Solidarnosc et Gdansk
Qui met les pieds à Gdansk ne peut ignorer l’homme qui impulsa les grèves du chantier naval et mena la nation polonaise à la victoire dans son combat contre le fléau communiste d’après-guerre. L’électricien de rien du tout qui depuis son poste à la tête du syndicat des travailleurs polonais réussit l'incroyable pari d'accéder à la présidence de la Pologne et déclencha une vague d’opposition aux régimes autoritaires à travers le monde. Nous sommes dans les années 70 et la Pologne vit sous l’influence de Moscou et dans la pauvreté. Le travail est rare, les salaires précaires, la nourriture manque, les produits sont rationnés, les conditions carcérales affreuses. Lassés, désabusés, révoltés par l’inexorable baisse des salaires, les ouvriers entament une grève au chantier naval de Lénine à Gdansk. Il ne faut pas longtemps aux forces de l'ordre pour intervenir. Des émeutes éclatent et 45 personnes sont tuées. C’est le début d’une longue période trouble pour les travailleurs de Gdansk.
Les salaires sont de plus en plus bas et le licenciement d’une opératrice de grue sur le chantier Lénine est la goute d’eau qui fait déborder le vase. Les grèves repartent de plus belle. Walesa s’en mêle et est accidentellement propulsé comme porte parole du mouvement. Ce mois d’août 1980, les ouvriers s’enferment dans les chantiers et rédigent 21 demandes sur deux grands panneaux de bois. Entre autres, les revendications touchent aux retraites, aux congés de maternité, à la scolarité, aux logements et aux droits de grève et de former des syndicats. Puis, les évènements s’enchaînent : fin Août, le gouvernement accorde les requêtes ; Septembre, quelques 36 syndicats régionaux se lient pour former Solidarnosc (Solidarité) ; au cours des mois suivants, 10 millions de membres rejoignent le mouvement.
L’année d'après, Walesa est arrêté mais libéré presque aussitôt. En 1983, le Prix Nobel de la Paix lui est remis et en 1989, Solidarnosc bat les autres partis à plate couture. Cette année là, Lech Walesa, l’électricien des quartiers populaires est élu président. Cette histoire extraordinaire vous est racontée au musée Chemins vers la Liberté, non loin de la gare de Gdansk, accessoirement un magnifique petit château de brique rouge. A l'intérieur, toutes les étapes de cet épisode marquant de l’histoire moderne de la Pologne sont relatées à travers des reconstitutions et des pièces clés. Les conditions de vie de l'époque sont montrées au grand jour, les difficultés du quotidien et le contrôle de l'information et du commerce par le gouvernement sous l'emprise de Moscou sont expliqués.
Aujourd’hui, les traces de l’histoire de Solidarnosc sont présentes à chaque recoin de la ville. Les immenses et nombreuses grues qui s’élèvent des chantiers navals sont les premières à témoigner des évènements, en s’imposant au regard depuis les hauteurs des banlieues. Le Monument aux Ouvriers Morts du Chantier Naval commémore les tués de 70 grâce à trois immenses croix en acier réalisées par les ouvriers eux-mêmes et qui sortent de terre à l’entrée du chantier naval. La balade sur les quais, enfin, se révèle très riche d’explications sur l’histoire maritime de la Pologne. C’est notamment grâce à la très célèbre Grue datant du Moyen-âge qui illustre le lien que la ville entretient depuis des siècles avec son port. Aujourd’hui elle est l’un des bâtiments principaux du Musée Central de la Marine dont le reste se situe en face sur l’île des Greniers qui est accessible par bateau.
Alice Cannet
Crédits photos : © Alice Cannet