Rome chrétienne

Le Vatican : les papes ont bon goût

La cathédrale St-Pierre de Rome et sa place

Enclave emmurée en plein cœur de Rome, le Vatican aime les extrêmes : plus petit Etat du monde avec ses 44 hectares de superficie, il réserve une grande partie de sa superficie à la plus grande cathédrale du monde. Cette cathédrale, tout le monde la connaît car qui n’a pas en tête l’image de Jean-Paul II ou de Benoît XVI saluant la foule de fidèles depuis le balcon central de l’édifice ? Tous les dimanches et pour de grandes occasions, le Pape ouvre la fenêtre et remplit sa fonction de chef de l’église catholique en manifestant sa présence à la foule rassemblée exprès pour lui.

En temps plus calme, la place St-Pierre est moins chargée de chair humaine (enfin tout est relatif, les touristes restent quand même nombreux) et est rendue aux éléments architecturaux qui font sa notoriété.
Au centre, l’obélisque du cirque de Néron sépare les deux grandes fontaines qui se situent à ses côtés. L’esplanade est encerclée par un massif circulaire de colonnes surmonté par une balustrade qui maintient debout 140 statues de saints. Le tout est monumental, à l’image de la gigantesque basilique qui fait office de toile de fond. Après vous être amusé à chercher les deux points de vue de la place à partir desquels les quatre rangées de colonnes de la barrière circulaire se confondent en une seule (un indice : regarder bien le sol…), il vous faudra entrer dans l’église par l’une de ses cinq portes pour comprendre la démesure du haut-lieu de la chrétienté.

La basilique était jusqu’au XVe siècle un édifice paléochrétien construit sur ordre de Constantin en 313 juste au dessus de la tombe du premier pape dénommé Pierre, d’où son nom, St-Pierre de Rome. Après des controverses rocambolesques concernant le plan en croix grecque ou latine, le remaniement de l’ancien monument voit finalement sa nef prolongée et adopte donc la croix latine.
Le transept est chapeauté par un dôme immense qui, à condition d’être atteint, offre une vue englobante et fort instructive sur la place et sur Rome. Les moins courageux ont la chance de bénéficier d’un ascenseur. Il n’y a donc aucune excuse pour ne pas contempler Rome de haut. Il aura fallu une centaine d’années pour que les plus grands noms de l’architecture de la Renaissance (Raffaelo Sanzio, Michel-Ange) transforment la modeste église en grande basilique que l’on connaît aujourd’hui.

A l’intérieur, le prestige n’est pas démenti. La nef est gigantesque (200 m de hauteur), le baldaquin en bronze du Bernin qui couvre la tombe de St-Pierre l’est tout autant avec ses 29 m de hauteur. Avant d’aller vous perdre dans les profondeurs de la grotte où sont ensevelies les tombes des papes et de divers saints, faites comme tout le monde, embrassez le pied de la statue de St-Pierre qui s’offre à vous au bout de la nef. Le pauvre St-Pierre a force d’être ainsi bisouté a son métal tout poli ! Il n’est plus à un bécot près ! Une fois donc la fraîcheur de la crypte éprouvée, il vous faudra vous remettre au chaud et quitter la prestigieuse église car le pèlerinage religieux doit être prolongé par un pèlerinage culturel : les musées du Vatican.

Les musées du Vatican

Un conseil, n’arrivez pas trop tard. Les œuvres sont tellement remarquables que l’attente peut-être désespérément longue si vous trainez la patte. Une fois votre patience exercée et affutée par la longue attente pour accéder au statut de visiteur du musée, vous pourrez enfin entrer dans le site et aller admirer les trop connues voûtes de la Chapelle Sixtine et les somptueuses chambres de Raphaël.

Au seuil de la chapelle, inspirez profondément et pénétrez dans l’antre pour connaître l’extase. La beauté vous assaille : en haut, sur les côtés, il n’y a guère que le sol qui reste vierge et privé de fresques sublimes. Sur la voûte, réalisée entre 1508 et 1512 par Michel-Ange, Dieu titille le doigt d’Adam. L’épisode trouve sa suite sur la paroi du fond où est esquissé le jugement dernier, œuvre toujours de ce même Michel-Ange. Les vêtements qui couvrent les personnages ne sont pourtant pas de lui. L’anecdote vaut la peine d’être mentionnée : Pie V, dans un excès de radicalisme et de souci moral, a voulu que l’on couvre les corps dénudés peints par Michel-Ange. Et le tissu fut…
Les scènes de l’Ancien Testament de l’artiste toscan font presque oublier que les non moins célèbres Botticelli, Le Pérugin, Signorelli ont éprouvé leurs pinceaux sur les autres parois (latérales).
À noter aussi que le silence est de mise dans cet espace religieux où les merveilles se chevauchent. Retenez donc vos cris d’extase.

