Lundi 20 juin : St-Petersbourg
Dans la matinée, nous réussissons à nous faire enregistrer à la réception de l’hôtel car notre interlocutrice du jour est plus conciliante que celle de la veille. Nous préparons ensuite nos valises pour emménager dans l’appartement de Salah, un ami de mon frère travaillant dans la cristallerie en France et réalisant de fréquents déplacements d’affaires en Russie. Après avoir consulté son guide de conversation russe, Sébastien appelle Olga, une Russe qui est chargée de nous transmettre les clés de l’appartement. Après de longs discours en russe et en anglais, Sébastien raccroche. Il m’explique qu’il a eu Olga et qu’elle vient nous chercher dans une demi-heure. Le temps de prendre notre petit déjeuner et nous tombons nez à nez avec Olga. Elle nous montre sa voiture garée en face de l’hôtel dans laquelle se trouve sa fille qui parle anglais et servira d’interprète pendant tout le trajet. Olga raconte qu’elle a appris le français, mais qu’avec le travail, elle n’a plus le temps de le pratiquer. Quant à sa fille, elle nous explique qu’elle a commencé des études en management du tourisme pour plus tard gérer des hôtels à Saint-Petersbourg ou à l’étranger car elle adore voyager : elle s’est déjà rendue en Angleterre, en Grèce et en Egypte. Et elle ajoute que, pour la première fois, elle va découvrir la France (Paris et Lille) avec sa mère pendant les vacances d’été. « C’est un rêve qui se réalise », nous confie-t-elle.
L'appartement est un beau deux-pièces avec machine à laver, télévision, magnétoscope, téléphone et même un vélo d'appartement. Olga nous explique le fonctionnement de la chaudière et nous apprend à ouvrir les multiples verrous de sûreté de la porte d'entrée. L'opération n'étant pas simple, Sébastien doit s'entraîner cinq minutes pour acquérir le coup de poignet satisfaisant ! Après avoir répondu à toutes nos questions, Olga et sa fille s'éclipsent.
En fin d'après-midi, nous partons à pied à la recherche du métro. Nous interrogeons deux buveurs de bière assis à un arrêt de bus. Notre question les intéresse, mais ils changent de sujet : ils nous demandent d'où nous venons et, suite à notre réponse, l'un des deux évoque avec fierté « Jean-Paul Belmondo » en prononçant distinctivement chaque syllabe du nom de l'acteur. Renouvelant notre requête, nous comprenons qu'ils veulent pour 300 roubles nous conduire en voiture à l'Ermitage. Preuve en est que même ivres les Russes gardent le sens des affaires !
Finissant par trouver la station de métro Elsiskaya, nous regardons sur notre plan : elle se situe au sud de la ville. La particularité de cette station réside dans ses portes blindées qui ne s'ouvrent qu'à l'arrivée du métro.
Nous sommes pressés car nous assistons dans la soirée à la représentation de Madame Butterfly, opéra de Giacomo Puccini en trois actes et deux entractes. L'opéra au nom anglais et au décor japonais est joué en italien et sous-titré en russe !
Placés sur un côté tout en haut, nous surplombons l'orchestre et jouissons d'une superbe vue sur l'ensemble de la salle : mon regard se pose sur les nombreuses dorures, le plafond décoré d'anges et la loge impériale ornée de rideaux plissés.
Même si je ne comprends que quelques expressions comme « Ya tibia lioubiou » qui signifie « Je t'aime », le spectacle me captive. Je suis en émerveillement devant les kimonos de soie colorés et me laisse bercer par la mélodie des répliques. Le décor est d'une extrême simplicité : un pont blanc est disposé sur un sol noir émaillé de tâches claires représentant une étendue d'eau. Le tout crée une ambiance dramatique en parfaite adéquation avec l'histoire tragique de Madame Butterfly.
Dimanche 19 juin: St-Petersbourg
Le matin, nous coupons de nouveau à travers les immeubles pour nous rendre au métro. De nouveau, nous tombons sur des tas d'ordures. Et au milieu de ces détritus, des robes de grand-mère et des collants sont étendus.
Nous remarquons à l'arrière d'un hangar en tôle ondulé deux vieilles dames qui apportent à un homme des canettes vides ramassées dans la rue. Elles touchent quelques pièces en échange de ces bouteilles.
Programme de la matinée : la Cathédrale Saint Isaac édifiée en l'honneur de Pierre Le Grand né le jour de la Saint Isaac. En raison des sols marécageux, il a fallu 40 ans pour la construire selon les plans d'Auguste de Montferrand ! De l'extérieur, la Cathédrale est imposante avec son socle massif, son large fronton triangulaire et sa grande coupole dorée.
Nous achetons sur un côté trois tickets : un premier pour visiter l'intérieur de la cathédrale, un deuxième pour aller au sommet et un troisième pour avoir le droit de prendre des photos !
Munis de ces tickets, nous entrons dans l'église. Nous admirons la fresque de la coupole couvrant plus de 800 m² et représentant la Vierge en Majesté. En son centre, une colombe semble faire descendre l'Esprit Saint.
Courageux, nous grimpons les nombreuses marches qui permettent d'accéder au balcon de la coupole. De là haut, nous avons une vue à 360° sur les toits de la ville.
Après la visite, nous déjeunons sur la Place Saint Isaac en face de la statue équestre de Nicolas Ier, Tsar très autoritaire du début du XIXème siècle.
