Jeudi 2 Juin
Parking d’Olympie.
8 heures, beau soleil très chaud déjà. Les bus sont arrivés et ont largué leurs occupants, flux ininterrompu.
Nous partons vers Pirgos, pour visiter la pointe ouest du Péloponèse, sorte de triangle qui va vers Loutra Killinis . Il y aurait là plein de plages sympathiques où l’on peut se reposer. Las ! on ne retrouve rien de tel … Seuls quelques villages désertés, aux maisons sans vitres ni volets et partout omniprésentes les ordures amoncelées jusqu’au ras de la mer. Tout est vraiment impossible et on décide de mettre les bouts.
C’est à l’extrême pointe ouest que l’on découvre, perché sur une haute colline Hlemoutsi , uns impressionnante forteresse Franque qui fut édifiée par Geoffroy de Villehardouin. Celui-ci frère de Guillaume, gouverneur de Mystra avait joué un rôle prépondérant dans les croisades et occupé ce point stratégique de premier plan jusqu’à la conquête des Turcs.
Passé la porte monumentale, on entre dans une vaste cour, surtout composée de murs arasés dont ceux d’une mosquée. Protégeant le quartier des chevaliers la deuxième enceinte s’ouvre sur une chapelle et une immense galerie voûtée, ressemblant à celle du Krak des Chevaliers en Syrie. Deux énormes trous béants rappellent les assauts dont la citadelle fut la cible.
Telle qu’elle est aujourd’hui la forteresse de Hlemoutsi est la mieux conservée du Péloponèse. On grimpe sur les terrasses, d’où l’on aperçoit les îles Ioniennes, ainsi que la province d’Elide dont le fort assurait le contrôle. Autour de la vaste enceinte, les murs crénelés sont l’objet de restaurations, ils restituent la grandeur de ce site médiéval et militaire, au bas duquel se groupent les maisons du village.
On file sur Patras au milieu d’une circulation folle. On aperçoit le pont suspendu qui rappelle celui de Millau, avec ses réseaux de filins semblables à d’énormes harpes . Il fut bâti pour les jeux olympiques en 2004, il a donc un an seulement On aimerait bien faire une photo de ce joli site moderne , mais il ne faut pas rêver, la moindre tentative d’arrêt se solde par un concert d’avertisseurs impatients, alors on passe notre chemin en râlant.
Nous voudrions, maintenant voir les gorges du Vouraïkos par la route jusqu’à Kalavryta, puis prendre le petit train qui passe au-dessus des précipices, à travers des canyons impressionnants. Nous quittons donc la grande route Patras Corinyhe à Akrata et, en longeant le ravin essayons de joindre Kalavryta. Les panneaux indicateurs sont rares dans cette région peu fréquentée, on se dirige donc à l’estime un peu comme au désert. Il y a un réseau routier assez important qui relie de petits villages ou des lieux dits de quelques maisons à peine, mais lesquels ? Peu à peu à tâtons nous entrons dans la zone montagneuse où éclate un orage d’apocalypse. Trombes d’eau, vent, grêle nous tombent dessus et nous aveuglent. Il n’y a plus qu’à s’arrêter et attendre le ciel bleu. C’est alors que les rochers dévalent les pentes et encombrent la route. On s’efforce de les contourner, en négligeant les petits blocs que l’on juge inoffensifs. Mais ils ne le sont pas et ils passent sous le camion avec un fracas inquiétant. Aucun dégât pourtant n’est visible et on espère tout danger écarté. Ce n’est pas le cas, on est bel et bien perdus, notre carte incomplète n’indique pas notre chemin à moitié obstrué, par des rochers et des coulées de terre et pour parfaire le tout, la pluie se remet à tomber en rafales que le vent plaque sur notre pare brise, on n’y voit plus rien du tout. Le bruit du tonnerre se répercute sur les parois des précipices et l’écho nous le renvoie assourdissant. On n’est pas si rassurés que ça , car la nuit commence à tomber, l’orage continue ses désastres, on est bel et bien perdus dans une montagne inconnue, inhabitée, où il ne faut pas manquer la route étroite et en lacets qui longe un canyon insondable.
