Mystra

Mercredi 25 Mai

Epidaure, aréa d’entrée, sous les pins, vers Mystra. En venant de cet enfer de pierres brûlantes nous allons nous efforcer de longer la mer Egée dès aujourd’hui, en suivant une route qui passe tout en haut des falaises et rejoint le sud-est du Péloponèse. Cette route littorale traverse des paysages rocailleux où les lacets serrés donnent parfois le tournis. Tout près de Léonidio on découvre un superbe emplacement pour notre repas de midi, merveilleux belvédère au-dessus de la mer . Plein de casiers à poissons quadrillent toute la crique et  les bateaux à moteurs parcourent les espaces pour apporter la nourriture à cet élevage hors du commun. Face à nous, s’étire au soleil un village tout neuf à maisons peintes de couleurs pastel roses, jaunes, bleues, rarement blanches.

La route devient étroite, les croisements difficiles, il faut raser la droite et rentrer dans les lauriers roses qui poussent en forêt tout le long, sans oublier que là justement il y a le précipice, planqué sous les fleurs…..le Monastère d'ElonisTout en haut d’une falaise boisée, dans une fente du rocher, surgit en hauteur vertigineuse, une construction, surprenante à cette altitude. Est-ce un hôtel ? Ou bien un château ?  On ne sait pas encore. On observe aux jumelles, le mystère subsiste. Un panneau placé dans les feuilles d’un figuier nous renseigne, c’est le monastère d’Elonis qui fut grâce à sa difficulté d’accès mis à l’abri des persécutions fréquentes dans ce pays à une certaine époque.

Puis c’est la traversée de petits villages aux rues étroites, que l’on traverse avec quelles difficultés ! …Les balcons débordent dangereusement ainsi que les marches des a dû nous maudire.

Ainsi est faite la voie principale qui est aussi une route nationale, composée de marches empierrées. La traverser nous comble d’inquiétude, car en plus elle est à double sens, pourtant tout se passe bien, on n’a pas rencontré de circulation inverse et c’est un  ouf ! de soulagement à la sortie du village.

On retrouve en bord de route, les herbes folles jamais coupées et qui atteignent des hauteurs invraisemblables, elles s’inclinent vers les carrosseries en dessiannt d’indélébiles estafilades. Ce n’est pas pîre dans la savane.

On arrive dans la soirée à Mystra et on décide pour la nuit d’opter pour le château de Guillaume. Bon sommeil, juste au-dessus des ruines de la ville fantôme et sous le château forteresse.

Jeudi 26 Mai

Parking de Mystra, près de l’entrée du château.

le château de GuillaumeDès huit heures à l’ouverture, on commence la montée, car on sait par expérience que s’annonce une rude journée.  Les groupes arrivent aussi, mais bien moins nombreux qu’à Mycènes ou, à Epidaure. Peut-être sont ils rebutés par la grimpette sur les pierres glissantes. C’est pourtant un site tout aussi spectaculaire que tout ceux visités jusqu’à ce jour. On aime beaucoup la partie haute de la ville  et le château franc de Guillaume de Villehardouin, enfin ce qu’il en reste, c'est-à-dire des pans de murs, donjons et créneaux laissant deviner la nature du bâtiment qui existait là en 1249 . Perché sur son rocher, à 62O mètres, il occupait une position idéale pour surveiller les envahisseurs, venant des monts Taygètes. La ville enrichie par le travail de la soie était très prospère et donc convoitée, s’y pressèrent des savants et des philosophes venus du monde entier. Ainsi vivait Mystra à l’ombre de ses églises où fleurissaient des fresques d’inspiration byzantine. Un superbe panorama s’étend à nos pieds, sur la plaine de Sparte et sur la ville basse de Mystra à visiter cet après-midi.

Un petit temps de repos est nécessaire après un frugal repas où dominent les tomates en plat principal. Elles sont bien mûres fermes et goûteuses, on ne s’en lasse pas, heureusement pour nous !./…On trouve aussi des poivrons, concombres et oignons doux, tous ces légumes font de somptueuses salades qui président à tous nos repas….

On rejoint la ville basse vers 14 heures3O…Las ! c’est bien trop tard pour visiter, car le site ferme ses portes à 15 heures. Donc, il faudra revenir demain, s’offrir un nouveau billet d’entrée. Plein de touristes sont comme nous, dépités, mais c’est ainsi dans les pays chauds….

La pluie se met à tomber, drue et il faut trouver quelque chose à faire en attendant demain. On décide de partir vers Tibni, afin de traverser les Monts Taygètes, aux gorges profondes rappelant le Verdon. Le temps n’est guère favorable, des nappes de brouillard nous enveloppent, nous empêchant de voir le paysage  et compliquant la circulation. A 1350 mètres nous stoppons dans le col pour attendre que les nuages s’éparpillent. C’est  alors la splendeur des monts qui composent ce massif tragique où les vieux spartiates précipitaient les enfants chétifs ne pouvant répondre aux exigences demandées aux enfants de troupe, auxquels ils étaient tous destinés.