Le second étage vous attend ensuite pour vous présenter les chambres de Raphaël (XVIe siècle).
Les quatre pièces de l’appartement du pape commanditaire Jules II ne sont pas moins glorieuses que la chapelle que vous venez de quitter.
Souvenez-vous de l’ « École d’Athènes », du doigt levé vers le ciel d’Aristote et de la paume de Platon semblant vouloir caresser le sol. C’est-là que la fresque se trouve, dans la chambre de la Signature.
Les trois autres chambres ajoutent encore à la qualité de l’ensemble terminé 17 ans après la mort de l’artiste. Évidemment, ces deux immanquables portent préjudice aux autres œuvres qui remplissent le musée et qui auraient une renommée bien plus grande si elles n’étaient pas en compétition avec les splendides fresques. Le musée recèle en effet de mosaïques, de peintures et de sculptures et presque toutes les époques sont représentées (art égyptien, grec, étrusque, romain, médiéval, moderne…). Au cœur de la pinacothèque, les tableaux de Léonard de Vinci font face à ceux du Caravage et sont accolés à ceux de Titien ou de Véronèse. Que du must.

Le Château St-Ange

Après l’arpentage de la basilique et des musées, vos pieds demanderont sûrement une trêve mais ne faiblissez pas et soyez autoritaire. Il faut qu’ils aillent jusqu’au Château St-Ange, ancré sur la rive droite du Tibre. Pour cela, deux solutions.

Vue sur Rome depuis la basilique Les pieds les moins escamotés pourront sinuer dans les quartiers du Borgo et de Prati. Cette petite zone isolée à deux pas du Vatican fait oublier l’amoncellement touristique et rompt la valse ininterrompue des chefs-d’œuvre de la plus petite cité du monde. Vous croiserez sûrement quelques gardes suisses ayant terminé leurs journées de labeur pour protéger le souverain pontife, quelques curés qui vous remettront dans l’ambiance chrétienne mais les palais et les demeures privés vous offriront une petite trêve. Pas pour longtemps puisque le Castel Sant’Angelo vous replongera dans le religieux.

La deuxième solution pour le rejoindre à partir du Vatican, c’est d’emprunter la Via della Conciliazone, percée par Mussolini en 1936 pour ouvrir la perspective et préparer à la grandiloquence de la place St-Pierre et de sa basilique démentielle.

Le dernier chemin qui serait susceptible de vous conduire jusqu’au château des papes vient de Rome et défie l’élément aqueux : il s’agit du pont St-Ange. Bien plus romantique et charmante que la Via della Conciliazone, la langue pierreuse suspendue au-dessus du Tibre est surveillée par une dizaine de statues sises sur les balustrades qui l’encadrent. Il s’agit d’anges portant les instruments de la passion du Christ, réalisés par l’école du Bernin. Les regards soupçonneux de ces anges de pierre provoquent une sensation à expérimenter. Alors si vous n’y passez pas à l’aller, passez-y au moins au retour.

Aujourd’hui, le Château St-Ange est destiné à abriter les papes. Mais son histoire fait mention de fonctions bien différentes. Mausolée pour l’empereur Adrien au départ (134 ap. JC), il se mue en château en devenant la propriété de l’église en 1277. Il est ensuite transformé en forteresse prison ce qui donne l’occasion de construire le « passetto », petit passage secret raccordé au Vatican permettant au Pape de s’échapper en cas d’attaque. Cette reconfiguration incessante se fait aujourd’hui ressentir : le palais actuel est un véritable labyrinthe qui réconcilie les escaliers en colimaçon avec les salons luxueusement aménagés, les statues à l’effigie de St-Michel et les épais murs défensifs de l’ancienne forteresse. Un mélange hétéroclite qui portera un coup fatal à vos pieds et y ajoutera quelques ampoules.

Ne ratez pas la vue imprenable sur l’ensemble de la ville. Le panorama est complet et est une bonne conclusion (ou introduction) au voyage. On se rappelle alors les splendeurs aperçues : les forums romains et impériaux, le Capitole, le Panthéon, les places animées (Piazza di Spagna et Piazza Navona), la fontaine de Trevi, les palais innombrables, la villa Borghese et le Vatican.

Avec ses centaines d’églises, ses fontaines désaltérantes, ses chats farouches, Rome émerveille et subjugue celui qui s’y risque. Le touriste y apprendra la Dolce Vita. Il en aura largement pour son argent et le coût du transport sera bien amorti : la quantité de sites et d’œuvres mythiques rendent le voyage incontournable et exceptionnel. Il faut absolument voir Rome… et mourir. Sophie Graffin
Publié le 23/03/2010

Crédits photos : © Ulrich ; © Servizio Fotografico - L'Osservatore Romano Città del Vaticano