Route des trolls

Reprendre le ferry  pour retrouver notre route, il n’y faut pas penser car l’embarcadère affiche «  no schredule «  ce qui signifie «  pas de programme » et cela sans date de reprise du trafic normal. On est surpris et bien embêté. Il y a fort heureusement une petite route à une voie qui longe le fjord et rejoint la route nationale, il faut tenter de faire ce parcours, en espérant n’avoir pas de vis à vis. Il y a 31 kilomètres à effectuer, plus 3 tunnels sommairement aménagés. On joint la route principale en trombe, 60 ou 70 kmh, sans rencontrer personne.

Maintenant on voudrait prendre la route des trolls, la fameuse Trollstigen, mais les deux annonces sur les bas côtés , que j’ai copiées, pour les faire traduire semblent dire qu’elle est fermée pour cause de neige. On revient encore sur nos pas, joindre le camping aperçu ce matin, où l’on nous confirme la route coupée, en attente de chasse-neige.

Bonne nuit au camping Vasbaken, où nous sommes seuls, avec un camping car d’Allemands arrivés peu après nous. Au matin, visite au ruisseau issu de la cascade de haute montagne et  aux chalets parsemés sur  cet immense terrain, puis départ.

Nous sommes toujours dans la province du Télémark, avec ses montagnes neigeuses, ses gorges profondes, ses lacs gelés. Il neige encore si j’en crois les mouches qui volettent devant nos yeux. La route est montée doucement et sur le grand plateau blanc, balayé par des bourrasques, toute vie s’est arrêtée. Le GPS note 1400 mètres d’altitude. Les reliefs de la montagne s’allongent de stalactites de glace, c’est encore le plein hiver fin mai par ici.

Derrière la vitre du camion, le soleil est chaud et  la réverbération intense. Nous préparons notre repas offert par Daniel. Les lentilles au sanglier se révèlent délicieuses, on n’en laisse pas une seule. Nous avons fini par trouver du pain , cherché en vain au départ, nous en achetons de grandes miches chez le pompiste. Bien enveloppé il se rassit mais reste mangeable.

Route enneigée 

Nous poursuivons notre route dans le mauvais temps, lorsqu’apparaît la colonne de la Saga. Sculptée à la gloire des vainqueurs des batailles qui ont valu l’indépendance à la  Norvège, ce monument est toujours controversé. La colonne devait à l’origine s’élever devant le parlement d’Oslo, qui refusa son implantation, car le sculpteur était un sympathisant nazi, pendant la seconde guerre mondiale.
 Refusé par la ville d’Oslo, puis de Lillehamer où se déroulèrent les jeux olympiques d’hiver, elle fut érigée ici, dans ce village d’Elvesaeter  où l’artiste séjourna. Ainsi s’élèvent 40 mètres d’histoire, pour ce patelin sans histoire.

Eglise Lom     

L’église de Lom va clore pour l’instant nos visites à ces incroyables monuments de la foi que sont les stavkirke. Elle est en bois clair lazuré, avec une seule paroi goudronnée, celle des intempéries. Comme partout le cimetière engazonné fait le tour de l’édifice, sorte de jardin à l’anglaise où pépient les oiseaux.

Mais nos itinéraires sont souvent modifiés à cause de l’état des routes coupées par la neige, ainsi on vient d’apprendre que la route des Trolls est impraticable, jusqu’au déneigement. Faire l’impasse sur ce parcours est un vrai crève-cœur, mais on doit s’y résigner et l’on fait route vers Trondheim.

Campement n’importe où, sur une aire en construction à Eresfjord. Il n’y a personne ici non plus . Seuls deux oiseaux au long bec jaune et au plumage de pie viennent nous visiter. On tente de les apprivoiser sans grand résultat, mais notre présence ne semble pas les déranger, ils poussent de petits cris pointus et trottinent menu,  c’est bien dommage qu’on ne parle pas le langage «  oiseau ».

Se déclinant à l’infini, ces anciennes vallées glaciaires, recouvertes par la mer se découvrent le long des routes. Entre harmonie et silence, le reflet des villages se jetant dans l’eau transparente, double l’image aux belles couleurs.

Après le pont de Krifast à péage, nous atteignons Trondheim.et campons à Samoëns  10 km avant la ville. Quelques touristes sont là. Allemands surtout et  la vie s’est pas si facile que ça pour le langage. L’anglais qui revient par bribes reste très utile, mais si peu spontané…

 

Mardi 25 mai

 

Cathédrale Nidaros 

C’est la troisième fois que nous visitons la cathédrale Nidaros, chaque fois avec le même enthousiasme. Elle fut érigée au XIIme siècle sur la tombe de saint Olav  qui fut évêque de Reims et imposa ici le christianisme. C’est un des rares monuments en pierres du pays. L’étonnante façade aux multiples personnages, la débauche de rosaces, d’arcs sculptés, de vitraux, composent un ensemble où le style gothique domine. Mais nous aimons surtout la silhouette de la cathédrale, vue du cimetière, avec ses flèches de bronze vert.

A l’intérieur de Nidaroskirken,  nous avons rencontré Gaëlle en longue robe rouge de guide. Cette jolie grenobloise est devenue norvégienne depuis plus de deux ans, pour pallier au manque de guides français. Fiancée à un jeune norvégien elle n’envisage pas son retour en France, compte tenu des nombreux avantages dont elle bénéficie et qui n’ont pas leur pareil chez nous. Elle nous dit n’avoir aucune nostalgie, ce que je crois difficilement, car elle a semblé avoir du plaisir à parler du pays. J’aurais dû prendre son adresse, pour continuer le dialogue interrompu par un groupe et nous nous sommes quittés. Salut Gaëlle !

Port      

Nous jetons  un coup d’œil rapide aux entrepôts sur pilotis et au vieux pont de l’octroi, orné de portiques rouges. Depuis celui-ci nous faisons une image du restaurant sur le fjord, ou il n’y a pas une âme.  Tout au bout du pont au pied d’une montée, on trouve un ascenseur à vélo, le seul au monde. On glisse les roues du vélo dans le rail, la pièce dans le tronc et hop ! on grimpe sur la machine qui monte toute seule.

Bien  que le jour soit permanent, il faut bien se reposer et dormir  dans la clarté ambiante, quelques heures au moins, le temps que dure une nuit chez nous. Les aires de repos sont là et l’on peut y stationner le temps nécessaire. Nous en adoptons une, déjà empruntée en 96. Elle a été joliment aménagée pour le confort des pêcheurs et des usagers de la route. Il y a un joli torrent qui roule des eaux claires à travers des rochers découpés et les talus sont tout fleuris d’anémones blanches. Magnifique !

Nous arrivons à l’aire qui marque la fin du Trondelag,. C’est à dire les régions du sud.

Ici commence donc le Nordland, qui s’étire en une bande longue de 600 kilomètres, mais qui à certains endroits atteint à peine 6 kilomètres de largeur, entre le fond du fjord et la frontière Suédoise. Cet espace de repos est aujourd’hui désert, vide et glacé. Dire qu’en juillet c’est noir de monde.