Nous poursuivons au Musée de l'Histoire des Religions installé dans un ancien bureau des postes. Munis d'une plaquette plastifiée en anglais, nous parcourons les salles. Plusieurs salles présentent l'histoire de la religion orthodoxe en Russie. A l'entrée de l'une d'elles, une grande toile montre Vladimir de Kiev en 988 optant parmi les différentes religions pour le christianisme. C'est lui qui est ainsi à l'origine du développement de l'orthodoxie en Russie.
Plus loin, des vitrines illustrent le schisme survenu au XVIIème siècle : les « vieux croyants » en soutanes noires font face aux « croyants modernes » vêtus de couleurs dorées.
Une toile explique la Révolution russe de 1905 vue par l'Eglise : le Christ est avec le Tsar Nicolas II, sa femme et ses enfants, entouré des ennemis du peuple : anarchistes, rabbins et révolutionnaires portant le drapeau rouge.
Plus loin, une icône représente la Vierge tenant dans ses mains un globe terrestre et un sceptre, symboles du pouvoir. Selon la légende, cette icône serait le fruit d'une apparition survenue le jour de l'abdication du tsar !
Le soir, nous remontons le canal de la Moïka pour dîner à « L'Idiot », titre d'un roman de Dostoïevski. Livres et meubles anciens forment le décor du restaurant. Une serveuse nous accueille par un « Hello » et nous invite à prendre place à une table ronde sur laquelle sont allumées deux bougies.
Nous commandons en apéritif une Baltika n°7, bière produite à Saint-Petersbourg, et pour le repas du Sovietskoye, champagne russe proposé à bas prix. Peu de temps après, la serveuse nous apporte ces deux boissons plus une vodka offerte par la maison. Nous ne pensions pas qu'elle nous servirait tout en une seule fois. Avec nos six verres alignés sur la table, nous avons vraiment l'air d'alcooliques ! Quelques minutes plus tard arrivent mes aubergines en croûte décorées d'une feuille de salade et d'une tranche de citron. Un vrai régal.
Mardi 21 juin : St-Petersbourg
Le célèbre Musée de l'Ermitage s'est formé autour de la collection privée de Catherine II. L'impératrice a acheté des collections entières d'ouvres d'art dans les cours européennes en s'appuyant sur des spécialistes (Voltaire et Diderot étaient ses interlocuteurs en France). Elle a installé ses acquisitions dans l'Ermitage qu'elle a fait construire. En 1852, le musée a ouvert ses portes au public.
L'Ermitage est constitué de quatre bâtiments d'époques différentes reliés par des galeries : le Palais d'Hiver (construit le premier en 1754), le Petit Ermitage, le Nouvel Ermitage et l'Ancien Ermitage.
Au centre de la Place du Palais devant l'entrée de l'Ermitage se dresse la Colonne d'Alexandre érigée pour commémorer la victoire des armées russes d'Alexandre Ier sur Napoléon. Elle est coiffée par un archange qui tient une croix et dont le visage est celui d'Alexandre Ier lui-même.
Nous pénétrons avec le flot de touristes dans le Palais d'Hiver et commençons la visite en empruntant l'escalier d'honneur ou escalier du Jourdain tout de marbre blanc.
Nous entrons dans la Galerie militaire de 1812. Ses murs sont décorés d'innombrables portraits de maréchaux et généraux ayant combattu Napoléon. Nous écoutons une guide française qui explique que les treize cadres vides sont ceux des héros morts sans laisser de portraits. Une plaque commémorative permet de ne pas les oublier.
Ensuite, nous parvenons à la Salle du Trône. Le trône, seul meuble au milieu de la grande salle, est parfaitement mis en évidence. Le plancher en marqueterie est luisant. Le plafond est décoré de feuilles dorées et les lustres ornés d'aigles bicéphales. Le trône est surmonté d'un bas-relief représentant Saint Georges terrassant le dragon.
Nous cherchons évidemment la peinture française du XVème au XXème siècle car, en dehors de la France, c'est ici la plus riche collection au monde. Catherine II, grande admiratrice d'art français, s'est appliquée à la constituer. Nous admirons la Famille de la Laitière de Louis Le Nain (XVII ème siècle) représentant une paysanne, un vieillard et des enfants autour d'un âne.
Dans la salle consacrée au XVIIIème siècle, nous sommes amusés par Le Baiser à la Dérobée de Jean-Honoré Fragonard représentant une jeune fille surprise d'être embrassée par un jeune homme.
Des peintres des XIXèmeet XX ème siècle, nous observons une série de toiles de Gauguin aux couleurs très chaudes ayant pour thème Tahiti. Le tableau Les Tahitiennes dépeint toute la douceur et la tranquillité de ces insulaires.
Nous sommes étonnés de voir La Danse, une des toiles les plus connues de Matisse où des danseurs nus forment une ronde sur un fond de couleur bleu et vert. Ce tableau a marqué le début du fauvisme. A 17 heures précises, nous sommes mis à la porte par les surveillants du musée. Alors que nous rangeons nos affaires devant la porte d'entrée, nous sommes de nouveau chassés. Nous circulons.
L'estomac vide, nous entrons au restaurant Blinii Domik. A l'intérieur, la petite salle et le mobilier en bois clair créent une ambiance chaleureuse. Dans un coin, un pianiste renforce cette atmosphère en interprétant sans partitions un répertoire classique !
La spécialité de la maison, ce sont les blinis. Contrairement aux traditionnels, ceux-ci sont sans levure. Nous prenons des blinis au fromage de chèvre ainsi que des soupes à la viande et aux concombres avec une bière au miel.
Auteurs : Mathilde Wagner et Sébastien Risse