Jeudi 16 juin : Moscou
Tôt dans la matinée, nous retournons sur la Place Rouge pour visiter le Mausolée de Lénine.
Alors que nous nous apprêtons à prendre place dans la longue file d'attente, un homme d'un certain âge nous interpelle : « Do you speak English ? ». Nous répondons par l'affirmative et il nous propose alors une visite en anglais qui nous permettrait aussi d'éviter la queue. Il a déjà pour client un touriste canadien. Après avoir négocié le prix à 300 roubles (soit 10 E) au lieu de 400 roubles, nous le suivons. Un détour par la consigne est obligatoire. Là, nous sommes imposés sur chaque sac et chaque appareil photo ! Légers, nous retrouvons notre guide qui commence aussitôt la visite. En 1918, la Place était le lieu des parades militaires. En 1924, Lénine meurt et son corps est placé dans une structure en bois avant d'être quelques années plus tard disposé dans le mausolée actuel en granit rouge et labrador noir. Embaumé, il subit tous les ans une cure d'entretien. Seul souci, précise notre guide, ce sont des spécialistes déjà âgés qui assurent ce travail et ils n'ont pas formé la relève. Et prenant parti, il ajoute que, si Lénine devait être enterré, ce ne serait pas un mal car avec lui disparaîtrait un symbole fort du régime totalitaire et également celui qui a causé la mort de plusieurs membres de sa famille. Tout en écoutant les explications de notre guide, nous nous approchons du mausolée. Arrivés à l'entrée, il nous donne les consignes à suivre : « Ne pas parler, ne pas mettre les mains dans les poches et ne jamais s'arrêter ». Puis il s'éloigne. Ne prêtant guère attention à ses instructions, je pose une question au touriste canadien, mais il ne peut me répondre car des gardes placés dans l'obscurité exigent fermement le silence. Nous obéissons. Dans la pénombre, nous nous dirigeons silencieusement vers la gauche en direction de quatre gardes postés à un coin qui ne nous quittent pas du regard. Nous n'avons plus très envie de plaisanter. A leur niveau, virage à angle droit vers la droite et des escaliers qui descendent. En bas, de nouveau quatre gardes. Nous continuons à 180° vers la droite et arrivons dans la pièce principale. Nous montons quelques marches et voici Lénine qui semble endormi dans un sommeil paisible.
Pour mieux le voir, je ralentis et, une fois de plus, les gardes me rappellent à l'ordre par un claquement de doigts. Je comprends que je dois avancer. Nous faisons le tour du tombeau et redescendons quelques marches pour tourner ensuite à 180° à droite et remonter des escaliers en direction de la sortie. Ouf, nous quittons cette atmosphère étouffante et retrouvons la lumière du jour
Nous retrouvons notre guide qui continue la visite dans le cimetière du Kremlin situé derrière le mausolée au pied du mur de l'enceinte fortifiée. Sans jamais marquer de pause, le vieil homme nous montre les tombeaux des personnalités de l'ère soviétique comme Staline, Brejnev ou Andropov. Il s'arrête aussi devant les tombes de l'écrivain révolutionnaire Maxim Gorki, de la maîtresse française de Lénine, de l'astronaute Yuri Gagarin, du physicien Igor Kurchatov ou encore du grand journaliste américain John Reed. Nous avons à peine le temps de regarder qu'il reprend de plus belle Et sans transition, il récite quelques informations sur le Kremlin : « Le mur d'enceinte mesure 2 230 mètres de long pour 20 mètres de haut et 6 mètres d'épaisseur. Il est entrecoupé de 4 portes et de 19 tours ». La visite terminée, il nous remercie pour notre attention et nous lui réglons la somme due.
En quittant la Place Rouge, nous rencontrons Lénine ou plutôt son sosie qui, moyennant finance, pose à côté des touristes. Je prends une photo discrètement pour ne pas avoir à lui remettre le moindre kopeck !
Vers 15 heures, nous arrivons à la Nouvelle Galerie Tretiakov installée dans un vilain bloc de béton. Sébastien qui dispose d'une carte d'étudiant russe la présente à la caisse. Afin de vérifier la véracité des informations, la caissière lui demande s'il est bien étudiant à Moscou. Sébastien acquièsce et, après une longue hésitation, elle finit par lui accorder la réduction sollicitée. Plus loin, une autre babouchka contrôle nos billets et demande à nouveau la carte d'étudiant de Sébastien. La confiance règne ! Le musée rassemble des uvres russes du XXème siècle. Nous admirons deux tableaux fort différents : le célèbre Carré noir sur fond blanc de Malevitch et La Composition VII de Kandinsky consistant en une explosion de couleurs, formes, vides et pleins.
Le soir, nous prenons à 21h30 un train de nuit pour Saint-Petersbourg. Nous avons choisi de voyager en couchettes 3ème classe, c'est-à-dire dans un wagon où le couloir central traverse tous les compartiments. Pendant la nuit, il faut donc veiller à ce que nos pieds ne dépassent pas des lits ! Avant de nous coucher, nous nous procurons des draps. A l'inverse de la France, ils sont ici payants : ils coûtent entre 2 et 3 E.
Nous partageons notre compartiment avec quatre Russes : une dame et un homme d'une quarantaine d'années et deux jeunes hommes. Tous seront très gentils avec nous. Les deux personnes les plus âgées nous laisseront nous asseoir dans la soirée sur leurs banquettes, pluspratiques que les nôtres en hauteur. Quant aux jeunes, ils nous aideront à placer nos lourdes valises sur les étagères disposées sous le plafond.
Le wagon devenu silencieux, nous nous endormons vers minuit et ne nous réveillons qu'à Saint-Petersbourg à 5h30 du matin.
Auteurs : Mathilde Wagner et Sébastien Risse