Samedi 18 juin : St-Petersbourg
Dans la matinée, nous réussissons à nous faire enregistrer à la réception de l’hôtel car notre interlocutrice du jour est plus conciliante que celle de la veille. Nous préparons ensuite nos valises pour emménager dans l’appartement de Salah, un ami de mon frère travaillant dans la cristallerie en France et réalisant de fréquents déplacements d’affaires en Russie. Après avoir consulté son guide de conversation russe, Sébastien appelle Olga, une Russe qui est chargée de nous transmettre les clés de l’appartement. Après de longs discours en russe et en anglais, Sébastien raccroche. Il m’explique qu’il a eu Olga et qu’elle vient nous chercher dans une demi-heure. Le temps de prendre notre petit déjeuner et nous tombons nez à nez avec Olga. Elle nous montre sa voiture garée en face de l’hôtel dans laquelle se trouve sa fille qui parle anglais et servira d’interprète pendant tout le trajet. Olga raconte qu’elle a appris le français, mais qu’avec le travail, elle n’a plus le temps de le pratiquer. Quant à sa fille, elle nous explique qu’elle a commencé des études en management du tourisme pour plus tard gérer des hôtels à Saint-Petersbourg ou à l’étranger car elle adore voyager : elle s’est déjà rendue en Angleterre, en Grèce et en Egypte. Et elle ajoute que, pour la première fois, elle va découvrir la France (Paris et Lille) avec sa mère pendant les vacances d’été. « C’est un rêve qui se réalise », nous confie-t-elle.
L'appartement est un beau deux-pièces avec machine à laver, télévision, magnétoscope, téléphone et même un vélo d'appartement. Olga nous explique le fonctionnement de la chaudière et nous apprend à ouvrir les multiples verrous de sûreté de la porte d'entrée. L'opération n'étant pas simple, Sébastien doit s'entraîner cinq minutes pour acquérir le coup de poignet satisfaisant ! Après avoir répondu à toutes nos questions, Olga et sa fille s'éclipsent.
En fin d'après-midi, nous partons à pied à la recherche du métro. Nous interrogeons deux buveurs de bière assis à un arrêt de bus. Notre question les intéresse, mais ils changent de sujet : ils nous demandent d'où nous venons et, suite à notre réponse, l'un des deux évoque avec fierté « Jean-Paul Belmondo » en prononçant distinctivement chaque syllabe du nom de l'acteur. Renouvelant notre requête, nous comprenons qu'ils veulent pour 300 roubles nous conduire en voiture à l'Ermitage. Preuve en est que même ivres les Russes gardent le sens des affaires !
Finissant par trouver la station de métro Elsiskaya, nous regardons sur notre plan : elle se situe au sud de la ville. La particularité de cette station réside dans ses portes blindées qui ne s'ouvrent qu'à l'arrivée du métro.
Nous sommes pressés car nous assistons dans la soirée à la représentation de Madame Butterfly, opéra de Giacomo Puccini en trois actes et deux entractes. L'opéra au nom anglais et au décor japonais est joué en italien et sous-titré en russe !
Placés sur un côté tout en haut, nous surplombons l'orchestre et jouissons d'une superbe vue sur l'ensemble de la salle : mon regard se pose sur les nombreuses dorures, le plafond décoré d'anges et la loge impériale ornée de rideaux plissés.
Même si je ne comprends que quelques expressions comme « Ya tibia lioubiou » qui signifie « Je t'aime », le spectacle me captive. Je suis en émerveillement devant les kimonos de soie colorés et me laisse bercer par la mélodie des répliques. Le décor est d'une extrême simplicité : un pont blanc est disposé sur un sol noir émaillé de tâches claires représentant une étendue d'eau. Le tout crée une ambiance dramatique en parfaite adéquation avec l'histoire tragique de Madame Butterfly.
Dimanche 19 juin: St-Petersbourg
En fin de matinée, nous prenons la direction du Palais Cheremetev abritant le Musée de la Musique. Sur la grille d'entrée, deux lions dorés encadrent un blason.