On ne traîne pas sur cette route, même si le soleil est revenu. Nous retournons au château  prendre notre place comme pour la nuit précédente. . D’autres camping-cars  arrivent et font la chenille derrière nous. Mince ! La police rapplique et nous intime l’ordre de quitter les lieux. Difficile problème pour tout le monde. Il fait nuit maintenant…Comment trouver un endroit non interdit dans ce pays où les touristes en solo ne sont pas si bien accueillis que ça ?  Personne en ce moment précis n’éprouve la moindre sympathie pour la Grèce qui n’a pas su gérer l’engouement des voyageurs non organisés que nous sommes.

Râler ne sert à rien de constructif. Le camping Mystra est situé à la sortie de la ville. On le trouve par hasard grâce à une enseigne peinte sur une camionnette. L’accueil est sympathique, heureusement …Jovial disent les routards consultés incidemment. Les emplacements herbus semblent bien, mais on ne les voit pas, par manque d’éclairage. Il est seulement 8 heures 30, la nuit noire est tombée, mais il est trop tôt pour aller dormir. On décide une petite exploration à pieds. C’est alors que je percute une tente, trébuche sur les deux cordes, me rétablis, trébuche à nouveau et manque m’étaler sur le sol tout détrempé. Ce n’était pas la coque renversée d’un bateau comme je l’avais cru….Je range cette bévue dans mon bêtisier personnel déjà bien pourvu...

Vendredi 27 Mai

Camping de Mystra ; 7 heures, temps gris, pluie persistante une partie de la nuit.
Pris à contrecoeur il nous a conquis. C’est un joli camping herbu aux cases protégées par des treilles naissantes, projetant de l’ombre sur les occupants. Petit paradis dans ville de brutes, certes !...Mais eau froide aux robinets… Décidemment rien n’est parfait en ce monde !....

Visiter la ville basse de Mystra, est notre projet aujourd’hui. Il faut faire ce qu’on n’a pu réaliser hier à cause de la fermeture du site. Mais pays des mille difficultés on ne peut prendre place au parking  près de l’entrée déjà  rempli d’autocars, quant au parking voisin, il est interdit au camping-cars, ce pays est impossible…J’ai le spleen….Comment faire autrement, dans cette ville aux rue étroites et escarpées, alors on fait fi de l’interdiction et on stationne ici…
monastère de MystraCependant, la ville basse de Mystra comble notre attente de merveilleux, malgré des grimpettes continuelles au milieu des herbes folles et des cailloux glissants et roulant sous nos pieds. D’église en église, de musée en porte voûtée, de monastère en vestiges de ville, cette colline pentue o^chantent les cigales est un enchantement. Elle a réussi à convaincre l’UNESCO qui l’inscrivit au patrimoine mondial. De coupoles en  minaret, ces églises abritent de nombreuses fresques assez bien conservées, expressives et colorées, bien qu’ayant été peintes en 135O. Elles racontent la vie de la Vierge, la passion du Christ, la Cène, apôtres et saints sont représentés .On se demande comment les ottomans qui ont succédé aux francs ont continué à soigner ces peintures étrangères à leurs croyances, sans les dégrader comme ils l’ont fait en Cappadoce

Nous avons visité, Agia Sofia, Agio Nikolaos, Agio Georgios ? Voilà tous les noms que j’ai en mémoire, avec le monastère de la Pantanassa occupé par de nonnes artistes en broderies d’art, ou peintures d’icônes, en enluminures et vieux  parchemins

monastère de Mystra

En musardant sur le chemin du retour, on rencontre le Palais du Despote (drôle de nom pour un gouverneur qui se voulait démocrate). Ces despotes étaient les fils cadets ou les frères des empereurs en place qui leur donnaient des responsabilités mineures, pour leur faire oublier l’injustice du droit d’aînesse. Ce palais est une impressionnante ruine que l’on est en train de restaurer à l’identique, comme les dessins de l’époque nous l’ont transmis. Je ne dis pas que c’est une réussite complète, loin de là. Pour notre part, nous pensons que cette reconstruction toute neuve dépare le site, il faut compter sur la patine du temps qui fera son œuvre.

Traversons maintenant la ville fantôme, où l’on croit entendre les bruits familiers de la vie médiévale. Les avoies folles couvrent les pierres effondrées, il y a aussi des mauves comme des arbres, des orchidées sauvages et des bouillons blancs où volettent des papillons de toutes couleurs qui ont déserté nos régions depuis longtemps.

