende, l’église en bois originelle qui datait du 12e siècle aurait été remplacée en 1333 par une cathédrale en pierres blanches pour commémorer la délivrance de Moscou d’une grande famine.
Le premier prince à être enterré ici fût Ivan Kalita en 1340, suivirent tous les grands princes et leurs proches parents jusqu’à Pierre le Grand.
La conception de cette cathédrale répond parfaitement aux critères de la vieille architecture russe : elle est coiffée de cinq coupoles avec de minces fenêtres apparentes, qui sont légèrement orientées vers l’est et de diamètres différents afin de donner de la légèreté et de la vitalité à l’architecture.
A ne pas manquer : à l’intérieur de la cathédrale, l’iconostase encore une fois, car celle-ci est en bois et recouverte de gravures dorées. La restauration de 1853 a apporté le très beau baldaquin sculpté au dessus des portes saintes qui abrite l’icône de la « Sainte Cène ».
A noter : seuls des hommes reposent dans la cathédrale. Leurs restes sont dans des tombeaux de terre blanche à 1,5m de profondeur. L’édifice abrite 54 tombeaux dont 52 qui se trouvent sous les dalles du plancher, et deux châsses qui sont elles en surface. ### Le clocher d'Ivan-le-Grand
Le clocher d'Ivan-le-Grand
L’ensemble est constitué du clocher, du beffroi et d’une chapelle. Il se trouve entre la place des cathédrales et la place Ivanovskaïa. Les fondations du clocher datent de 1505 et sa hauteur de près de 60m lui conférèrent le rôle de tour de guet depuis laquelle on voyait à plus de 30km. Le tout fut surélevé en 1598 à 81m afin de surpasser toutes les autres constructions du Kremlin.
Lors de l’invasion de Moscou par Napoléon en 1812, les français firent sauter le clocher qui, bien qu’endommagé, résista. Il compte près de 21 cloches qui ont toutes été fabriquées par les fondeurs russes entre les 16e et 19e siècles. Chacune d’elle pèse plus de sept tonnes ! Aujourd’hui, le rez-de-chaussée du beffroi abrite une exposition d’arts décoratifs appliqués (joaillerie, étoffes précieuses, armures, broderies d’art…).
Le tsar des canons et la reine des cloches
Sur la place Ivanovskaïa se trouvent deux chefs d’œuvre de l’art de la fonte russe.
La reine des cloches s’inscrit dans la tradition de la fonte monumentale russe : dès le 17e siècle les ateliers de Moscou avaient pour coutume de couler des cloches géantes, mais la plupart ne sont pas arrivées jusqu’à nos jours.
L’histoire de la reine des cloches n’est pas commune : en 1730, sur ordre de l’impératrice Anna Ioannovna, on creusa sur le territoire du Kremlin une fosse de 10 mètres pour couler la cloche dont le poids dépassait les 200 tonnes. Malheureusement le plafond de l’entrepôt s’effondra lors d’un incendie ; alors qu’on essayait d’éteindre le feu, le choc thermique provoqua un refroidissement inégal et un fragment de 11,5 tonnes se détacha de la cloche. Il fallu attendre 99 ans et l’architecte Montferrand, créateur de la cathédrale St Isaac de Saint Petersbourg, pour sortir la cloche de la fosse et la placer sur le piédestal sur lequel elle est actuellement.
Le roi des canons, quant à lui, est une pièce unique : 40 tonnes pour 5,34m, avec un calibre de 890mm ! Destiné à protéger le Kremlin, il n’envoya cependant aucun boulet. Il n’a pas toujours été placé à côté de la Reine des cloches : à l’origine sur la Place Rouge, il ne prit sa place dans l’enceinte du Kremlin qu’en 1960.
La reine des cloches | Le roi des Canons |
Alexandra Billard
Publié le 25/05/12
Crédit photos : © Alexandra Billard