Au moment le plus désespéré, un petit village est là qui nous barre le chemin. La route ne va pas plus loin et on s’arrête au ras d’une maison d’où sortent effrayées trois femmes vêtues de noir. Sous la p^luie battante, je les rejoins sur un petit balcon abrité et leur dis en Anglais que nous sommes perdus dans la montagne. La plus jeune semble avoir compris et nous confirme que l’on peut aller dormir près de l’école désaffectée. Elle nous offre le café et les fleurs cueillies sur son balcon. Ne pouvant faire demi tour par manque de place, on va à reculons prendre place près de l’école et d’un oratoire où brûle un cierge devant des icônes. Après un repas improvisé, promenade dans le village où les quelques maisons sont inhabitées, il n’y a plus de route possible ici, on devra demain avec le jour trouver notre voie.
La pluie a cessé, très bon sommeil montagnard sans aucun bruit.
Vendredi 3 Juin
Quelque part dans la montagne...
Au réveil je fleuris l’oratoire et prépare des bonbons pour mes gentilles relations féminines. Elles nous attendent et nous font un itinéraire parfait qui nous ramène jusqu’à Akrata, c'est-à-dire notre point de départ. C’est ce que l’on va faire dès maintenant. Le café nous est offert à nouveau, mais on refuse gentiment, à mon tour j’offre les bonbons, on s’embrasse comme de vieilles connaissances puis prenons le chemin à l’envers. Nous pourrons ainsi apercevoir la canyon du Vouraïkos que l’on n’a pu voir dans la tourmente.
Hé bien voilà ! Nous découvrons le nom de notre village, grâce au cimetière où ce nom est indiqué en Grec, ce qu’il faut traduire... C’est celui de Babpapa . On trouve ce nom sur la carte assez loin de la destination que nous nous étions fixée et du coup nous pourrons nous diriger sans problèmes.
Magnifique route du canyon, aux pentes verdoyantes où circule tout au fond un torrent tumultueux entre des roches grises ou blanches parsemées de lauriers roses. La nature fraîchement lavée offre des couleurs éclatantes, que magnifie un ciel sans nuages.
A Kalavryta on stationne près de la gare fermée, on ne peut donc se renseigner sur le voyage en train.. Alors on marche dans les rues à la découverte de la ville. On visite la curieuse église orthodoxe, flambant neuve où l’horloge s’est arrêtée à 14 heures 34 un jour de 1943. Elle rappelle l’heure où les soldats Allemands fusillèrent 1436 hommes avant d’incendier la ville, tandis que femmes et enfants enfermés dans le sanctuaire pour y subir le même sort furent libérés à temps grâce à une porte dérobée ouvert par un soldat compatissant.
Entrant dans l’église un pope nous apostrophe et nous interroge. J’espère qu’il n’est pas déçu que nous ne soyons pas Allemands, ce dont je ne suis pas si sûre que ça !....Il semble que toutes les erreurs leur sont pardonnées grâce à leur pouvoir d’achat tellement supérieur au nôtre. Mais en tout cas, il nous tourne le dos lorsqu’il sait que nous sommes catholiques…Nous lui sommes devenus tout à coup indifférents…. Insomdables mystères des religions !....
Après dîner, nous partons voir le monastère Méga Spiléo qui s’accroche à une paroi lisse et verticale de la montagne. Il parait suspendu entre ciel et terre et fut détruit lui aussi en 1943. Il est composé d’un curieux assemblage d’éléments disparates, ressemblant à des casiers superposés et, comble de tout peints en jaune. Nous avons du mal à concevoir que les Grecs qui furent de merveilleux architectes et des bâtisseurs inspirés aient pu abîmer un site aussi grandiose, abritant des trésors uniques. Mais c’est l’intérieur qu’il faut voir et pour cela, il faut avoir une « tenue correcte et des vêtements appropriés » !...Sans vraiment savoir la signification de ce terme, j’apprends que les femmes en pantalon son exclues, car le pantalon est un vêtement d’homme, donc je dois mettre par-dessus une jupe qu’un religieux me tend du bout des doigts presque dédaigneusement. J’ai été frappée par le nombre d’interdits qui frappent les femmes dans toutes les parties du monde, y compris dans une église !... La réflexion n’apporte pas de solution, hélas !...