Chaussés de nos pantoufles en plastique bleu, nous commençons notre visite au rez-de-chaussée aidés par les explications du Guide du Routard. Nous observons tout d'abord un gigantesque ensemble de cors, une collection de cloches de tailles différentes et des flûtes à bec en bois. Puis, une vieille dame chargée de la surveillance se rapproche de nous et commence à nous donner des explications pour moitié en russe et pour moitié en langage des signes. Nous réussissons à la comprendre !
Satisfaite de susciter notre intérêt, la babouchka nous accompagne de vitrine en vitrine. Elle nous montre l'harmonica à verre qui ne ressemble en rien à un harmonica classique puisqu'il se compose de verres emboîtés les uns dans les autres à l'horizontal. Elle nous explique le mécanisme en appliquant son doigt sur les verres tout en nous montrant comment faire tourner l'ensemble des verres.
Avec une grande fierté, elle nous présente deux instruments russes : la balalaïka avec sa caisse triangulaire et la domra avec sa caisse ronde. Elle nous montre un piano avec un petit miroir. Elle saisit ma main et la pose sur le clavier. Nous comprenons que les touches sont noires pour faire ressortir les mains blanches des demoiselles. Et en se regardant dans le miroir, elle fait mine, comme une jeune femme, de se recoiffer et de se remaquiller. Elle est vraiment très attachante.
Plus loin, nous découvrons des boîtes à musique. La babouchka nous montre que l'une provient de France. Une des partitions est d'ailleurs intitulée « Voulez-vous m'épouser ? ». Nous montons à l'étage, mais la vieille dame ne peut nous accompagner car elle doit rester au rez-de-chaussée. Dommage Mais elle monte à l'étage pour nous introduire à ses collègues et nous recommande de leur poser nos questions. Nous traversons plusieurs pièces au mobilier ancien. Une nouvelle dame s'approche de nous : elle nous explique que les deux salles qu'elle surveille sont des collections de particuliers qui ont été offertes au musée. Pour être sûr que nous avons bien compris, elle nous le répète plusieurs fois de suite.
Dans une salle, nous découvrons le piano du compositeur et pianiste Rubinstein, qui a été le professeur de Tchaïkovski au conservatoire. A côté se trouve le célèbre piano de Glinka sur lequel il termina de composer son uvre La Vie pour le Tsar considérée comme le premier opéra russe. Dans la salle suivante est exposée une collection de petits violons portatifs destinés pour les professeurs à domicile.
Nous entrons ensuite sur la Nevsky Prospekt dans un bâtiment Art Nouveau. C'est une belle épicerie avec des vitrines boisées, des lustres et des fenêtres décorées de motifs végétaux.
Dans les vitrines se trouvent des matriochkas géantes, des bouteilles miniatures de vodka et des boîtes de caviar. Le prix du caviar nous affolle : une grande boîte de 500 grammes de caviar noir beluga (le meilleur) atteint la modeste somme de 12000 roubles, soit presque 400 E. A côté de nous, un expatrié (nous semble-t-il) oriente ses amis français en leur conseillant d'acheter l'une des plus grosses boîtes de caviar. Il explique que cette épicerie est une très bonne adresse de la ville et que la qualité des produits est garantie. Rassurés par de telles paroles, nous achetons une petite boîte de caviar.
En fin d'après-midi, nous nous laissons charmer par la musique d'un guitariste jouant sur un pont de la ville. Un peu plus loin, c'est un violoniste âgé d'une dizaine d'années qui nous séduit par son talent.
Après avoir dîné une nouvelle fois au Palais Stroganoff, nous regagnons l'appartement de Salah non par la route, mais en coupant à travers les immeubles. Le chemin n'est pas sans obstacles ! Nous devons traverser les décharges dans lesquelles se trouvent bouteilles en verre et vieilles chaussures. Nous devons aussi franchir, sur des vieilles planches de bois, de larges tranchées qui n'ont pas été rebouchées. La pauvreté peu visible en centre-ville se révèle en banlieue.
Auteurs : Mathilde Wagner et Sébastien Risse