Histoire du château de Fontainebleau

Fontainebleau et la royauté : une extension tentaculaire au fil des siècles

Il faut savoir que Napoléon a été l’un des plus fervents admirateurs du château de Fontainebleau. Selon ses propres dires, il s’agirait même de « la maison des siècles » (St-Hélène, août 1816) ; un édifice qui synthétise en un même lieu l’Histoire de France et qui conserve entre ses murs un peu de l’âme des plus grands souverains français. Fontainebleau reste l’une des principales demeures de rois et depuis St-Louis, elle n’a cessé d’accueillir les hommes du pouvoir et leurs cours.

St-Louis a jeté les premières pierres. Il a érigé, au cœur de la forêt propice aux activités de la chasse, un sobre donjon carré dès 1137. Il subsiste d’ailleurs encore en partie, dissimulé parmi les multiples ajouts postérieurs. Ce donjon donnait alors sur une cour ovale à l’ouest de laquelle fût établi un couvent de Trinitaires par ce même St-Louis.

Cour de la Fontaine
Cour de la Fontaine

La Renaissance déploie l’édifice originel et laisse François Ier imposer ses volontés. À partir de 1528, c’est l’effervescence artistique à Fontainebleau. Les artistes italiens (Rosso, Le Primatice) viennent sur ordre du roi pour accomplir des œuvres magnifiques. Une galerie privée (galerie François Ier) est construite pour relier la cour ovale aux nouveaux bâtiments ayant remplacés la maison conventuelle. Parmi ces nouveautés, l’actuelle façade du château qui, avec son petit escalier et sa chapelle de la Trinité, donne sur une grande basse-cour appelée plus tard cour du cheval blanc puis au choix cour des honneurs ou cour des adieux (sous Napoléon). L’espace est alors encerclé par trois autres ailes offrant peut d’échappatoires et rendant la fuite délicate (aujourd’hui, la destruction de l’aile de Ferrare par Napoléon Ier en 1808 et son remplacement par une grille monumentale en fer forgé laisse un peu plus la cour respirer et permet au château de donner directement sur la ville, évitant ainsi aux petits curieux de se donner la peine de pénétrer dans l’enceinte pour admirer le chef-d’œuvre architectural). L’aile de la Belle-Cheminée et sa cour de la Fontaine (au sud) est l’une des dernières réalisations de François Ier (1568-1570) et comble le peu de vide qui restait entre la cour ovale et la cour du cheval blanc, tout en aménageant l’espace au pied de la nouvelle galerie François Ier.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’extension continue avec le second grand bâtisseur du château après François Ier : Henri IV. Tels les tentacules d’une pieuvre, les murs s’allongent encore une fois pour envahir encore plus le site. À l’est, on construit un nouveau corps de bâtiments autour d’une cour qui prendra le nom de cour des offices (partie non visitable). C’est par là que trône la majestueuse porte du Baptistère, bâtie à l’occasion du baptême du futur Louis XIII et qui séduit par sa délicatesse et sa beauté. Henri IV comble également ses désirs architecturaux en envahissant le Nord, grâce à l’aile de la Galerie de Diane, affublée d’une volière et d’un parc.

Porte du Baptistère</a>
Porte du Baptistère

Louis XIII, plutôt que d’étendre à outrance l’enceinte, comme son père, se concentre plus sur la décoration : il achève la chapelle de la Trinité qui occupe deux niveaux et se charge de remplacer l’escalier d’entrée par un ouvrage bien plus détonant et original, le fameux escalier en fer à cheval de Jean Androuet du Cerceau.

 

Louis XIV, se consacre à son palais versaillais et ne s’intéressera par conséquent que très peu à Fontainebleau. Il participera toutefois à l’enrichissement de la résidence royale en ordonnant à son talentueux jardinier Le Nôtre d’y ajouter un grand parterre. Les jardins prennent de l’ampleur et continuent alors d’élargir les frontières de la propriété.

Le domaine est si vaste que les derniers représentants de la lignée royale ne brillent pas dans la construction mais se contentent de remanier et d’aménager les lieux pour leurs propres conforts. C’est ainsi que Louis XV s’approprie l’aile de la galerie d’Ulysse et l’épaissit pour la rendre plus spacieuse. Il bâtit le Gros pavillon à son extrémité est, qui donne sur l’étang.

Son successeur Louis XVI s’illustrera quant à lui dans les décors intérieurs des grands et des petits appartements qui jouxtent les parties médiévales et se concentrent au centre des constructions. Il œuvre également en doublant la galerie François Ier du côté jardin (Nord), pour créer l’appartement intérieur du roi et de nouvelles pièces coquettes et accueillantes au rez-de-chaussée.

Fontainebleau et l’Empire

Quand l’Histoire s’invite à Fontainebleau
Avec la Révolution, les têtes royales tombent et la menace plane sur le château, symbole de la richesse et des privilèges royaux. Par miracle, celui-ci échappera au sort de la Bastille et ne souffrira que d’un démeublement. Les pierres restent d’aplomb et continuent alors d’abriter les détenteurs du pouvoir.

Chambre luxueuse
Chambre luxueuse

Napoléon y vient pour la première fois le 20 novembre 1803 pour inspecter l’Ecole spéciale militaire fraîchement installée en juin. Il tombe sous le charme de la bâtisse, que ses prédécesseurs se sont évertués à faire resplendir : ce sera sa seconde résidence de campagne après celle de St-Cloud. Pas étonnant alors que quelques événements célèbres viennent s’y dérouler.
Parmi ceux-ci, le premier est la venue du pape Pie VII, à l’occasion du sacre de l’empereur en 1804. Des appartements sont tout spécialement aménagés pour héberger le saint homme et subsistent encore aujourd’hui, donnant l’occasion d’observer de somptueux décors et des meubles témoignant du grand goût éclectique de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie, qui modifièrent les pièces selon leurs vœux (vers 1860). Ces appartements serviront une seconde fois, lorsque le pontife reviendra à Fontainebleau pour y être emprisonné (1812-1814).

 

Deuxième événement de taille : les adieux de l’empereur à la garde le 20 avril 1814. En ce jour mémorable, l’empereur n’a plus l’aval de ses maréchaux : il est déchu et a accepté l’abdication sans conditions. Juste avant de rejoindre l’île d’Elbe qu’il a conservé sous sa tutelle, il se tiendra au milieu de cette vaste cour, face à sa valeureuse garde, afin de la quitter solennellement et en tout honneur.

 

Après quelques destructions sous l’égide de Louis Philippe du côté du jardin de Diane et une persévérance dans la restauration des bâtiments et des décors innombrables, les personnalités du Second Empire reprennent l’initiative en munissant l’aile Louis XV d’un nouveau théâtre (1854-1857). Jusqu’en 1868, date à laquelle ils quittent le château, Napoléon III et sa promise imprègnent les lieux de leurs personnalités. L’impératrice tout particulièrement, puisqu’elle importe de nombreux objets chinois qu’elle aime collectionner. Ceux-ci donnent l’occasion d’un musée chinois, agencé dès 1863 par Eugénie elle-même et qui pourra encore aujourd’hui vous introduire dans le monde oriental.

Sophie Graffin
Publié le 12/10/2010

Crédits photos : ©Château de Fontainebleau, ©S. Graffin