L’office bat son plein et nous y assistons depuis le couloir. Les moines chantent d’une voix un peu monocorde des louanges à Dieu, tandis que l’un d’eux semble prier devant un autel surélevé. Nous sommes très impressionnés lorsqu’un moine surveillant surgit de derrière un pilier pour nous poser la question rituelle : Sommes nous Allemands ? Il ne semble pas rancunier lui non plus et pourtant le monastère fut incendié en 1943 et par qui justement ???...Comme d’habitude le fait d’être catholiques nous rend insignifiants, mais l’on est autorisés à visiter la monastère, où se trouvent de magnifiques manuscrits enluminés, des icônes, des étoffes brodées d’or et d’argent, des vêtements liturgiques somptueux. Nous retournons à l’église toute baignée de mystère, o^l’on découvre la fameuse icône attribuée à l’évangéliste saint Luc, représentant la Vierge. Elle fut retrouvée dans une grotte au VIIIe siècle, fut l’objet d’une grande dévotion, fit des miracles que certifient de nombreux ex voto : bagues, bracelets, colliers…qui ont été déposés en remerciement.
Une majestueuse porte de cuivre sur laquelle est sculptée la légende de l’icône, ainsi qu’une vierge à l’enfant et des archanges ferme l’oratoire que l’on vient de voir et termine notre visite au Mega Spileo, qui nous a fortement impressionnés.
Et nous revenons dormir sur le parking de la gare en attendant demain.
Samedi 4 Juin
Nous sommes sur le parking, face à la gare, en attente ou non du départ du train. Levés depuis 5 h30, on ne pourra sans doute pas partir à cause d’un brouillard épais qui sévit sur la montagne. La dame chef de gare nous montre l’écran noir de son ordinateur en panne. C’est très peu explicite… Est-ce que ça signifie qu’on ne peut avoir de ticket ? Ou bien que le train est déjà plein de voyageurs en excursion pour le week-end ? On ,ne le saura pas ; Mais peut-être serait il bon d’attendre que le ciel s’éclaircisse.
Mais on fait l’impasse sur ce voyage, l’incertitude et l’attente nous exaspèrent et la brume ainsi que la brume épaisse qui s’épaissit encore plus. Il faut faire un itinéraire de remplacement. Nous décidons de longer le golfe de Corinthe jusqu’à Klato, puis Corinthe puis on vire de cap en préférant les petites routes de montagne, sans doute plus pittoresques, en crochetant jusqu’au centre du Péloponèse jusque vers Tripoli. Ensuite seulement ce sera Klato, Corinthe et Loutraki qui possède un petit pont original, à voir.
Très beaux paysages de montagne sur cet itinéraire, cirques verts avec des petits pins poussant jusqu’en haut, des villages rouges au creux des vallées, des routes enroulées qui grimpes et dévalent magnifiquement. C’est un désert aussi, presque aussi désertique que l’autre. Nous trouvons un terre plein sympathique en haut d’un col, d’où l’on peut jeter un coup d’œil circulaire, sur un panorama reposant. C’est là que nous installons notre salle à manger. Arrive alors une cycotouriste Hollandaise, qui gagne sa vie et son toit en faisant le guide touristique. Primordial ici, elle possède plusieurs langues étrangères dans son bagage intellectuel, semble satisfaite de son sort, ne souffre pas d’un climat torride, bref c’est une bonne nature. Elle n’accepte rien à boire, ni à manger, n’a besoin de rien, mais est contente de parler. Nous la trouvons très courageuse et le lui disons. Elle reprend son vélo de course et redescend la route du col à bride abattue.