Merveilleuse petite ville de Mystra, endormie à l’ombre des cyprès, nous gardons un souvenir ému de notre promenade dans les ruelles du temps passé.

Avec Mystra, nous quittons le moyen âge pour nous plonger dans le présent. Le sud du Péloponèse a la forme d’une main …à quatre doigts. Il y a l’Argolide, la Laconie, le Magne, la Messénie Nous décidons de rendre visite au Magne qui nous semble sauvage et reposant, en prenant la route vers Githio. La pluie des monts Taygètes  a cessé, le soleil darde ses rayons les plus brûlants et nous aimerions bien flâner en cours de route. Mais la Grèce n’est pas un pays où l’on flâne aisément, nul accotement sur ces routes étroites jalonnées de gravats, de matériaux et d’ordures de tous ordres. Même en friche les champs ont une clôture barbelée décorée de chiffons qui flottent au vent. On remet à plus tard la pause repos et aussi celle du repas.

On traverse la ville de Githio en feintant à travers les sacs plastiques et les déchets évadés des poubelles. Un orage de fin du monde se déclanche au moment précis où l’on trouve refuge au bord de la mer. Est-ce que le Magne va nous décevoir ?....

Le Magne va nous enchanter, tant cette région est belle, sauvage, différente des autres….et puis nous la découvrons. La côte ouest par laquelle nous descendons est peut-être la moins typique, mais on commence d’apercevoir sur les éperons rocheux quelques maisons aux tours grises. Cette province est formée d’une série de montagnes parallèles à la côte et qui tombe brusquement sur la mer ; Ce sont les derniers contreforts des monts Taygètes. La route en corniche réserve des points de vue plongeants, magnifiques. On roule lentement pour pouvoir se donner le temps de voir, jusqu’à la pointe extrême du Magne, au port de Ghéroliménas où nous aurons la pause nuit.

« Souhaite que le chemin soit long, que nombreux soient les matins d’été où tu pénètreras dans des ports pour la première fois »…Bravo poète ! En voici un, au bout du monde…port de Ghéroliménas

76 âmes composent ce tout petit port de aux  9/10 inhabité. Les maisons tombent en ruine et les bateaux abandonnés, jonchent la plage de galets blancs où la pollution développe ses basses œuvres. Il faudrait peu de choses pour redonner vie à ce site sauvage et retiré, vraiment joli avec ses falaises noires tranchées net. Pour l’instant seuls quelques petits restaurants de poissons ont ouvert leurs portes et sorti des fauteuils d’osier près de la mer. On traverse la rue principale sans rencontrer âme qui vive, mais on repère l’amorce de notre route pôur demain.
           On s’installe pour la nuit sur une placette et échangeons des impressions avec d’autres camping-caristes. L’un d’eux nous dit tout de go  « Je me demande ce que je viens faire ici, alors que chez nous en France nous avons tout ce que nous pouvons désirer » !... Mais vous êtes Belge lui dis-je ! et lui de me répondre « Ca ne change rien d’ailleurs j’ai un ami Wallon qui dit la même chose » ! … C’est la plus belle phrase de tout notre séjour et j’ai trouvé l’ami Belge plein d’intelligence et de goût….  

Samedi 28 Mai

port de GhéroliménasL’itinéraire est magnifique depuis Ghéroliménas jusqu’à Porto Kagio (Port aux cailles) tout au fond de la presqu’île du Magne. La route étroite, en corniche longe des paysages maritimes de toute beauté. Cette péninsule âpre, rocailleuse, brûlée par un soleil implacable et un vent continuel possède une terre pauvre où poussent quelques arbres nains, sans aucune autre culture. Ce sont des exclus, réfugiés dans ce désert de pierres qui peuplèrent ces montagnes arides. . Indomptables ils formèrent des clans familiaux, se chapardant un lopin de terre qu’ils gagnaient en s’entretuant. Ils s’y livrèrent des guerres sans merci comme en témoignent les centaines de tours fortifiées qui hérissent le paysage. Sentinelles défensives, toujours sur le qui-vive, elles témoignent des haineslocales qui ravagèrent toute cette âpre région. C’est curieux et surprenant ! Seul le premier étage de ces tours est habité, on l’atteint grâce à une échelle que l’on retire après usage… Ainsi la maison tour est imprenable… Certains « maniotes »lassés par d’incessantes tribulations levèrent le camp et se réfugièrent ….En Corse ! Oui madame !... Ils sont aujourd’hui citoyens de la ville de Carghèse, mais ont-ils trouvé ici le calme et la paix  qu’ils souhaitaient en partant du Magne ?

Nous traversons quelques petits villages aux rues étroites, avec les maisons tours bâties de biais, empiétant sur la voie de circulation. On espère ne pas rencontrer de vis-à-vis, mais si ça se produit chacun s’efforce de trouver la solution. La marche arrière en est une, jusqu’à un semblant d’élargissement. Il n’y a jamais de mauvaise humeur, c’est une question d’entraide et celle-ci n’est jamais mise en défaut.

Nous jetons un rapide coup d’œil aux jolies criques bordées de galets blancs, en bas de la falaise noire où est accrochée notre route. De magnifiques baies cernées de rochers découpés se succèdent, l’eau est d’un bleu intense avec parfois un bateau dans le lointain, en route pour les îles. Tableaux à rêver….Quelque fois une route croise la nôtre, avec une destination non indiquée ou écrite en Grec, il faut alors se diriger au jugé, en utilisant le nord ….sans le perdre !petit village grec

Pour boucler la boucle du Magne, nous prenons la route du golfe de Messénie.  Le paysage s’humanise, la route se borde de verdure et de lauriers roses, entrecoupés de lauriers blancs. Les petits villages traversés, offrent quelques jolies images, qui font oublier les soucis causés par les rues étroites et le stationnement anarchique quasi habituel. Les hommes occupent leur temps à regarder le temps s’écouler depuis la terrasse de multiples cafés terrasses qui ne sont souvent qu’un petit trottoir. Ils sont là, indifférents, l’œil vague, verre d’eau ou d’ouzo à côté d’eux sur la table, au ras de la circulation qui génère des nuages de poussière. Sans doute nous traitent ils de fous et ils ont bien raison, nous le redirons souvent au cours de ce périple.

Il nous arrive de devoir couper en deux une foule rassemblée au milieu de la route en train de trinquer à je ne sais quel bonheur. Tout se passe avec le sourire et à grands cris de joie.

Où allons-nous dormir cette nuit ?  La vie nomade pose quelques problèmes qui imposent des recherches incessantes…Après plusieurs tentatives, nous accostons sur la plage d’Aghia Nikolaos, au milieu du village. Il y a plusieurs campings caristes, dont quelques uns sont là depuis quinze jours et nous profitons de leur expérience. Juste à quelques mètres de nous, la mer étale son ressac et mouille la plage de galets, où la pollution fait des siennes. Il n’est pas question de se tremper les pieds, on se contente de regarder la couleur du ciel et de l’eau admirablement conjuguée Bon sommeil réparateur de dommages...

Dimanche 29 Mai

Sur la plage d’Aghia Nikolaos.plage de Aghia Nikolaos
Notre voisin des Alpes Maritimes est en train de fourrager dans une serrure sans réussir à l’ouvrir. Cette opération dure depuis un moment déjà et Jeannot décide d’aller l’aider. Mais il semble qu’il n’y ait pas de solution au problème, on n’ouvre pas facilement une serrure de sécurité .Ils doivent donc renoncer à utiliser toutes sortes d’outils aussi inopérants les uns que les autres. Cette serrure fermant la port de la soute contenant bagages et provisions, ceux-ci sont inaccessibles. Il doit se rendre à la ville la plus proche et tenter une réparation.

Il est seulement 8 heures, on part vers Kalamata, sous un ciel gris. Mais c’est la fameuse route du golfe de Messénie qui commence à partir de cette ville et malgré une circulation délirante, on s’émerveille des bribes de côtes  découpées, formées par les contreforts ouest des monts Taygètes . De toute beauté ! Ainsi que la mer Ionienne déserte et scintillante. Sur les pentes des monts, des cultures en terrasses s’échelonnent abritées du vent par des files de cyprès, mais le maquis sauvage reprend vite le dessus. De petits villages délicieux cernent une fontaine  à l’ombre d’un immense platane centenaire. Tout autour, des cafés sont installés et parfois une petite église byzantine, souvent fermée.

La mer est là, toujours, toute proche, avec sa plage et son port de plaisance, avec un accès difficile pour nous, alors on va plus loin.

La suite du parcours nous déçoit un peu, blasés que nous sommes, il faut parfois laisser se reposer le sentiment d’émerveillement, pour ne pas le lasser. Les routes dans cette région là sont secondaires, donc sans indication. Heureusement les Grecs nous renseignent lorsqu’ils nous voient méditer à un carrefour. …Nous avons trouvé dans cette presqu’île quelques petits ports devenus stations balnéaires. Evidemment, il est impossible de s’y arrêter, tout stationnement de nos véhicules étant interdit. Alors voilà ! Difficulté pour y accéder, impossibilité pour s’y arrêter.

On trouve refuge pour la nuit, avec d’autres camping cars au bord de la mer , que l’on atteint en longeant un champ en friches. On va s’y relaxer un peu.

Jeannot souffre de son genou, je lui donne un Efferalgan qui s’avère inefficace. Plus tard une prise d’Aspegic 1000 le calme un peu. Inquiétude !....