En fin de journée, nous arrivons à Corinthe, traversons l’isthme, joignons Loutraki et stationnons au port près d’un autre camping car de Néerlandais.
On se glisse tant bien que mal parmi les badauds à l’entrée du pont Possidonia étonnant et cureix. A l’approche d’un bateau, le tablier en bois du pont s’enfonce dans l’eau pour le laisser passer. Ce qui n’est pas banal pour un bateau de passer sur le pont et non dessous. C’est un spectacle unique, certains bateaux franchissent l’espace avec leur remorqueur, puis le pont remonte peu à peu, se remet en place et les automobilistes qui jusque là attendaient le franchissent en trombe.
Nous avons beaucoup aimé ce petit ponyt ingénieux, qui n’a l’air de rien et qui facilite un trafic important.
Dimanche 5 Juin
Pont de Possidonia à Loutraki.
Il est 8 heures, le pope chante ses couplets depuis un grand moment. On pense aux pays musulmans, où la chanson semble la même et s’éternise de la même façon.
Nous avons bien dormi près d’un mur couvert de jasmin odorant. Nos voisins Néerlandais sont déjà partis et les Italien arrivés plus tard ont décampé également. Ces derniers avaient peur de se faire déloger par la police ce qui avait dû se produire et les avait complexés pour le reste de leur séjour. Quant à nous, nous flânons un peu, observant les drapeaux de la communauté Européenne qui flottent au vent. Tiens ! le premier me pose un problème ! Quel est donc ce pavillon blanc orné d’un dessin jaune ? J’ai découvert plus tard , grâce à Daniel que c’est celui de Chypre, placé au tout premier plan, car c’est un pays Grec, donc place d’honneur….Je les observe longuement flotter tous dans la même direction ce qui n’est pas le cas des états qu’ils représentent….Hélas !
Mais, trêve de réflexions inutiles, nous assistons au départ de la mini croisière qu’effectuent les Grecs le Dimanche matin à travers le canal, c’est le bonheur intégral pour une journée entière. Ils nous saluent en quittant le port, tandis que le bateau mouline des chansons sans doute pas très modernes , mais qui parlent de choses qu’ils aiment entendre….Du bonheur, je vous dis !...Pour tout le voyage.
Il est 10 heures maintenant, nous sommes seuls sur le port, les voyageurs sont partis, les pêcheurs habituellement nombreux, se sont abrités du soleil. Nous allons rejoindre l’isthme où sont rassemblés tous les marchands du temple. Achats de cartes postales, de komboloïs, puis on va faire des photos en vues plongeantes sur la profonde coupure du canal, vue et revue maintes fois. Ensuite départ vers les petites routes qui longent le golfe et rejoignent l’ouest du pays. Aucun itinéraire à longue échéance n’est prévu, on les crée au fur et à mesure, en se réservant le droit de le modifier à vue. Après tout, la fantaisie, c’est aussi la liberté !...
Voici les belles routes enroulées autour des montagnes, les belles échappées sur la mer, les petits villages difficiles à traverser à cause d’un stationnement anarchique, et les panneaux indicateurs en Grec que l’on doit décrypter à chaque croisée des chemins. Parfois rien n’est indiqué, alors on se dirige comme au désert, à l’estime, au GPS Garmin, ou bien à la boussole, le soleil aussi est un bon orienteur, on le scrute souvent, on roule donc sans se perdre.
Mais il est assez tard, la nuit approche, il arrive qu’on ne trouve pas d’endroit possible pour dormir. C’est le cas ce soir. Nous décidons d’aller vers un village au bord de la mer et l’on atteint Paealia Sarapi. Il y a ici une place avec de grands arbres et la mer juste à côté. L’endroit est bien plat, calme, joli, on l’adopte.
Bon sommeil jusqu’à demain matin, pas très tôt.